ARTICLE DE PRESSE: La défaite de Lech Walesa
Publié le 22/02/2012
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même si elle proclame des intentions conciliatrices, s'est forgée politiquement au temps d'une lutte sans rémission contreSolidarité.
Certes, elle-même est beaucoup moins unie qu'il n'y paraît et la coalition entre post-communistes et paysans étaitdevenue si branlante que le Parti paysan avait évité de se prononcer entre les deux candidats, et que certains de ses responsablesparaissaient préparer un retournement d'alliances, y compris pendant les premières heures de l'étrange soirée de dimanche.
Aprésent, ils n'ont plus aucune raison de changer de camp.
La coalition semble donc appelée à durer, d'autant plus qu'en face, et en tout cas au Parlement, il n'y a pas grand-chose.L'Union de la liberté, le parti de " l'élite " de Solidarité, brouillée avec Lech Walesa jusqu'au lendemain du premier tour, est plusfaible que jamais.
Non seulement son candidat, Jacek Kuron, a réalisé un score somme toute médiocre, mais le soutien qu'elle afini par apporter à Lech Walesa s'est avéré inefficace (un tiers des électeurs de Jacek Kuron qui dimanche soir a refusé toutcommentaire s'est porté sur le candidat post-communiste).
Quant à la droite radicale, elle semble plus vouée que jamais à sesincessantes querelles internes, avec même quelques nouvelles raisons de se montrer mutuellement du doigt : après tout, ni son" meilleur " représentant au premier tour, l'ancien premier ministre " anti-communiste " Jan Olszewski, ni Mm Gronkiewicz-Waltz,n'ont cru utile d'appeler clairement à voter Walesa.
L'Eglise, elle, avait nettement fait connaître son choix trop nettement peut-être.
Le porte-parole de l'épiscopat, Mgr Pieronek,visiblement affecté, parlait dimanche soir de " drame ", tout en évitant de parler de " tragédie ".
Mais il est vrai que l'Eglise dePologne en a vu d'autres, et une cure d'opposition ne lui ferait peut-être pas de mal, son triomphalisme des dernières années luiayant coûté cher auprès d'une bonne partie de l'opinion.
Reste, bien sûr, l'échec personnel d'un homme, d'un personnage hors du commun, à qui il avait été donné d'incarner son paysdevant le monde.
A l'approche du vote, Lech Walesa était allé dans son atelier des chantiers navals de Gdansk, avait ouvert letiroir de bois où il rangeait ses outils d'électricien.
Il n'y retournera pas, bien sûr, mais il ne sera plus jamais non plus ce Walesa" magique ", ce gagneur qui, au pires moments, n'avait jamais baissé les bras et les avait si souvent levés en " V " de la victoire.On pourra lui reprocher beaucoup, et en particulier ce catastrophique débat télévisé qui lui a peut-être coûté l'élection.
Et aussi,plus gravement, d'avoir découragé, laissé sur le bord du chemin, trop d'amis et de collaborateurs dévoués, qui, au moment del'épreuve, lui auront cruellement manqué.
Car c'est fondamentalement un homme seul, doté d'un entourage maigrelet, d'un état-major ne faisant absolument pas le poids, qui a mené le combat, et l'a perdu.
La faute lui en revient, certes, mais pas seulement à lui.
Fallait-il vraiment que Jacek Kuron, le vieux compagnon de lutte, alorsqu'il savait pertinemment n'avoir plus aucune chance, le renvoie dos à dos avec son adversaire post-communiste ? Et qu'ensuite,après lui avoir d'un mot accordé son soutien, il brille par son silence, entre les deux tours ? Fallait-il que d'autres grandes figuresd'un combat commun ne lui apportent leur voix qu'avec des pincettes ?
Pour tous, pour ceux qui se sentent à juste titre les créateurs de la Pologne démocratique, la leçon est amère.
Sera-t-elle tirée ?Pour l'heure, il faut d'abord conjurer un nouveau danger, une nouvelle crainte : celle que la route de la Pologne vers l'Europe unie,et plus encore vers l'OTAN, se soit en un jour allongée de plusieurs années.
Dès dimanche soir, Bronislaw Geremek demandait, par télévision interposée, aux responsables occidentaux de comprendreque, précisément parce qu'elle avait désormais un président post-communiste, la Pologne avait plus besoin que jamais d'êtreacceptée, et vite, dans les structures occidentales.
La réponse risque pourtant de s'imposer d'elle-même : pourquoi cette Polognequi demande de l'aide s'est elle mise d'elle-même dans de tels draps ? Pour reprendre un autre commentaire du professeurGeremek, " la situation est difficile, mais intéressante ".
C'est une litote.
JAN KRAUZE Le Monde du 21 novembre 1995.
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