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Article de presse: La conférence mondiale des Partis communistes

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

5-17 juin 1969 - La Pravda, qui reproduit le texte intégral du " document principal " adopté par la conférence des partis communistes et ouvriers, publie d'autre part, en pages intérieures, mais sous forme à peine résumée, l'essentiel des observations présentées à la dernière séance par les chefs de douze délégations. Ainsi est donné acte officiellement des réserves et des remarques formulées par les représentants d'une minorité de partis dont les positions ne coïncident pas entièrement avec celles de la majorité, parfois même en diffèrent sur des points fondamentaux. La plupart de ces réserves ou objections sont déjà connues. Elles émanent non seulement des cinq partis expressément mentionnés dans le communiqué final (Italie, Australie, Saint-Marin, Réunion et République dominicaine), mais aussi des représentants des partis roumain, suisse, espagnol, britannique et norvégien. Les délégués des PC marocain et soudanais, enfin, reprochent au document de recommander l'application " intégrale " de la résolution du Conseil de sécurité de novembre 1967 sur le Moyen-Orient et de ne pas reconnaître assez clairement de ce fait les droits du peuple arabe de Palestine. Les Cubains et les Suédois, qui n'avaient envoyé que des observateurs, n'ont pas voté le texte. Le document lui-même se divise, comme on le savait, en quatre parties dont les deux premières sont consacrées à une analyse de la situation internationale et à une évaluation des forces en présence, la troisième au programme de la lutte contre l'impérialisme, la quatrième aux relations entre partis communistes et ouvriers. Ce quatrième chapitre est de loin le moins développé : tout en admettant l'existence de " divergences ", il se borne pratiquement à déclarer que " les problèmes litigieux peuvent et doivent être résolus de façon satisfaisante par le renforcement de toutes les formes de coopération entre les partis communistes ". De même, dans les autres chapitres, les contradictions internes de l'impérialisme et son agressivité sont longuement évoquées sans que, parallèlement, soient analysées les " difficultés " apparues à l'intérieur du camp socialiste et du mouvement communiste. C'est sur cette lacune qu'a porté l'essentiel des réserves formulées par les contestataires et, en particulier, par MM. Ceausescu et Berlinguer. Pour le reste, le document porte la trace de concessions diverses qui lui donnent un ton relativement conciliant. Il reconnaît expressément, comme on pouvait s'y attendre, qu' " il n'existe pas de centre dirigeant du mouvement communiste international ". Il insiste très peu, d'autre part, sur des thèses telles celles de la valeur exemplaire de l'expérience soviétique ou même du rôle dirigeant exclusif des partis communistes dans le front des forces démocratiques et anti-impérialistes. Le texte enfin signale avec force les mérites de la coexistence pacifique au point de présenter-ce qui a provoqué le désaccord du délégué dominicain-la lutte pour la paix comme " le maillon principal de l'action unie des forces anti-impérialistes ". Le véritable bilan de la conférence de Moscou ne saurait être dressé immédiatement, et les observations que l'on peut dès maintenant formuler à son sujet mériteront sans doute d'être révisées à la lumière d'événements à venir. Il est néanmoins possible de discerner les principales directions dans lesquelles ces douze jours de débats ont le plus de chance d'avoir des prolongements notables importants pour le monde communiste. L'objectif des soviétiques Il faut revenir, à cet égard, sur l'aspect positif que comportait pour l'URSS la réunion même de cette conférence. Et du point de vue soviétique, les choses se sont en définitive mieux passées qu'on aurait pu le penser à l'été ou à l'automne dernier. Soixante-quinze partis ont envoyé des délégations à Moscou malgré la dissidence chinoise et en dépit de la crise tchécoslovaque. Personne n'a profité de cette circonstance pour faire un éclat, et l'un des chefs de file des contestataires, Enrico Berlinguer, a eu le bon esprit de déclarer dans les dernières heures mêmes de la conférence que ce qui unissait les partis communistes et ouvriers était, en définitive, " plus profond et plus grand " que ce qui les divisait. Les dirigeants du parti soviétique ont atteint un objectif limité, puisque la conférence en tant que telle n'a pas condamné la Chine comme l'ont fait à titre individuel les deux tiers des délégués puisque, également, l'action militaire en Tchécoslovaquie des cinq pays du pacte de Varsovie a été évoquée-et désapprouvée-par un peu plus d'une demi-douzaine de délégués, malgré la convention tacite qui voulait qu'on n'en parle pas. Il reste que justement, en dépit du schisme maoïste et des ébranlements d'août 1968, un certain esprit d'unité se manifeste assez puissamment dans le mouvement communiste mondial pour avoir permis une telle rencontre à Moscou. D'autre part, et d'un point de vue moins idéologique, il apparaît que le glacis européen que constitue pour l'URSS le " camp socialiste " n'est nullement en voie de désintégration. La position des communistes roumains était à cet égard la plus intéressante. Or Ceausescu, en dépit des réserves importantes qu'il présenta, a finalement accepté de signer " dans sa forme actuelle " le document qui lui était proposé. Acte de diplomatie habile peut-être, mais qui fait douter que Bucarest ait gagné une très grande liberté de mouvement par rapport à février 1968-où la délégation roumaine avait quitté avec fracas la réunion consultative de