Article de presse: Franco, croisé d'une Espagne intégriste et unitaire
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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à ses yeux qu'une marque de faiblesse, il se refusa avec toute la ruse et toute l'obstination dont il était capable à laisser entraînerson pays dans la deuxième guerre mondiale.
Le sort des armes aurait-il souri au Führer que Franco aurait demandé sa part desdépouilles africaines de la France.
Mais quand il vit que le vent tournait dans l'autre sens, il sut se dédouaner à temps en sedébarrassant de ses ministres les plus compromis aux côtés des nazis.
Combien de fois, par la suite, congédia-t-il sans un mot deremerciement des hommes n'ayant eu d'autre tort que d'exécuter la politique qu'il leur avait prescrite?
La guerre froide naissante sauva son régime d'une intervention des vainqueurs de 1945, dans les rangs desquels se trouvaientdes milliers de républicains espagnols, convaincus que la libération de leur pays suivrait de peu l'écroulement de l'Axe.
Maisl'opprobre demeurait assez général pour que les Nations unies décident en 1949 la rupture diplomatique entre leurs membres etle gouvernement de Madrid.
D'une alliance à l'autre
Ce fut la grande réussite de Franco que de retourner en sa faveur la réaction hostile provoquée par cette mise à l'index dans unpeuple qui avait constamment montré au cours des âges son peu de goût pour les interventions de l'étranger dans ses affaires.
Ilne lui restait plus qu'à se faire enrôler dans une autre croisade, celle dont les Etats-Unis avaient pris la tête contre le communismeet qui n'était pour lui que la suite logique de celle de 1936.
Certes, il ne réussit jamais à faire admettre son pays dans le pacteatlantique, le Conseil de l'Europe ou la Communauté économique européenne.
Mais il put maintenir son indépendance dansl'alliance avec Washington, comme il y était parvenu dans l'alliance avec Hitler.
C'est là sans doute la raison principale del'admiration que de Gaulle ne se cachait pas de lui vouer.
L'aide américaine, les devises apportées par le tourisme et par l'émigration massive de la main-d'oeuvre, l'arrivée aux postes decommande de l'économie d'équipes de grande valeur ont depuis lors transformé le pays.
Le niveau de vie n'a depuis lors cessé des'accroître et l'Espagne de s'industrialiser.
Le régime de sécurité sociale vaut le nôtre.
La classe moyenne, dont l'absence aumoment de la guerre civile contribue sans doute à expliquer la violence de l'affrontement, a pris une ampleur qu'attestent lesencombrements des rues de Madrid ou de Barcelone.
Toutes les conditions paraissent réunies pour l'établissement sinon d'unedémocratie de type occidental, du moins d'une libéralisation qui permettrait à l'Espagne de sortir enfin de son isolement séculaire.Mais ce n'est pas à quatre-vingts ans passés qu'un despote change de caractère.
L'âge a plutôt tendance à le confirmer dans sonautoritarisme, à moins de faire de lui le jouet d'une camarilla d'autant plus acharnée à profiter du pouvoir qu'elle sait que le tempslui est compté.
La profession de chef d'Etat est de celles pour lesquelles il n'est pas de limite d'âge, mais Adenauer mis à part, il est peud'exemples d'octogénaires qui ne passent pas leurs dernières années de règne à compliquer la tâche de leurs successeurs.
C'est àquoi s'est employé, qu'il l'ait voulu ou non, le général Franco face à une opposition multiforme, et qui va des monarchistes fidèlesà don Juan aux séparatistes basques et aux terroristes gauchistes du FRAP.
Plutôt que de passer la main à son héritierconstitutionnel, le prince d'Espagne, dont l'impatience paraissait s'être muée, ces temps-ci, en une sorte de lassitude, il a voulujusqu'à la dernière minute, se cramponner au pouvoir.
Soit par sa propre décision, soit plus vraisemblablement sous la pressionde polices devenues la base principale d'un régime de plus en plus lâché par ses piliers traditionnels : Eglise, grande bourgeoisie," vieilles chemises " de la Phalange et même une partie de l'armée, il a ordonné des exécutions qui ramenaient son pouvoir à sessources sanglantes et fait contre lui l'unanimité de l'opinion extérieure.
La violence a répondu à la violence.
Il faudrait beaucoupd'optimisme pour croire qu'au stade qu'elle a atteint, la mort du Caudillo d'Espagne suffira à ramener dans son pays la liberté et lapaix.
ANDRE FONTAINE Le Monde du 21 novembre 1975.
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