Article de presse: La conférence de Téhéran
Publié le 17/01/2022
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Royaume-Uni est en guerre.
Mais le seul engagement qu'il ait pris vis-à-vis de la Pologne est de garantir le maintien d'un Etatindépendant.
Il n'a accordé aucune garantie de frontière : la Pologne pourrait donc fort bien " se déplacer vers l'ouest, comme unsoldat qui ferait deux pas sur sa gauche ".
Et Churchill d'illustrer son propos à l'aide de trois allumettes représentant l'Allemagne,la Pologne et la Russie.
L'idée plaît à Staline, qui a manifestement son opinion sur la frontière orientale de la Pologne, mais ne veutpas s'engager sur la frontière occidentale, celle avec l'Allemagne.
La question allemande reste ouverte
Il ne reste qu'à recueillir l'assentiment de Roosevelt qui, peu avant le début de la dernière session, prend à part Staline et luiconfie qu'il est prêt, personnellement, à accepter de déplacer, vers l'ouest les frontières de la Pologne.
Toutefois, l'électionprésidentielle approchant, il ne peut s'aliéner les suffrages des quelque six à sept millions d'Américains d'origine polonaise et nepourra donc prendre aucune position publique sur ce sujet avant novembre 1944.
Dans le même souffle, Roosevelt laisseentendre qu'il n'a pas l'intention de contester l'annexion par l'URSS des Républiques baltes, pour peu que Staline fasse uneconcession formelle au principe d'autodétermination.
Lorsque s'ouvre la dernière session plénière, le 1 décembre à 16 heures, il ne reste que deux questions pendantes : la Pologneet le sort de l'Allemagne.
Devant Roosevelt, qui manifeste ostensiblement son impatience d'en finir avec le premier sujet, Stalinefait monter les enchères : il fait accepter le principe de la frontière polono-soviétique le long de la ligne Curzon - du nom dusecrétaire au Foreign Office qui avait proposé ce tracé en 1919, - obtient le rattachement d'une partie de la Prusse orientale, larégion de Koenigsberg, à l'Union soviétique, mais reste sourd aux demandes réitérées par Churchill de renouer avec legouvernement polonais de Londres.
Quant au sort de l'Allemagne, Roosevelt est partisan d'un démembrement en huit parties, dont trois sous tutelle des Nationsunies Churchill, plus réservé, a surtout le souci de séparer et de neutraliser la Prusse - la " racine du mal " - du reste del'Allemagne, qui pourrait être constituée, avec l'Autriche, en une " confédération danubienne ".
Le 2 décembre, chacun retourne dans sa capitale.
Un communiqué anodin ne révèle rien, pour d'évidentes raisons, desdécisions de la conférence, dont la teneur ne sera connue qu'après-guerre.
Le plan d'opérations militaires arrêté à Téhéran serarespecté avec les débarquements, en 1944, en Normandie puis en Provence.
La conférence de Yalta ratifiera, en février 1945, ledéplacement vers l'ouest des frontières de la Pologne.
L'Organisation des Nations unies, la grande idée de Roosevelt, verra lejour au printemps 1945, avec la Charte de San Francisco.
Et l'URSS entrera, comme convenu, en guerre contre le Japon aprèsla capitulation de l'Allemagne.
Bien avant Yalta, la conférence de Téhéran avait - en trois jours - jeté les dés de l'ordre politiqueet militaire de l'après-guerre.
STEPHANE MEYLAC Le Monde du 29 novembre 1993.
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