Article de presse: G8 : suivre la voie américaine
Publié le 22/02/2012
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20-22 juin 1997 - Les Américains ne savourent pas leurs succès économiques avec modestie. Mais il est vrai que leur propension à verser dans l'autosatisfaction à l'occasion du sommet de Denver (Colorado) peut se comprendre. La dernière fois que les Etats-Unis ont accueilli un G 7 (à Houston, en 1990), George Bush avait dû supporter les critiques de ses homologues européens, qui soulignaient volontiers le "déclin" de l'Amérique. Trois ans plus tard, Bill Clinton recevait presque un avertissement de la part de ses partenaires du "club" des pays les plus industrialisés : le déficit chronique des finances publiques américaines allait inévitablement entraîner une hausse des taux d'intérêt et provoquer un ralentissement de la croissance économique mondiale.
Aujourd'hui, les rôles sont inversés et le chef de la Maison Blanche ne se prive pas de vanter les "recettes" du libéralisme économique américain. Alors que l'Allemagne, la France et l'Italie peinent à sortir de la crise, avec des taux de chômage à deux chiffres, des déficits budgétaires supérieurs au plafond prévu pour réaliser l'Union économique et monétaire et une croissance encore anémique, les Etats-Unis affichent un palmarès flatteur.
Les Etats-Unis soulignent que le seul pays européen pouvant prétendre être sorti de la crise, la Grande-Bretagne, est celui dont la politique économique est la plus proche de celle des Etats-Unis. Si Washington est préoccupé par la faiblesse des économies européennes et japonaise, c'est notamment parce que celle-ci a pour résultat de limiter le volume des exportations de l'industrie américaine.
Le sommet de Denver sera donc consacré à trois objectifs principaux : la promotion de la croissance économique dans les pays du G 7 et en Russie; l'étude des mécanismes de stabilité permettant d'anticiper des crises financières (comme celle du Mexique, fin 1994); l'intégration des économies en développement (notamment africaines) et en transition (particulièrement en Europe de l'Est).
En dépit des approches économiques divergentes de ses membres, le G 8 pourra aboutir à un constat unanime : la globalisation des échanges mondiaux, qualifiée d' "irréversible", par Bill Clinton, a créé des opportunités, mais aussi des risques. C'est pour cette raison qu'il est urgent de mettre en place un mécanisme mondial de surveillance des marchés financiers. Le chef de la Maison Blanche a estimé que "tous les pays du monde sont placés devant les mêmes choix" que les Etats-Unis, mais la réussite américaine repose sur un environnement économique particulier. Aux Etats-Unis, par exemple, les dépenses publiques ne représentent que 33 % du PNB, contre plus de 50 % en Europe de l'Ouest. La réduction drastique du déficit budgétaire a permis de dégager des ressources en faveur du secteur privé, ce qui a provoqué un véritable "boom" de l'investissement.
Les leçons de Bill Clinton
Il faut dépasser la "vieille idée" selon laquelle la réduction des déficits se traduit à court terme par une récession, a souligné Bill Clinton. Par ailleurs, la baisse des coûts de l'industrie, la pratique systématique du downsizing (le "dégraissage" des effectifs), la sage politique monétaire de la Réserve fédérale américaine ont été des facteurs déterminants. Reconnaissant que les coûts du travail sont plus élevés en Europe, où les traditions sociales ne peuvent être bouleversées sans risques politiques, l'administration américaine ne cherche pas à exporter le "modèle américain", mais elle invite ses partenaires à s'en inspirer, à l'instar de la Grande-Bretagne.
M. Clinton souhaite qu'un consensus se dégage à Denver en faveur de la poursuite des réformes structurelles génératrices d'emplois et de croissance. Les Européens sont concernés mais aussi le Japon. Washington demande au gouvernement de Ryutaro Hashimoto de faire un effort plus soutenu pour libéraliser l'économie nipponne et orienter celle-ci vers une croissance de la demande domestique.
Ce souhait n'est évidemment pas désintéressé : la persistance du déficit commercial avec le Japon (qui a augmenté de 5,1 % en avril)préoccupe les Etats-Unis. Les deux pays ont cependant conclu un accord, le 19 juin. Tout en donnant quelques leçons à ses partenaires, Bill Clinton va devoir tempérer son triomphalisme. L'avenir de l'économie américaine n'est en effet pas exempt de nuages : comme les pays européens, les Etats-Unis n'ont pas encore relevé le formidable défi que représente, en termes d'accroissement des budgets des programmes sociaux, le vieillissement de leur population. Il n'est pas question pour les membres du G 8 d'élaborer des solutions à ce sujet, mais le fait d'évoquer cette question à Denver en souligne l'urgence.
LAURENT ZECCHINI
Le Monde du 21 juin 1997
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