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Article de presse: La conférence de Wannsee organise la solution finale

Publié le 22/02/2012

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20 janvier 1942 - Le 20 janvier 1942, dans une villa cossue d'un faubourg de Berlin, à Wannsee, quinze hauts fonctionnaires du Reich se réunissent à midi sous la présidence de Reinhard Heydrich. Rien de moins spectaculaire, en apparence, que cette conférence de bureaucrates appartenant à tous les secteurs de l'Etat allemand qui sirotent du cognac. Rien, si ce n'est l'objet même de la conférence : l'organisation administrative, technique et pratique de la mise à mort de tous les juifs d'Europe. Cette rencontre de secrétaires d'Etat, qui dura environ une heure et demie, était prévue d'abord pour le 9 décembre 1941, puis avait été repoussée pour cause d'entrée en guerre imminente des Etats-Unis. Le 20 janvier 1942 donc, c'est avec enthousiasme que les quinze participants programment la mort des 11 millions de juifs dénombrés par eux sur le Vieux Continent (Angleterre et Espagne inclus). A Wannsee, c'est une action à long terme qui se trame, d'une portée historique inouïe, et non plus un pogrom ni une opération punitive à grande échelle. A l'ordre du jour de cette réunion classée " affaire secrète du Reich " : la " solution finale ". Finale, un adjectif qui a cours depuis décembre 1939 à l'Office central de sécurité du Reich (RSHA), organisme à cheval entre la police et le parti nazi chapeauté par Heydrich. Un adjectif typique de la stratégie de l'euphémisme et de la langue de bois SS. Comme le confirmera l'un des invités de Wannsee, Klopfer, on ne faisait jamais mention des assassinats de masse dans les documents officiels. Si Heydrich a convoqué ce jour-là les responsables concernés par cette " solution finale ", c'est d'abord pour montrer aux autres ministères qu'il est, sur cette question, le seul maître à bord, après Himmler et Hitler. C'est aussi, comme le dira Eichmann (qui dirige la section IV-B-4 du RSHA chargée de " l'évacuation des juifs " ) à son procès de Jérusalem en 1961, afin de " mouiller " les diverses branches de l'Etat hitlérien. A la surprise ravie de Heydrich, aucune ne lui marchande ni son adhésion ni sa coopération. Pourtant, à l'heure où débute la conférence de Wannsee, le processus de destruction physique des juifs d'Europe est déjà en marche. Les nazis, qui n'ont aucun goût pour l'idéal sioniste, ont certes caressé un moment d'idée d'expédier les juifs à Madagascar. C'est ce qu'on appelle la " solution territoriale ", prévue d'ailleurs (qu'on songe au transport de millions d'hommes !) pour être très meurtrière. Là, parqués dans une sorte de réserve, sous le contrôle des SS, les juifs auraient servi d'otages, garants de la bonne conduite de leurs " camarades de race " américains. Mais la mondialisation du conflit et l'invasion allemande de l'URSS en juin 1941 changent les données du problème. " L'émigration, lit-on dans le protocole en trente exemplaires de la réunion de Wannsee rédigé par Heydrich et Eichmann, a désormais cédé la place à une autre possibilité de solution : l'évacuation des juifs vers l'Est, solution adoptée après accord du Führer. " La datation précise de cette décision de Hitler fait, depuis plusieurs années, l'objet d'un débat qui divise les spécialistes. Ni les uns ni les autres ne contestent que l'antisémitisme ait joué un rôle central dans la conception hitlérienne du monde. Les menaces de mort que Hitler profère contre les juifs s'étalent dans Mein Kampf. Et avant même le déclenchement de la seconde guerre mondiale, Hitler n'a pas fait mystère de ses desseins : en cas de guerre