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Article de presse: Jean XXIII : le pape du concile

Publié le 22/02/2012

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pape
3 juin 1963 - Bien que son règne ait été court, Jean XXIII occupera probablement une place importante dans l'histoire de la papauté, parce qu'il a engagé l'Eglise catholique, apostolique et romaine sur des voies dont ses successeurs ne pourront pas la dérouter de longtemps. A-t-il voulu délibérément imprimer à l'Eglise un mouvement nouveau ? A-t-il été, sans plus, un habile récepteur des ondes émises par un monde en rapide évolution ? N'a-t-il été, comme il l'eût dit, qu'un humble instrument de la Providence ? Il importe peu. Le fait est patent : agissant avec bonne humeur, avec prudence, avec obstination aussi, il a ébauché, par ses encycliques Mater et Magistra, Pacem in terris, l'oeuvre immense qui consiste à dégager la religion de ses positions rigides, archaïques si l'on veut, qui lui interdisent d'épouser les aspirations temporelles et les besoins spirituels de nos temps. L'acte majeur L'acte majeur de son pontificat est évidemment la convocation du concile Vatican II. L'extraordinaire ce n'est pas qu'il ait pris cette décision-encore que l'événement soit exceptionnel-pour obéir, selon ses propres termes, " à une inspiration divine ", c'est qu'il ait réuni les évêques du monde entier à Rome sans leur proposer un programme défini. Aussi loin que l'on remonte le cours des siècles, les papes ont toujours assigné officiellement ou non une tâche aux pères conciliaires : éviter un schisme, condamner l'hérésie, se prononcer sur un dogme. Qu'ils soient parfois sortis du cadre tracé, c'est une autre histoire. Jean XXIII les a conviés à rechercher les meilleurs moyens de développer leur mission pastorale, d'étendre le champ de leur enseignement évangélique et de faciliter un rapprochement entre tous les chrétiens. Il savait bien qu'il ouvrait ainsi une discussion susceptible d'entraîner par endroits de véritables " aménagements " de la doctrine et de susciter des heurts-on l'a bien vu-entre les membres de l'épiscopat résidentiel, parmi lesquels les innovateurs sont nombreux, et la Curie nécessairement conservatrice. En marge de cette oeuvre maîtresse, Jean XXIII a apporté des retouches, qui peuvent paraître de détails et qui ne le sont pas, aux règles, aux usages et aux moeurs vaticanes. Il a simplifié-moins qu'il l'eût désiré-l'exténuant protocole papal. Il a voulu " rompre le pain " avec un parent, un intime. Il n'a utilisé la sedia gestatoria que pour les occasions solennelles. Il a modifié le mode de scrutin au conclave. Il a ordonné que l'agonie des papes ne soit plus, comme cela a été le cas pour Pie XII, un objet de curiosité malsaine. Il a supprimé la spectaculaire mais macabre cérémonie dans la nef de Saint-Pierre, pendant laquelle on vissait en public le corps du souverain pontife défunt dans son triple cercueil. Il a élevé, sans lui fixer de limites, le nombre des membres du Sacré Collège. Il a abandonné la tradition en sortant souvent du Vatican pour exercer dans Rome diverses charges incombant à l'évêque de la Cité Eternelle et en effectuant un long déplacement en Italie. Il a osé accomplir un geste considérable en établissant un contact direct, personnel, entre la papauté et divers hauts représentants des Eglises séparées, et aussi en liant des contacts personnels avec des adversaires déclarés de la religion. Mais, dans le train de la vie courante comme lorsqu'il a innové, Jean XXIII ne s'est pas écarté-que l'on ne s'y trompe pas-de sa mission fondamentale, qui était de maintenir. Détenteur des clefs, pivot de l'Eglise, il a eu le souci constant, en dépit de ses allures débonnaires, de ne jamais compromettre le dépôt sacré qu'il avait reçu. Il le laisse intact entre les mains de son successeur. Ses initiatives les plus hardies n'ont pas entamé la majesté de son magistère suprême. Il ne s'est pas aventuré. Un paysan diplomate Quant à l'homme..., il était simple et bon. Tout le reste est secondaire. Y pense-t-on ? Il a été le premier pape à avoir subi réellement l'épreuve d'une popularité épaulée par la presse, la radio, le cinéma, la télévision. Il a su transiger avec les techniques modernes de l'information tentaculaire sans les utiliser pour sa gloire. Il a su composer avec elles. Il y a apporté de la bonne grâce, et souvent de la malice. Avec sa grosse tête engoncée dans le cou, son nez fort, ses grandes oreilles, il donnait une impression de puissance cordiale. Il était paysan de pied en cap, un paysan bien accroché à notre mère la terre, doublé d'un diplomate aux sourires subtils. Il n'intimidait pas. Aucun de ceux qui l'ont approché ne se sont sentis gênés en sa présence. Il n'avait même pas à les mettre à leur aise. S'il rayonnait de sympathie, il inspirait aussi le respect aux grands de ce monde tout autant qu'au dernier des fidèles. Jean XXIII a dévoilé la ligne de conduite de sa vie, celle qui explique la tranquille ardeur avec laquelle il a rempli les tâches qui lui ont été dévolues. " Dès mon entrée dans le sacerdoce, a-t-il dit, je me suis mis à la disposition de la Sainte Eglise. Je l'ai servie, sans anxiété et sans ambition. Tout est là et rien que là. Il est superflu d'aller chercher plus loin ". Un mystère Il a été envoyé en Orient pour y accomplir une mission diplomatique à laquelle il ne se sentait pas préparé. Il a été surpris que Pie XII eût pensé à lui pour occuper le poste-combien délicat en 1945-de nonce apostolique à Paris. Sa promotion à la pourpre ne l'a pas ravi. Il craignait d'être " étouffé " dans l'engrenage de la Curie romaine. A Venise, il s'est comporté en pasteur attentionné à ses ouailles. Elu pape, il s'est chargé du poids de la tiare avec le même sentiment d'humilité et d'obéissance. Il a toujours " accepté " sans avoir rien sollicité. Un mystère plane sur sa mémoire, et il est possible qu'il ne soit pas déchiffré de sitôt... Comme pape, il a choisi le nom de Jean XXIII, c'est-à-dire d'un antipape (Baldassarre Cossa, 1410-1415, déposé par le concile de Constance en 1415). On sait qu'il a fouillé dans les archives d'Avignon lors de l'un de ses nombreux voyages en France, comme nonce. Qu'y a-t-il trouvé ? Pourquoi, après plus de cinq siècles, a-t-il cru devoir exhumer ce vieux nom ? Il vient à l'esprit qu'en prenant la suite de Jean XXII (Jacques Deuze, pape d'Avignon de 1316 à 1334) il a voulu signifier que les ombres dans le passé de l'Eglise n'entravent pas sa marche triomphante. Cette version correspondrait bien à un pape sur la tombe de qui on devrait graver trois mots : il a servi. JEAN D'HOSPITAL Le Monde du 5 juin 1963

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