Article de presse: Famélique et médiévale Ethiopie
Publié le 22/02/2012
Extrait du document


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" Il ne pleuvait presque pas depuis trois ans, dit Akalé Yimmer, du village de Wadla.
En 1971, la récolte a été très mauvaise.En 1972, on a dû manger une partie des semences et même emprunter du grain pour survivre.
En février 1973, les " petites pluies" n'ont pas eu lieu, qu'est-ce qu'on pouvait faire ? Moi, j'avais deux lopins de terre.
Le premier, je l'avais hypothéqué pourpouvoir emprunter deux sacs de teff et, comme je n'ai pas pu rendre le grain, j'ai perdu mon champ.
Le deuxième, j'ai dû levendre 10 dollars éthiopiens (22 francs) pour tenir encore un peu.
Au mois de juin, je n'avais plus rien.
Alors, j'ai laissé mafemme et mes deux enfants à Wadla pour aller chercher du travail et de quoi manger.
Avec mon frère, nous avons mis quatrejours pour arriver à Dessié et je n'ai rien trouvé.
J'ai su que ma femme et mes enfants étaient morts depuis longtemps ".
La même histoire est reproduite à des milliers d'exemplaires dans le Wollo.
Scénario monotone : le père résiste trois ans auprocessus inexorable de la famine, emprunte, vend ses bêtes, puis ses terres quand elles lui appartiennent, et finit un jour parprendre seul la route en laissant derrière lui, une famille qui mourra avant même qu'il ait pu songer à revenir.
Elles viennent bien du profond Moyen Age ces paroles récitées dans chaque " camp de secours ".
Tout comme évoquent notrevieil ordre médiéval les scènes quotidiennes que l'on peut encore rencontrer sur les longs kilomètres caillouteux qui courent de colen col entre Addis-Abeba et Asmara.
Comme au Moyen Age
Troupes de mendiants au regard fou, hérissées de bâton, quêtant de village en village.
Propriétaire tranquille surveillant de savoiture les trente métayers occupés aux dernières maigres moissons de la saison sèche.
( " Pour qu'ils ne puissent pas voler despoignées de grains ", explique notre jeune guide).
Prêtres coptes chargés d'or et d'oriflammes, justifiant la famine comme unepunition divine devant des paysans que l'Eglise invite encore au jeûne cent quatre-vingt-cinq jours par an.
Bourgeois repus, vêtusde blanc, cheminant sur leurs mules entourés de dix serviteurs à pied portant fusil...
Oui, Moyen Age...
Comme sont moyenâgeux les quatorze royaumes qui forment le vieil empire agraire d'Ethiopie.
Ce châteaufort inaccessible, orgueilleux, perché sur ses montagnes et quatre mille ans d'histoire, hostile au modernisme, figé, hiératique...Moyen Age : thème flatteur pour les dépliants touristiques qui proposent à cent mille visiteurs étrangers la " découverte destraditions intactes " et du " trésor historique " de l'Ethiopie.
Thème flatteur mais à double face.
Fière à juste titre de son passé, desa culture, de son équilibre, pas soucieuse de jeter à bas les vieilles structures féodales, l'Ethiopie admet mal cette famine subite.Ce " scandale " humiliant et sa première conséquence : la sollicitude réprobatrice des visiteurs étrangers découvrant aujourd'huil'envers terrible des dépliants.
Des taches prises sur la couronne.
" Forcément, nous disait en levant les bras M.
Mamo Tadessé, le ministre des finances, vous découvrez tout cela avec vos yeuxd'Occidentaux.
" Peut-être.
Mais pourra-t-on nier que les milliers de tombes fraîchement creusées dans les montagnes du Wollosoient autant imputables aux cruelles injustices du Moyen Age éthiopien qu'aux caprices de la météorologie.
A la différence duSahel, l'Ethiopie est riche, fertile, verdoyante.
Les experts américains ont calculé que, réorganisée, son agriculture pourrait nourrir cent millions d'habitants.
L'empire pourraitêtre un " grenier " pour l'Afrique.
Ne sont pas seulement en cause le sous-équipement routier, hydraulique, administratif, qui a rendu et rend encore difficile lacollecte des informations et l'acheminement des secours, l'archaïsme d'une société où une minuscule oligarchie féodale possèdedes centaines de milliers d'hectares de terres sous-cultivées par des serfs et qui leur doivent encore 60 % à 70 % de leur récolte,l'insouciance effrayante d'une classe dirigeante occidentalisée qui, dans la capitale, partage sa vie entre les Mercedes noires et lesdélices mondains du Casino-Ghion, propriété personnelle de l'empereur...
Ce qui frappe surtout est plus subtil, presque indéfinissable.
Une sorte d'injustice immanente, absolue.
Une inégalitévertigineuse, clef de voûte d'un ordre social minutieux et premier article du catéchisme éthiopiens.
Cette inégalité" institutionnelle ", cette injustice " naturelle ", a pour sous-produit l'indifférence.
Une indifférence épaisse, ingénue.
En 1973, ce nesont pas cinquante ou cent mille Ethiopiens qui sont morts de faim.
Ce sont, plus exactement cinquante, ou cent mille pauvres,morts devant l'indifférence des riches.
Une monarchie de droit divin
Les projets de réforme, qui prévoient notamment une réduction de la part réservée au propriétaire, une refonte du cadastre etla création de coopératives, se heurtent surtout à l'hostilité des féodaux qui dominent les deux Chambres et partagent avecl'empereur une fraction du pouvoir politique.
Ultra-religieux, dévotement conservateurs, traditionalistes, souvent liés à l'empereurpar l'enchevêtrement des alliances familiales et des services rendus, ils n'accepteront pas d'eux-mêmes une évolution qui les.
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