Budapest. Jusqu'à plus ample informé, on ne peut donc dire que la conférence ait été annonciatrice de changements profonds en Europe orientale. Réflexions sur trois partis Il en va différemment du mouvement communiste lui-même au sein duquel se sont produits des phénomènes inédits et dont tout fait croire qu'ils sont irréversibles. Le mérite en revient sans doute avant tout à la délégation des communistes italiens, qui, dans le groupe des contestataires les plus résolus, représentaient le parti le plus nombreux. Le combat n'a pas été vain puisque la contestation a abouti dans les faits comme dans les textes à la reconnaissance de la diversité. Non seulement l'ère du monolithisme est ainsi dépassée, mais un pas supplémentaire est peut-être franchi au-delà du polycentrisme cher à Togliatti. Pour s'en tenir au texte même du communiqué final de la conférence, il est admis que plusieurs partis, sans pour autant s'exposer à des mesures d'excommunication ni seulement à des critiques explicites, ont le droit d'avoir au sein du mouvement communiste mondial des positions qui leur sont propres, différentes de celles de la majorité et qui leur paraissent mieux conformes aux conditions de la lutte pour une société socialiste dans le contexte de leurs communautés nationales respectives. Il est encore trop tôt pour discerner toutes les conséquences que peut avoir cette reconnaissance de principe. Mais on peut d'ores et déjà noter qu'elle offre matière à réflexion sur le cas de trois partis importants. Le Parti communiste français, d'abord, qui, en dépit de la solidité de ses positions électorales, voit ainsi la démonstration faite sous ses yeux qu'originalité ne signifie pas rupture, et doit surtout constater qu'en Europe occidentale (si l'on veut bien mettre à part le cas un peu particulier du parti allemand de Max Relimann), les seuls partis qui aient fait preuve d'un conformisme égal au sien sont ceux d'Irlande, du Luxembourg et du Portugal. L'isolement ne suffit pas à convaincre que l'on est dans l'erreur, mais il peut au moins inciter à certains réexamens. Des communistes yougoslaves, d'autre part, admettent déjà que des développements " intéressants " surviennent au sein d'un mouvement à l'égard duquel ils pourraient être amenés à reconsidérer un jour leur attitude. Leur position reste trop éloignée de celle des plus contestataires parmi les délégués à la conférence de Moscou pour que leur participation à de telles assises ait été concevable. Il pourrait en être autrement si la porte entrouverte à cette occasion devait donner accès à des confrontations où des points de vue plus divers encore seraient autorisés à s'exprimer. De toute manière, le projet de congrès mondial anti-impérialiste, annoncé à l'issue de la conférence, place Belgrade devant un choix d'autant plus délicat que l'idée n'en revient pas aux Soviétiques et à leurs amis les plus proches, mais à des partis " minoritaires " -italien et roumain, notamment,-pour lesquels les communistes yougoslaves éprouvent d'évidentes sympathies. A une échéance peut-être plus lointaine encore, on peut se demander quel effet aura la conférence sur les relations du parti chinois avec la fraction du mouvement communiste mondial représentée à la conférence de Moscou. Le problème est ici beaucoup plus complexe, dans la mesure où les rapports de puissance à puissance entre la Chine et l'URSS tendent évidemment à prendre le pas sur ceux de parti à parti. Ce que l'on peut noter dès à présent, c'est que, en dépit des attaques répétées dont le maoïsme a été l'objet, il ne s'est pas trouvé, d'une part, de majorité assez substantielle pour condamner collectivement la politique de Pékin, d'autre part, que plusieurs partis ont insisté pour que des efforts de rapprochement soient entrepris, et cela dans un esprit qui ne suppose aucunement que les dirigeants chinois prennent le chemin d'un quelconque Canossa. C'est ici que la notion de " diversité " peut trouver ses prolongements les plus lointains, dans la mesure où elle tend à justifier et reconnaître l'existence d'un " modèle chinois " profondément différent des expériences européennes, mais néanmoins authentique. Restent enfin les répercussions que les débats de la conférence et leur publicité peuvent avoir à l'intérieur même de l'Union soviétique. La conférence elle-même, l'influence internationale de l'URSS dont elle témoigne, les cérémonies diverses qui l'ont entourée, représentent certes pour Leonid Brejnev un capital politique. C'est à tout le moins un difficile obstacle franchi sans trop d'encombres et qui permet d'envisager, l'esprit plus libre, des échéances prochaines, tel le vingt-quatrième congrès du parti. Mais, en même temps, divers propos tenus au cours des débats, et qui ont bénéficié d'une publicité à l'échelle nationale par la voie des organes d'information les plus officiels, ont touché directement l'opinion soviétique. Ce qui, à propos notamment de la Tchécoslovaquie, pouvait jusqu'à présent être présenté comme le fait d'une propagande " bourgeoise ", " impérialiste ", s'est retrouvé dans la Pravda et dans la bouche de communistes assez authentiques pour être invités à siéger au Kremlin. Il serait probablement illusoire de croire qu'à partir de cette circonstance un mouvement de contestation politique pourrait se développer en URSS. L'opinion la plus courante est au contraire qu'une période de reprise en main idéologique particulièrement ferme risque de succéder à ce bref courant d'air frais. La question reste cependant posée de savoir jusqu'à quel point pourront être effacées les traces de cette discussion contradictoire dans le saint des saints du monde soviétique. ALAIN JACOB Le Monde du 19 juin 1969