mondiale, prophétise-t-il devant le Reichstag, le 30 janvier 1939, le résultat ne serait pas " la victoire du judaïsme, au contraire, ce serait l'anéantissement de la race juive en Europe ". L'ordre n°21 Pour l'école " intentionnaliste ", qui, dans la suite du procès de Nuremberg, voit dans les crimes de l'Allemagne nazie le résultat d'une conspiration méthodique, le projet de Hitler est palpable dès 1940. Ainsi, un ordre n 21, signé de sa main le 12 décembre 1940, stipule que " les territoires occupés devront être assurés contre les surprises ". Cette phrase sibylline, commente le maréchal Keitel, chef de l'OKW, signifie que la sécurité à l'arrière du front est confiée aux troupes SS commandées par Himmler, et notamment aux Einsatzgruppen, ces commandos mobiles d'un effectif d'environ trois mille hommes qui suivent de très près l'avancée allemande en URSS et qui font la chasse aux juifs systématiquement. Une directive de la Gestapo de Berlin, du 17 juillet 1941 - et concernant l'action de ces commandos dans les camps de prisonniers - leur enjoint par écrit de liquider purement et simplement " tous les juifs " (Alle Juden) qu'ils y trouveront. L'un d'eux, le Einsatzgruppe A, fusille, entre le 22 juin 1941 et le 1 février 1942, 234 888 personnes. Plus de 95 % de ces victimes sont juives. L'ordre n°21 tiendrait lieu, en somme, d'ordre écrit du Führer. Dans l'univers nazi, les documents écrits ont d'ailleurs moins pour fonction d'informer que d'investir celui qui les détient d'un pouvoir. L'action des Einsatzgruppen montre que l'essentiel des ordres est donné oralement. Les historiens " fonctionnalistes " se font une représentation plus complexe du processus de décision à l'oeuvre dans le IIIe Reich. Pour eux, la destruction des juifs et la " solution finale " seraient typiques d'une structure de " chaos organisé " propre à l'Allemagne hitlérienne. Des initiatives localisées auraient fini par être mises en forme par l'administration nazie, et la volonté du Führer aurait été la conséquence de l'échec de la Blitzkrieg allemande en Russie et du piétinement de l'offensive à l'automne 1941. A la victoire-éclair contre l'URSS se serait ainsi substituée une autre " victoire ", une victoire contre les juifs, hommes, femmes et enfants. Quoi qu'il en soit, en juillet 1941, Goering a chargé par écrit Heydrich d'organiser la " solution complète " de la question juive. Le 23 octobre 1941, Himmler interdit toute émigration des juifs hors de la sphère contrôlée par l'Allemagne : la nasse s'est refermée sur eux. A la fin de 1941, plus d'un million de juifs ont été massacrés. Fin 1941, on commence aussi à construire des sites de concentration en haute Silésie, et déjà, à Chelmno (Kulmhof), roulent les camions de la mort. La conférence de Wannsee, qu'on en fasse une étape dans un processus ou la remise en ordre d'une sanglante anarchie, représente le franchissement d'un seuil dans une destruction d'ores et déjà entamée. La prise en main du " problème " par l'administration du Reich signifie que l'anéantissement des juifs ne souffrira désormais aucune exceptionnel ne s'arrêtera devant aucune conséquence. Dans le discours d'ouverture que prononce Heydrich, il est explicitement notifié que la " question " juive ne doit plus se poser aux générations suivantes. " Il va sans dire, dit Heydrich, qu'une grande partie d'entre eux [des juifs] s'éliminera tout naturellement par son état de déficience physique. Le résidu qui subsisterait en fin de compte - et qu'il faut considérer comme la partie la plus résistante - devra être traité en conséquence. En effet, l'expérience de l'Histoire a montré que, libérée, cette élite naturelle porte en germe les éléments d'une nouvelle