Article de presse: Jean Monnet : l'homme aux idées claires
Publié le 17/01/2022
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Moscou, en 1934-la loi soviétique admet le divorce par déclaration unilatérale,-que ce banquier américain de nationalité françaiserésidant en Chine réussira à faire légaliser son union avec une Italienne, née par surcroît à Constantinople.
" La plus belleopération de ma carrière ", aimait-il à dire.
Pourtant, il demeure un inconnu ou presque pour le grand public et surtout pour le monde politique français qu'il ne fréquented'ailleurs guère : toute sa vie, il a haï les mondanités, les cocktails, les réceptions, il a fui le formalisme, les projecteurs del'actualité, refusé les titres, les fonctions honorifiques mais sans contenu réel.
Quant aux fonctions officielles qu'il a occupées, c'est lui-même qui les avaient toutes crées.
Sa méthode, c'était la conversationen tête à tête ou en très petit comité, qui permet d'aller à l'essentiel et de s'exprimer franchement.
Son domaine, la simplification-" je ne suis pas un technicien ", répétait-il volontiers-et par-dessus tout l'obstination : " A Cognac, j'avais ma grand-mère, qu'onappelait " Marie la rabâcheuse " .
Je suis comme elle.
" Le général est l'homme de la résistance nationale.
Jean Monnet ne voit desalut que dans l'effort commun des Alliés.
Tandis que se constitue le noyau de ce qui sera la France libre, il s'envole pourWashington, nommé par le gouvernement britannique, lui, un étranger, membre de la mission d'achats anglaise aux Etats-Unis.
Ilcollabore de façon étroite avec les dirigeants américains, contribue au lancement de la machine de guerre, est l'un des rédacteursdu Victory Program, qui prévoit la construction de 60 000 avions, 45 000 chars, 8 millions de tonnes de navires pour la seuleannée 1942-pari gigantesque, même pour l'industrie américaine.
Adopté par le Congrès au lendemain de Pearl-Harbor, leVictory Program sera exécuté, et Jean Monnet sera l'un de ses animateurs et de ses surveillants.
" Jean Monnet a abrégé laguerre d'un an ", dira un jour le général Marshall au journaliste Walter Lippmann.
Les hasards de l'histoire vont valoir à ce diplomate anglais devenu grand commis américain une de ces missions discrètes quibouleversent les données réelles d'une situation.
Le général Giraud, qui a la préférence des Américains, exerce le pouvoir au nomde la France.
A Londres, de Gaulle, dont Roosevelt se méfie et que Churchill n'appuie que mollement, revendique la légitimitépour la France libre.
Il est évident que les Alliés ont le plus grand intérêt à renforcer l'un et forcer la main à l'autre pour aboutir àl'unification des forces et des territoires français sous une même autorité.
Toutefois, Washington préférerait que Giraud, plusmaniable, garde le contrôle de l'ensemble, mais Londres sait de Gaulle plus habile, plus efficace et aussi plus représentatif de laRésistance intérieure dans la France occupée, où il va bientôt falloir débarquer et vaincre.
L'idéal serait qu'ils s'entendent.
A laconférence de Casablanca, en janvier 1943, Roosevelt a tenté de réconcilier les deux hommes, mais leur poignée de main devantles photographes n'a rien résolu, au contraire.
Que faire ? Nul plus que Jean Monnet n'est convaincu de la nécessité de refairel'unité.
Ce sera donc sa mission; il sera une fois de plus l'unificateur.
Parti de Washington le 23 février 1943, il fait une entrée très discrète à Alger le 27.
A Casablanca, Roosevelt a annoncé savenue à Giraud, et il est muni d'une lettre officielle de Harry Hopkins qui l'accrédite pour régler toutes les questions relatives àl'armement des forces françaises.
En fait, il est chargé par le gouvernement américain, et avec l'accord des Anglais, d' " arrangerles choses " entre les deux généraux français.
Il les " arrangera " en effet, et vite.
Le 14 mars, Giraud prononce un discours, " le premier discours démocratique de ma vie ", dit-il, dicté pratiquement par sonnouveau " conseiller " qu'épaulent de tout le poids de leurs fonctions officielles les deux hauts représentants américain etbritannique, Robert Murphy et Harold Macmillan.
Enfin, Giraud tourne le dos à Pétain et à Vichy, dénonce l'armistice de 1940,annonce la Libération.
Semaine après semaine, Jean Monnet fait le siège de Giraud pour l'amener à traduire dans les faits cette orientation nouvelle.Malgré l'hostilité ou la réserve des clans qui s'affrontent dans le microcosme algérois, il force le règlement du problème des juifsd'Afrique du Nord victimes des lois raciales, guide Giraud dans ses délicats pourparlers avec Catroux, envoyé par de Gaulle,rédige l'essentiel des nombreuses notes et mémorandums établis par Alger dans ses échanges avec Londres.
Le 30 mai, deGaulle gagne enfin Alger, constitue avec Giraud le Comité français de libération nationale, dont Jean Monnet, renonçant, pour unefois, à agir dans l'ombre, est l'un des membres.
Après avoir été son principal initiateur, il en sera en fait le deus ex machina.
Prenant acte avec réalisme de l'incapacité politique de Giraud, de l'influence dominante du gaullisme dans l'opinion algéroise etsur la Résistance en métropole, il concilie, apaise, veille et, inlassablement, évite les ruptures, dicte les compromis et impose sessolutions.
Sur les quatorze membres du CFLN, cinq au moins, René Mayer, Maurice Couve de Murville, Henri Bonnet (qui fut lecollaborateur de Jean Monnet à la SDN), René Massigli, Abadie, sont très proches de lui et il en va de même, parmi lesgaullistes, d'André Philip, de son ancien secrétaire René Pleven.
Enfin la rude négociation qu'ils ont menée l'un contre l'autre, pourle compte de deux généraux, lui a valu l'estime attentive de Catroux et, bien sûr, il demeure le conseiller de Giraux.
Tout passepar lui, rien ne peut se faire sans son accord.
Rassurés, les Alliés reconnaissent officiellement, le 22 juillet, le Comité comme lareprésentation de la France dans la guerre..
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