Article de presse: Evadé du Cambodge
Publié le 22/02/2012
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Les cadres continuent à rechercher les anciens fonctionnaires et les militaires.
Ceux qui sont repérés, tout comme ceux qui " seplaignent trop fréquemment, qui critiquent l' " Angkar " boivent de l'alcool ou commettent l'adultère ", sont conduits à l' " Angkarleu " (organisation supérieure).
Ils ne reparaissent jamais.
Comparaître devant l' " Angkar leu " équivaut à la mort ou à l'envoidans des camps disciplinaires de travail.
A Veal-Vong, Lieng Hap, ancien secrétaire à la culture et président de l'Association desécrivains khmers, a ainsi été emmené.
Tous les trois jours ont lieu des réunions politiques et d'autocritiques, dont les thèmes sont invariables : " Aimer le travailmanuel ", " Travailler pour se purifier ", " Abandonner les anciennes habitudes et croyances ", " Lutter contre l'impérialisme ".
Onne parle jamais explicitement du bouddhisme, mais chacun sait que les milliers de pagodes sont vides, et personne ne voit plus lesrobes safran des bonzes qui faisaient partie du paysage quotidien depuis des siècles.
Après six mois à Veal-Vong, la famille de Pin Yatay est transférée à Doney, dans la même province.
Plusieurs milliers depersonnes travaillent là aussi, de 6 heures à 11 heures, de 13 heures à 17 heures et de 19 heures à 21 heures ou plus.
Lesintermèdes sont consacrés aux repas et à l'entretien des outils.
Doney est organisé selon un schéma quasi militaire avec sections,compagnies et bataillons de production.
Le système collectiviste se rode; chacun est intégré dans une unité spécialisée( " angpheap " ) de labour, de terrassement, de préparation des engrais.
Les enfants, qui doivent être les révolutionnaires purs etdurs de l'avenir, sont pris en charge, selon leur âge, par des organisations spécialisées.
Peu à peu, la cellule familiale perd son rôleprotecteur et formateur; celui de l'individu est réduit pour l'essentiel à ses seules fonctions productrices au profit de l'ensemble.
Acompter de janvier 1976, les repas ne sont plus pris en famille, mais dans des cantines, sur les lieux mêmes du travail.
Celasupprime les temps morts, les distributions de riz et la possibilité d'en mettre de côté en vue d'une fuite.
On fait comprendre auxenfants que c'est l' " Angkar " qui les nourrit et les forme, et non leurs parents.
Pour Pin Yatay, Doney restera synonyme de cauchemar.
Les privations, l'absence de soins, le travail épuisant et les épidémiesde paludisme et de dysenterie " ont décimé des familles entières ".
A commencer par la sienne.
En quelques mois, affirme-t-il,vont mourir treize de ses proches, dont son second fils (six ans), d'une plaie infectée au pied.
Tous sont ensevelis dans une " fosse commune " à proximité de l'hôpital.
Lui-même, sa femme, son fils aîné et son cousin, seuls survivants du groupe initial, sont " tout gonflés pendant des mois ".
A cette époque, il craint d'être repéré et décide de quitter Doney.
Son fils aîné est trop malade pour supporter un déplacement, et Yatay trouve une femme sino-khmère qui accepte de l'adopter.
Muni d'une fausse autorisation ( " les miliciens et beaucoup de cadres ne savent pas lire ", dit-il), il se retrouve sur le chantier deLeach, toujours dans la province de Pursat.
Il y restera jusqu'en mai 1977.
Leach est bien organisé, la discipline y est moins dure qu'à Doney, les conditions de vie et de nourriture y sont meilleures.
Maisla mortalité reste élevée.
Pin Yatay note qu'il n'y a pratiquement pas eu de mariages ou de naissances sur les chantiers où il atravaillé, et qui, peu à peu, se sont transformés en villages de coopératives.
Il indique que sa femme et sa soeur n'avaient plusleurs règles depuis longtemps, ce qui est le cas, selon lui, de nombreuses femmes.
Il note encore que la proportion des hommesest nettement inférieure à celle des femmes sur les " karatans ".
Pin Yatay et ses onze compagnons-huit hommes et trois femmes, dont la sienne-prennent la fuite le 24 mai à la nuit tombée.
Unmois après, lui et son cousin arriveront séparément en Thaïlande.
ROLAND-PIERRE PARINGAUXLe Monde du 7 septembre 1977.
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