renaissance juive. " Et de fait, après Wannsee, la machine de destruction, qui a maintenant à sa disposition toutes les ressources de l'Etat-nation moderne (et notamment la Reichsbahn - les chemins de fer allemands - avec son demi-million d'employés), s'emballe. L'Europe est " balayée d'ouest en est ", selon la formule utilisée à Wannsee. Pour la seule année 1942, la plus meurtrière, on dénombre 2 700 000 victimes juives. Le Staatssekretar Dr. Bülher, l'adjoint de Hans Frank, qui a représenté à la conférence le gouvernement général de Pologne, demande dès juin 1942 au chef des SS Krüger une estimation sur la fin des opérations. Celui-ci répond qu'il espère avoir une vue d'ensemble de la situation fin août. En 1942, les deux tiers des juifs polonais ont été tués, soit dans les chambres à gaz des six centres de mise à mort (Chelmno, Auschwitz, Treblinka, Sobibor, Belzec et Lublin), soit dans les ghettos. Une lettre envoyée par Frank à Hitler, et parvenue à la chancellerie du Reich le 25 mars 1942, montre comment les opérations ont été menées. Pendant la destruction de ces ghettos de Pologne, relate-t-elle, on a jeté des enfants à terre pour leur écraser la tête à coups de botte. Beaucoup de juifs qui ont eu ainsi les os brisés ont été ensuite jetés vivants dans la chaux vive... Plus d'asile possible Face à un ennemi implacable, les victimes n'ont plus d'asile possible. Sinistrement symbolique est la tragédie du cargo Struma, coque de noix bondée de réfugiés juifs de Roumanie, que les Anglais refusent d'admettre en Palestine et qui explose en mer Noire le 24 février 1942 avec 768 passagers à bord. En Pologne, les services de propagande allemande notent, au début du printemps 1942, que les demandes de baptême se multiplient dans la population juive, tandis que les premiers témoignages de gazage en masse parviennent aux dirigeants des communautés. A la fin de la guerre, près de la moitié des onze millions de juifs dont la destruction méthodique aura été ainsi annoncée à Wannsee ont été supprimés. Quel fut, après la défaite, le sort des quinze participants de la conférence ? Heydrich fut abattu à Prague le 5 juin 1942 par des résistants tchèques. Eichmann, Bühler et un certain Schöngart ont été condamnés à mort et exécutés. On compte un mort sous un bombardement allié, et un suicide. Quatre autres mourront de mort naturelle ou dans de simples accidents de la circulation. Deux (Müller et Lange) sont portés disparus. Le SS Hoffmann, de l'Office central pour la race et l'immigration, condamné à cinq ans de détention criminelle par un tribunal, est libéré dès 1951 par les troupes d'occupation américaines. Une instruction judiciaire contre le délégué de la chancellerie du parti, Klopfer, n'a pas eu de suite. Les poursuites engagées contre le Dr Leibbrandt, du ministère du Reich pour les territoires de l'Est, sont interrompues en 1950... Il est curieux de constater que, à propos de la France, la seule remarque du protocole de la conférence de Wannsee soit pour souligner que " le recensement des juifs en vue de leur évacuation se passera probablement sans grandes difficultés ". De fait, à cette date, le dénombrement des juifs est terminé dans la zone occupée. Une administration aux ordres, des fonctionnaires zélés comme René Bousquet ou Jean Leguay attendent les ordres et les techniciens allemands de la " solution finale ". L'un d'eux, responsable de la déportation et de la mort de près de cent mille juifs, Aloïs Brünner, vit aujourd'hui à Damas, en Syrie. Interrogé par l'hebdomadaire Bunte, il lâche en guise de seul commentaire sur son action passée : " On a dû laisser le travail à moitié terminé. " NICOLAS WEILL Le Monde du 20 janvier 1992

