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Article de presse: Jacques Chirac réforme les armées

Publié le 22/02/2012

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chirac
22 février 1996 - Dans un contexte financier particulièrement austère, les armées vont devoir, dès 1997, entamer la réforme la plus radicale et la plus lourde de conséquences qu'elles aient jamais eu à subir depuis des décennies. Ni l'après-guerre mondiale, en 1945, ni la fin des conflits coloniaux, après 1954, ni les turbulences de l'Algérie, en 1962, ni même l'accession à l'ère nucléaire n'ont généré autant de remises en question d'une aussi vaste ampleur de l'institution militaire française. Car la prochaine professionnalisation des armées et la fin du service national obligatoire avant 2002, proposées par Jacques Chirac, mardi 28 mai, avant que le Parlement en discute, ne sont que les premières étapes de la rénovation de fond en comble de l'appareil de défense qui, si tout va bien, devrait s'achever en 2015. Il faudra pas moins de trois projets de loi de programmation militaire pour mener cette entreprise à son terme. D'ici à 2002, en effet, le volume des armées sera sensiblement réduit, la professionnalisation deviendra la règle, et un service national ouvert aux seuls volontaires sera instauré. Pour y parvenir, le gouvernement a choisi de " faire l'impasse " sur les dépenses d'équipement, en cherchant à préserver au mieux les crédits de fonctionnement au sein du projet de programmation 1997-2002 soumis à l'Assemblée en juin. Entre 2003 et 2008, avec une nouvelle programmation, les armées devraient commencer à avoir les matériels modernes dont elles sont, aujourd'hui, privées parce que la priorité a été précisément donnée au fonctionnement. Enfin, la dernière loi (2009-2014) sera conçue pour asseoir définitivement l'équilibre des armées françaises dans le cadre d'une défense davantage euro-atlantique. Un rôle de " Repoussoir " On a déjà tout dit, et son contraire, du service national, notamment de sa version proprement militaire, qui continue d'avoir de nombreux partisans avec de solides arguments. Force est d'admettre cependant que le service militaire a joué le rôle d'un " repoussoir ", encourageant les jeunes à se tourner de plus en plus souvent vers des formes civiles pour y échapper. Au risque d'accroître les inégalités et les injustices. Dès lors qu'il ne serait plus obligatoire, le service civil saura-t-il attirer autant de candidats ? Les administrations ou les associations qui demanderaient à en bénéficier auront-elles les moyens en cadres, en infrastructures, en crédits suffisants pour accueillir des volontaires de qualité ? Avec quelles incitations au départ, éventuellement ? Et pour quoi faire, exactement, qui ne relèverait pas déjà d'un emploi rémunéré en bonne et due forme ? Là est le pari fondamental de la réforme voulue par M. Chirac, et les deux à trois ans qui viennent seront un test majeur. Il est vrai que rien n'est tout à fait irréversible. Pas même la mise sur pied progressive d'une armée professionnelle, qui peut être complétée d'urgence par des recrues si le contexte international l'exige, comme l'ont démontré des précédents aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. De fait, la création d'un " rendez-vous citoyen " laisse en suspens sans le supprimer définitivement le principe de la conscription, car, selon ce qu'on voudra en faire, ce mécanisme peut servir à autre chose qu'un simple bilan de santé de la jeunesse française. Il peut être ce carrefour où seront décelées les inaptitudes des uns, qu'il conviendra de corriger par des stages de formation ou de perfectionnement, et les aptitudes des autres, que chaque ministère, chaque administration ou chaque association dûment mandatée, à commencer par les armées elles-mêmes, mettra en valeur avec un service national de volontaires souscrivant un contrat. Que pourra-t-on inculquer pendant une semaine à ces conscrits citoyens ? Et les armées, si elles en ont la charge, peuvent-elles accomplir ce que ni l'éducation nationale, ni l'action sanitaire, ni l'employeur du moment, ni la famille, ni bien d'autres institutions ne sont parvenus à faire durant plusieurs années avant l'âge de la majorité ? Pour l'instant, on en est resté à des principes. Le projet de loi qui modifiera le code du service national en ce sens n'est pas encore rédigé, et il faudra attendre de le connaître dans ses détails pour en juger. Une chose est sûre, cependant : les centres d'instruction, qui seront chargés d'évaluer les jeunes en une semaine, ne peuvent être laissés aux seuls responsables militaires. Il y faudra aussi des enseignants, des éducateurs, des médecins, des psychologues, des animateurs, des sociologues, des sportifs... Quel prix le gouvernement est-il prêt à payer pour mener à bien une telle expérience ? M. Chirac n'en a rien dit. JACQUES ISNARD Le Monde du 30 mai 1996

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