« rapport à février 1968-où la délégation roumaine avait quitté avec fracas la réunion consultative de Budapest.

Jusqu'à plus ampleinformé, on ne peut donc dire que la conférence ait été annonciatrice de changements profonds en Europe orientale. Réflexions sur trois partis Il en va différemment du mouvement communiste lui-même au sein duquel se sont produits des phénomènes inédits et dont toutfait croire qu'ils sont irréversibles.

Le mérite en revient sans doute avant tout à la délégation des communistes italiens, qui, dans legroupe des contestataires les plus résolus, représentaient le parti le plus nombreux.

Le combat n'a pas été vain puisque lacontestation a abouti dans les faits comme dans les textes à la reconnaissance de la diversité.

Non seulement l'ère dumonolithisme est ainsi dépassée, mais un pas supplémentaire est peut-être franchi au-delà du polycentrisme cher à Togliatti.

Pours'en tenir au texte même du communiqué final de la conférence, il est admis que plusieurs partis, sans pour autant s'exposer à desmesures d'excommunication ni seulement à des critiques explicites, ont le droit d'avoir au sein du mouvement communiste mondialdes positions qui leur sont propres, différentes de celles de la majorité et qui leur paraissent mieux conformes aux conditions de lalutte pour une société socialiste dans le contexte de leurs communautés nationales respectives. Il est encore trop tôt pour discerner toutes les conséquences que peut avoir cette reconnaissance de principe.