« auraient fini par être mises en forme par l'administration nazie, et la volonté du Führer aurait été la conséquence de l'échec de laBlitzkrieg allemande en Russie et du piétinement de l'offensive à l'automne 1941.

A la victoire-éclair contre l'URSS se serait ainsisubstituée une autre " victoire ", une victoire contre les juifs, hommes, femmes et enfants. Quoi qu'il en soit, en juillet 1941, Goering a chargé par écrit Heydrich d'organiser la " solution complète " de la question juive.Le 23 octobre 1941, Himmler interdit toute émigration des juifs hors de la sphère contrôlée par l'Allemagne : la nasse s'estrefermée sur eux.

A la fin de 1941, plus d'un million de juifs ont été massacrés.

Fin 1941, on commence aussi à construire dessites de concentration en haute Silésie, et déjà, à Chelmno (Kulmhof), roulent les camions de la mort. La conférence de Wannsee, qu'on en fasse une étape dans un processus ou la remise en ordre d'une sanglante anarchie,représente le franchissement d'un seuil dans une destruction d'ores et déjà entamée.

La prise en main du " problème " parl'administration du Reich signifie que l'anéantissement des juifs ne souffrira désormais aucune exceptionnel ne s'arrêtera devantaucune conséquence. Dans le discours d'ouverture que prononce Heydrich, il est explicitement notifié que la " question " juive ne doit plus se poseraux générations suivantes.

" Il va sans dire, dit Heydrich, qu'une grande partie d'entre eux [des juifs] s'éliminera tout naturellementpar son état de déficience physique.

Le résidu qui subsisterait en fin de compte - et qu'il faut considérer comme la partie la plusrésistante - devra être traité en conséquence.

En effet, l'expérience de l'Histoire a montré que, libérée, cette élite naturelle porteen germe les éléments d'une nouvelle renaissance juive.

" Et de fait, après Wannsee, la machine de destruction, qui a maintenant àsa disposition toutes les ressources de l'Etat-nation moderne (et notamment la Reichsbahn - les chemins de fer allemands - avecson demi-million d'employés), s'emballe. L'Europe est " balayée d'ouest en est ", selon la formule utilisée à Wannsee.

Pour la seule année 1942, la plus meurtrière, ondénombre 2 700 000 victimes juives.

Le Staatssekretar Dr.

Bülher, l'adjoint de Hans Frank, qui a représenté à la conférence legouvernement général de Pologne, demande dès juin 1942 au chef des SS Krüger une estimation sur la fin des opérations.

Celui-ci répond qu'il espère avoir une vue d'ensemble de la situation fin août. En 1942, les deux tiers des juifs polonais ont été tués, soit dans les chambres à gaz des six centres de mise à mort (Chelmno,Auschwitz, Treblinka, Sobibor, Belzec et Lublin), soit dans les ghettos.

Une lettre envoyée par Frank à Hitler, et parvenue à lachancellerie du Reich le 25 mars 1942, montre comment les opérations ont été menées.

Pendant la destruction de ces ghettos dePologne, relate-t-elle, on a jeté des enfants à terre pour leur écraser la tête à coups de botte.

Beaucoup de juifs qui ont eu ainsiles os brisés ont été ensuite jetés vivants dans la chaux vive... Plus d'asile possible Face à un ennemi implacable, les victimes n'ont plus d'asile possible.

Sinistrement symbolique est la tragédie du cargo Struma,coque de noix bondée de réfugiés juifs de Roumanie, que les Anglais refusent d'admettre en Palestine et qui explose en merNoire le 24 février 1942 avec 768 passagers à bord.

En Pologne, les services de propagande allemande notent, au début duprintemps 1942, que les demandes de baptême se multiplient dans la population juive, tandis que les premiers témoignages degazage en masse parviennent aux dirigeants des communautés. A la fin de la guerre, près de la moitié des onze millions de juifs dont la destruction méthodique aura été ainsi annoncée àWannsee ont été supprimés. Quel fut, après la défaite, le sort des quinze participants de la conférence ? Heydrich fut abattu à Prague le 5 juin 1942 par desrésistants tchèques.

Eichmann, Bühler et un certain Schöngart ont été condamnés à mort et exécutés.

On compte un mort sous unbombardement allié, et un suicide.

Quatre autres mourront de mort naturelle ou dans de simples accidents de la circulation.

Deux(Müller et Lange) sont portés disparus.

Le SS Hoffmann, de l'Office central pour la race et l'immigration, condamné à cinq ans dedétention criminelle par un tribunal, est libéré dès 1951 par les troupes d'occupation américaines. Une instruction judiciaire contre le délégué de la chancellerie du parti, Klopfer, n'a pas eu de suite.

Les poursuites engagéescontre le Dr Leibbrandt, du ministère du Reich pour les territoires de l'Est, sont interrompues en 1950... Il est curieux de constater que, à propos de la France, la seule remarque du protocole de la conférence de Wannsee soit poursouligner que " le recensement des juifs en vue de leur évacuation se passera probablement sans grandes difficultés ". De fait, à cette date, le dénombrement des juifs est terminé dans la zone occupée.

Une administration aux ordres, desfonctionnaires zélés comme René Bousquet ou Jean Leguay attendent les ordres et les techniciens allemands de la " solution. »

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