Article de presse: Hirohito, l'image d'un peuple
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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autorité ? C'est la thèse que fit prévaloir MacArthur, voulant disculper complètement Hirohito pour assurer la stabilité du trône etdu pays.
Les spécialistes japonais pensent plutôt que la vérité est entre les deux.
Certes, les documents ne manquent pas qui montrent l'empereur freinant et réprouvant les excès de ses conseillers.
Au débutde l'affaire de Mandchourie, le ministère démissionna sur un blâme du souverain.
La rébellion militaire de février 1936 à Tokyoprovoqua sa colère, et ce fut en partie grâce à sa fermeté qu'elle fut matée.
L'alliance militaire proposée par Hitler suscitalongtemps sa méfiance et ne fut acceptée qu'avec l'illusion qu'elle assurait un équilibre de forces entre l'Axe et les anglo-saxons.
Trois mois avant Pearl-Harbor, l'empereur bombardait de questions - et, pour lui, questionner, c'était blâmer - son premierministre et ses états-majors qui glissaient vers la guerre.
Un jour, comme ils conféraient devant lui, il leur signifia son opinion d'unemanière bien japonaise, qui trahissait aussi sa timidité : il leur lut un poème sur la paix, écrit par l'empereur Meiji.
Aux deuxconférences qui précédèrent l'attaque surprise, il ne desserra plus les dents.
Mais, et là fut sans doute son erreur ou sa faute, jamais il n'a dit non.
Son immense autorité aurait pu tout arrêter.
Au lieu decela, chaque grave événement, y compris la déclaration de guerre (que personnellement il avait voulue antérieure à l'attaque), futcouvert par un solennel rescrit impérial adressé à la nation.
Sur tout ce qui s'est fait, il a laissé apposer son auguste sceau,l'empreinte rouge d'un énorme sceau carré, pesant trois kilos, et tout en or.
Et c'est en son nom que plus de trois millions deJaponais sont morts, criant une dernière fois " Tenno banzai! ".
La défaite, pourtant, allait lui donner l'occasion de se racheter.
S'il n'avait pas su ou pas voulu empêcher la venue de la guerre, ilfut certainement celui qui en voulut et qui en imposa la fin.
Les grands raids incendiaires de 1945 furent décisifs pour susciter enlui une neuve fermeté, une volonté solide d'arrêter la tragédie.
La capitulation
Encore fallait-il avoir raison des résistances du parti de la guerre.
Un événement incroyable lui donna soudain l'argumentirrésistible pour mater ces forcenés : la bombe atomique du 6 août, à Hiroshima.
Quelques jours après, au fond de l'abri anti-aérien du palais, devant ses chefs militaires et civils en larmes et muets, enfin, Hirohito, retrouvant l'audace des timides, déclarait :" Il faut accepter l'inacceptable.
Je mets fin à cette guerre de ma propre autorité.
" Pour la première fois, il avait ordonné.
Le Japon capitulait.
Alors s'ouvrit pour l'empereur vaincu Hirohito une vie nouvelle, on pourrait dire une deuxième existence.
Elle commençait dansl'angoisse.
Serait-il traduit devant le tribunal des crimes de guerre, avec les membres du cabinet de Pearl-Harbor? Serait-il forcéd'abdiquer en faveur de son fils aîné Akihito, le prince héritier, alors âgé de douze ans? MacArthur ne lui demanda heureusementni l'un ni l'autre, en dépit des pressions de certains alliés.
Mais les humiliations commencèrent à pleuvoir.
L'empereur du Japon, le vrai, c'était maintenant MacArthur, Hirohito s'imposa d'aller lui faire visite à son quartier général,devenu le palais d'en face, proche et rival du sien.
Il fut reçu par un MacArthur en manches de chemise, cou nu, les mains sur leshanches : voir la célèbre photo de la rencontre, qui fit scandale au Japon.
" Que l'empereur se démocratise! ", disaient les occupants.
Il publia donc un rescrit impérial surprenant, pour annoncer à son peuple qu'il n'était plus un dieu, ou ne l'avait même jamais été." Qu'il se rapproche de ses sujets ", enjoignait encore le SCAP, le commandement suprême des puissances occupantes, en faitdes Américains.
Hirohito entreprit donc une série de sorties, à Tokyo ou en province, souvent avec l'impératrice, visitant le Japonruiné et lamentable à travers ses cités anéanties et ses campagnes appauvries.
Une nouvelle Constitution acheva cette démocratisation de l'ancien Fils du Ciel.
Elle faisait de lui non plus même le chef del'Etat, mais le simple " symbole de l'unité nationale ", disait-elle, ajoutant que la souveraineté résidait maintenant dans le peuple lui-même.
Transformé en monarque constitutionnel, Hirohito n'avait plus qu'un rôle à peu près nul dans les affaires publiques, et touteaction politique lui était interdite.
Présider l'ouverture des Chambres, investir le premier ministre choisi par elles, recevoir lesambassadeurs étrangers, c'était à peu près tout.
On ne lui laissait vraiment plus guère que les expositions de chrysanthèmes, ou laprésidence du concours annuel de poésie au palais, touchante tradition venue d'avant l'an mil et aussi ses recherches en biologiemarine auxquelles il consacra jusqu'à sa mort une partie de son temps.
ROBERT GUILLAIN.
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