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Article de presse: Harold Macmillan, le décolonisateur

Publié le 22/02/2012

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10 janvier 1957 - Lorsque après le fiasco de Suez la maladie contraignit sir Anthony Eden à prendre sa retraite, c'est à Harold Macmillan que la reine fit appel. Il a au début quelque peine à s'imposer. Plusieurs démissions marquent ainsi sa première année au 10 Downing Street : celle de lord Salisbury (sur l'affaire de Chypre), en mars 1957; celle de Peter Thorneycroft, chancelier de l'Echiquier, en janvier 1958. De graves problèmes de politique intérieure compliquent d'ailleurs sa tâche, en particulier en matière économique : crise de la balance des paiements en septembre 1957, augmentation du chômage, qui atteint presque le demi-million à la fin de l'hiver 1957-1958. Les initiatives diplomatiques du premier ministre au cours de cette période de " rodage " sont relativement modestes. Sans doute a-t-il rencontré à deux reprises, en mars et en octobre 1957, son ancien camarade de guerre, le président Eisenhower. Sans doute également, en janvier 1958, a-t-il visité les terres les plus lointaines du Commonwealth. Mais le premier événement qui attire l'attention sur lui est son voyage à Moscou, en janvier 1959. L'opinion britannique s'alarmait vivement des menaces de conflit que faisait apparaître l'ultimatum soviétique sur Berlin. Harold Macmillan ne voulait pas qu'il soit dit qu'il n'avait pas tout tenté pour éviter le pire. Nikita Khrouchtchev le rudoya passablement; lui-même se fâcha en fin de compte, et l'on reprit espoir un peu plus tard en apprenant la convocation à Genève d'une conférence des ministres des affaires étrangères des Quatre Grands. C'est l'époque des succès : règlement à Chypre en mars 1959, triomphe du parti conservateur-qui emporte une majorité de 100 voix aux Communes-aux élections générales du mois d'octobre de la même année. Fort de ces réussites, Harold Macmillan affirme sa politique et ses intentions. Il a en particulier le courage, le 3 février 1960, au Cap, de prononcer son fameux discours sur le " vent du changement ", où il insiste sur la nécessité et l'urgence de la décolonisation. Il ira presque au bout de cette tâche : sous son gouvernement la plupart des possessions britanniques accèdent à l'indépendance ou s'engagent sur la voie qui doit les y conduire. Mais l'année 1960 est aussi celle du premier échec grave : celui de la conférence au sommet réunie à Paris au mois de mai, et qui marquait l'aboutissement des efforts du premier britannique en faveur de la détente. En outre, Londres commence à réaliser l'importance qu'est appelé à prendre un Marché commun dont la Grande-Bretagne ne fait pas partie et que la création de l'AELE (Association européenne de libre-échange) ne trouble pas. Il faudra un an et les conseils pressants de Washington pour que le gouvernement britannique se décide à envisager l'entrée de l'Angleterre dans une Europe qui menace de se construire sans elle. Le 31 juillet 1961, dans un discours historique, Harold Macmillan annonce aux Communes que la Grande-Bretagne va demander à faire partie de la CEE et ouvrir en ce sens des négociations, qui, engagées au mois d'octobre, ne progressent que lentement. Plusieurs crises, d'importance inégale, sont entre-temps survenues à l'intérieur. Selwyn Lloyd, d'abord secrétaire au Foreign Office-où lord Home le remplace en juillet 1960,-puis chancelier de l'Echiquier, quitte finalement le gouvernement le 13 juillet 1962. En avril 1960, la fabrication des fusées Blue Steak, destinées à armer la force de frappe britannique, a été abandonnée. Plusieurs affaires d'espionnage, enfin, émeuvent l'opinion. En 1962, néanmoins, M. Macmillan acquiert de nouvelles armes pour soutenir ses projets européens : l'accord en septembre des pays du Commonwealth, le soutien en octobre du congrès conservateur. Les négociations sur l'entrée dans le Marché commun reprennent. Mais la délégation britannique semble avoir atteint la limite des concessions. Est-ce la crainte des réactions de l'agriculture anglaise? La difficulté de rompre avec une tradition qui fait passer les relations avec les Etats-Unis et le Commonwealth avant la solidarité avec le continent ? Une entrevue avec le général de Gaulle à Champs, au mois de juin, avait paru rapprocher les points de vue. Une autre, à Rambouillet, les 15 et 16 décembre, en fait éclater l'incompatibilité. HENRI PIERRE Le Monde du 12 octobre 1963

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