Mais on peutd'ores et déjà noter qu'elle offre matière à réflexion sur le cas de trois partis importants.

Le Parti communiste français, d'abord,qui, en dépit de la solidité de ses positions électorales, voit ainsi la démonstration faite sous ses yeux qu'originalité ne signifie pasrupture, et doit surtout constater qu'en Europe occidentale (si l'on veut bien mettre à part le cas un peu particulier du partiallemand de Max Relimann), les seuls partis qui aient fait preuve d'un conformisme égal au sien sont ceux d'Irlande, duLuxembourg et du Portugal.

L'isolement ne suffit pas à convaincre que l'on est dans l'erreur, mais il peut au moins inciter àcertains réexamens. Des communistes yougoslaves, d'autre part, admettent déjà que des développements " intéressants " surviennent au sein d'unmouvement à l'égard duquel ils pourraient être amenés à reconsidérer un jour leur attitude.

Leur position reste trop éloignée decelle des plus contestataires parmi les délégués à la conférence de Moscou pour que leur participation à de telles assises ait étéconcevable.

Il pourrait en être autrement si la porte entrouverte à cette occasion devait donner accès à des confrontations où despoints de vue plus divers encore seraient autorisés à s'exprimer.

De toute manière, le projet de congrès mondial anti-impérialiste,annoncé à l'issue de la conférence, place Belgrade devant un choix d'autant plus délicat que l'idée n'en revient pas auxSoviétiques et à leurs amis les plus proches, mais à des partis " minoritaires " -italien et roumain, notamment,-pour lesquels lescommunistes yougoslaves éprouvent d'évidentes sympathies. A une échéance peut-être plus lointaine encore, on peut se demander quel effet aura la conférence sur les relations du partichinois avec la fraction du mouvement communiste mondial représentée à la conférence de Moscou.

Le problème est icibeaucoup plus complexe, dans la mesure où les rapports de puissance à puissance entre la Chine et l'URSS tendent évidemmentà prendre le pas sur ceux de parti à parti. Ce que l'on peut noter dès à présent, c'est que, en dépit des attaques répétées dont le maoïsme a été l'objet, il ne s'est pastrouvé, d'une part, de majorité assez substantielle pour condamner collectivement la politique de Pékin, d'autre part, que plusieurspartis ont insisté pour que des efforts de rapprochement soient entrepris, et cela dans un esprit qui ne suppose aucunement queles dirigeants chinois prennent le chemin d'un quelconque Canossa.

C'est ici que la notion de " diversité " peut trouver sesprolongements les plus lointains, dans la mesure où elle tend à justifier et reconnaître l'existence d'un " modèle chinois "profondément différent des expériences européennes, mais néanmoins authentique. Restent enfin les répercussions que les débats de la conférence et leur publicité peuvent avoir à l'intérieur même de l'Unionsoviétique. La conférence elle-même, l'influence internationale de l'URSS dont elle témoigne, les cérémonies diverses qui l'ont entourée,représentent certes pour Leonid Brejnev un capital politique.

C'est à tout le moins un difficile obstacle franchi sans tropd'encombres et qui permet d'envisager, l'esprit plus libre, des échéances prochaines, tel le vingt-quatrième congrès du parti.

Mais,en même temps, divers propos tenus au cours des débats, et qui ont bénéficié d'une publicité à l'échelle nationale par la voie desorganes d'information les plus officiels, ont touché directement l'opinion soviétique.

Ce qui, à propos notamment de laTchécoslovaquie, pouvait jusqu'à présent être présenté comme le fait d'une propagande " bourgeoise ", " impérialiste ", s'estretrouvé dans la Pravda et dans la bouche de communistes assez authentiques pour être invités à siéger au Kremlin. Il serait probablement illusoire de croire qu'à partir de cette circonstance un mouvement de contestation politique pourrait sedévelopper en URSS.

L'opinion la plus courante est au contraire qu'une période de reprise en main idéologique particulièrement. »

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