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Article de presse: Kennedy relève le défi

Publié le 22/02/2012

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25 mai 1961 - " Voici venu le moment... pour notre nation de prendre ouvertement la première place dans l'exploration de l'espace, qui, de bien des manières, recèle sans doute la clé de notre avenir sur Terre... Il ne s'agit pas seulement d'une compétition. Aujourd'hui, l'espace nous est ouvert ". " Je crois que notre nation doit se consacrer à l'objectif qui consiste à faire atterrir un homme sur la Lune et à le faire revenir sain et sauf sur Terre avant la fin des dix prochaines années... Ce ne sera pas un seul homme qui ira sur la Lune, mais une nation tout entière ". " Aucun autre projet spatial de notre époque n'apparaîtra aussi gigantesque à l'humanité ni aussi important pour l'exploration de l'espace aucun ne sera aussi difficile ni aussi coûteux ". Telle fut la déclaration qu'adressa au Congrès, le 25 mai 1961, le président des Etats-Unis. John F. Kennedy proposait à son pays " une nouvelle frontière ", une marche vers des contrées inconnues. Sa proposition s'accompagnait d'une demande de 531 millions de dollars (2600 millions de francs) de crédits supplémentaires pour l'espace, ce qui portait le budget de la NASA à 1766 millions de dollars (8800 millions de francs) pour l'année 1962. Le programme Apollo était né. Il avait fallu près de quatre années et deux graves coups de semonce-l'envoi par l'URSS du premier satellite artificiel autour de la Terre, en 1957, et du premier homme dans l'espace, en 1961-pour que les Américains surmontent leurs querelles et leurs hésitations et se lancent dans un programme de cette envergure. Cette décision de John Kennedy était en effet le fruit d'une longue histoire. L'effet de stupeur admirative qui suivit le lancement du premier Spoutnik fut certainement celui que les Soviétiques avaient souhaité. Pour les Américains, le coup fut rude. Leur croyance en leur supériorité technique, leur foi dans leur puissance politique étaient ébranlées. On parla d'un Pearl-Harbor scientifique... Il fallait surtout admettre, devant le poids des satellites (Spoutnik-1, 80 kilogrammes, et Spoutnik-2, 500 kilogrammes), que l'URSS disposait des missiles intercontinentaux de longue portée capables de frapper le territoire américain : l'immunité que leur éloignement avait donnée aux Etats-Unis disparaissait. Le choc fut d'autant plus rude que l'administration républicaine de l'époque n'avait pas compris l'importance politique ni le prestige qu'il était possible de tirer de l'exploration pacifique de l'espace. Alors que le président de l'Académie des sciences de l'URSS avait, dès 1953, déclaré que " la science a atteint un développement tel qu'il devient possible d'envoyer un engin vers la Lune et de créer un satellite artificiel de la Terre ", ce fut presque à contrecoeur que le président Eisenhower, qui considérait que l'espace n'intéressait que la science, annonça, en juillet 1955, que les Etats-Unis entendaient placer sur orbite un petit satellite pendant l'Année géophysique internationale (juillet 1957-décembre 1958). Encore ce projet, le projet Vanguard, ne fut-il approuvé qu'à condition qu'il ne soit considéré ni comme politique ni comme militaire. Et le Pentagone décida d'en confier l'exécution à la marine américaine, qui avait tout à apprendre, alors que l'armée de terre disposait déjà de la fusée Redstone de von Braun. Un but lointain A l'incompréhension de l'administration américaine vinrent ainsi s'ajouter les rivalités au sein du Pentagone: une fusée était-elle un canon à longue portée ou une extrapolation du bombardier? On alla jusqu'à demander au centre de Huntsville de détruire les fusées Redstone! Le 6 décembre 1957, la marine américaine tirait sa fusée Vanguard avec un satellite de 1,4 kilogramme; le tir échoua au milieu de la consternation générale. Mais le 31 janvier 1958, une fusée Jupiter (dérivée de Redstone) plaçait sur orbite un satellite de 16 kilogrammes, Explorer-1, qui découvrit du premier coup les ceintures de radiations autour de la Terre. Ce succès ne suffit pas à convaincre Eisenhower, qui persistait à considérer les satellites comme des " petites balles dans l'air ". En 1958, il confiait-ultime réserve-l'exploration de l'espace à une agence non pas militaire, mais civile, maintenant célèbre dans le monde entier: la NASA (National Aeronautics and Space Administration). On se contenta d'approuver, sans engager davantage l'avenir, le projet Mercury, qui prévoyait l'envoi d'un homme autour de la Terre, et si le programme de missiles militaires fut accéléré, il n'en fut pas de même pour le programme spatial proprement dit. L'indécision n'allait pas durer très longtemps. Le 12 avril 1961, le cosmonaute soviétique Youri Gagarine effectuait une révolution autour de la Terre et ouvrait à l'homme la porte de l'espace. Fâcheuse coïncidence : cinq jours plus tard, les Etats-Unis essuyaient le cuisant échec de la baie des Cochons, qui ébranlait leur prestige. Du côté américain, la leçon fut enfin comprise. Le vice-président de l'époque, Lyndon B. Johnson, organisa rapidement une série de réunions à la Maison Blanche avec des industriels, von Braun, des directeurs de la NASA, le général Shriever, commandant de l'Air Force. Johnson insista sur le fait que les Etats-Unis ne pouvaient continuer à occuper la seconde place. Construire une station orbitale ou préparer un vol circumlunaire étaient des solutions à rejeter, car les Soviétiques pourraient encore sur ce terrain battre les Américains. Il fallait se fixer un but si lointain et si difficile que l'avance soviétique fût effacée. C'est alors que John Kennedy lança le défi lunaire, que le Congrès américain endossa sans protester deux mois plus tard. DOMINIQUE VERGUESE Le Monde du 16 juillet 1969

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