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Article de presse: François Mitterrand fleurit la tombe de Philippe Pétain ...

Publié le 17/01/2022

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Mémoire 1993 - Contrairement à sa pratique des cinq dernières années, le président de la République aurait renoncé à faire fleurir, cette année, la tombe du maréchal Pétain à l'occasion de l'anniversaire de l'armistice de 1918. Pour rendre hommage " aux morts des grandes batailles et à leurs chefs ", trois gerbes devraient être déposées sur les lieux des trois grandes batailles de la première guerre mondiale, dont celle de Verdun. Dès le 21 juillet 1992, en effet, Serge Klarsfeld, avocat et président de l'Association des filles et fils des déportés juifs de France, avait annoncé, sans être démenti, que le président de la République lui avait fait connaître " verbalement " sa décision de ne plus fleurir la tombe de Pétain. Cette annonce intervenait quelques jours après la polémique soulevée lors de la commémoration du cinquantième anniversaire de la rafle du Vel' d'Hiv des 16 et 17 juillet 1942, sur la responsabilité du gouvernement de Vichy dans la déportation et le génocide des juifs. Plusieurs personnalités et organisations juives avaient demandé " une reconnaissance officielle des crimes de Vichy contre les juifs ". Dans son entretien télévisé du 14 juillet, M. Mitterrand opposait une fin de non-recevoir. " Ne demandez pas des comptes à la République, elle a fait ce qu'elle devait, déclarait-il. L'Etat français, c'était le régime de Vichy, ce n'était pas la République. " Malgré l'assurance donnée à M. Klarsfeld, le préfet de Vendée était dépêché par l'Elysée, le 11 novembre, pour aller fleurir, discrètement, " au nom du président de la République ", la célèbre tombe du petit cimetière de Port-Joinville. La révélation de ce déplacement de fin d'après-midi provoqua " tristesse " et " indignation ", non seulement au sein de la communauté juive mais aussi dans une partie du milieu politique. Premier secrétaire du PS à l'époque, Laurent Fabius souhaita que ce geste de M. Mitterrand " ne se renouvelle pas ". Lionel Jospin exigea que " l'on tranche une bonne fois (...), en disant que le Pétain de 1914 a été malheureusement emporté par le Pétain de 1940 ". Certaines voix à droite s'élevèrent aussi à droite. Jacques Chirac avoua " partager le sentiment " de ceux qui étaient choqués par la démarche de M. Mitterrand. Edouard Balladur jugea que " dans la liste des rituels que François Mitterrand a créés, [il préférait] l'ascension de la roche de Solutré ". Dans un entretien accordé le 22 novembre 1992, avant de s'envoler pour Israël, M. Mitterrand se voyait contraint de répondre à ces réprobations. " Je ne voudrais pas que l'incompréhension s'élargisse ", avouait-il en reconnaissant qu'il devrait à l'avenir " gérer autrement la contradiction fondamentale " existant entre l'hommage au vainqueur de Verdun et le souvenir de " la honte " de la rafle du Vel' d'Hiv'. A cette fin, le 3 février dernier, il était annoncé que, dès cette année, le 16 juillet serait consacré journée nationale des persécutions racistes et antisémites. Si elle est confirmée, la décision de ne plus fleurir la tombe de l'île d'Yeu serait une seconde preuve de la volonté présidentielle de lever les ambiguïtés. DANIEL CARTON Le Monde du 9 novembre 1993

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