Article de presse: Helmut Kohl, la force d'un père tranquille
Publié le 22/02/2012
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Une certaine inquiétude sur l' " après-Kohl " est perceptible.
" Après Kohl, la CDU pourrait se décomposer ", estime l'historienJoseph Rovan.
" La CDU a tort de se livrer au rituel de la grand-messe derrière son chef.
Cela se retournera contre elle ", selonKlaus Escher, président de la Junge Union, l'organisation de jeunesse de la CDU.
Mais cette forte assise intérieure permet au chancelier fédéral d'être aujourd'hui, de tous les chefs d'Etat et de gouvernementeuropéens, celui qui se trouve depuis le plus longtemps en exercice.
Un statut qui, ajouté à la forte présence physique dupersonnage ainsi qu'à l'importance démographique et économique de son pays, en impose tout naturellement à ses partenaires.Bill Clinton ne l'a-t-il pas comparé un jour à un " lutteur de sumo " japonais ? " Kohl, le poids lourd de l'Europe ", titrait ces jours-ci l'hebdomadaire The Economist.
Devenu l'un des grands de ce monde, le chancelier incarne une Allemagne fermement ancrée àl'Ouest, mais également pôle de stabilité sur le continent et trait d'union avec l'Est.
Pour résumer sa relation privilégiée avecMoscou, il qualifie le peuple russe de " grand voisin " en paraissant oublier au passage l'existence de la Pologne...
Son objectif : contenir la puissance allemande grâce au projet européen, avec deux idées forces : permettre à l'Allemagne d'êtreacceptée durablement par ses voisins et empêcher le retour du " cauchemar des alliances ", comme le disait Bismarck.Affectionnant les métaphores religieuses, il explique que " l'Allemagne peut prétendre au titre d'évêque, mais pas à celui decardinal ".
La marche vers l'union monétaire renforce les chances de réussite de l'entreprise, qui n'ont jamais paru aussi grandes.
En privé,il lui arrive de résumer sa vision des choses sur le ton de l'ironie : " Au XX e siècle, les Allemands ont d'abord rêvé de bottes militaires, et puis se sont passionnés pour le deutschemark.
Je veux faire évoluer les esprits.
"
Après avoir été le chancelier de l'unification allemande, Kohl voudrait devenir celui de l'unification européenne : les deuxphénomènes, ne se lasse-t-il pas de dire, " sont les deux faces d'une même médaille " (une phrase qu'il prononce en règle généraleplusieurs fois par jour).
La relation avec la France, dans ce contexte, est toujours aussi primordiale pour lui, même si certainesvoix isolées, proches de l'ancien ministre-président de Bavière Franz-Josef Strauss, reprochent au chancelier Kohl d'être le" proconsul des Etats-Unis " en Europe.
" Helmut Kohl privilégie de plus en plus la stratégie européenne " : c'est Jacques Chirac, ici, qui s'exprime.
" Il m'a depuislongtemps classé parmi ses amis ", dit le président français à propos d'Helmut Kohl, avant d'ajouter : " C'est un homme simple,réaliste, plein de bonhomie mais aussi de finesse.
Un cerveau penché sur un coeur.
" Confiant, le président français ajoute :" Nous avons globalement une conception identique de l'Europe.
Sur les grandes options extérieures Bosnie, OTAN, Russie,aide au développement...
l'Allemagne pense comme la France.
"
Il est tout à fait certain que l'Allemagne d'Helmut Kohl pense comme la France : c'est même une des lignes directrices de sapolitique étrangère.
Mais elle aimerait, souvent, que la France pense aussi comme l'Allemagne...
Si bien qu'elle est gênée chaquefois que Paris fait preuve d'initiative solitaire (ainsi des essais nucléaires ou du récent voyage de Jacques Chirac au Proche-Orient).
Vue de Bonn, la relation personnelle entre Helmut Kohl et Jacques Chirac n'est pas aussi intense qu'avec FrançoisMitterrand.
Le chancelier ne vient-il pas de rendre un nouvel hommage posthume à l'ancien président français ? Il a publié un longcommuniqué à l'occasion du 26 octobre, date qui aurait été celle de son quatre-vingtième anniversaire.
LUCAS DELATTRE Le Monde du 30 octobre 1996.
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