Article de presse: Des chercheurs sont parvenus à cloner un mammifère adulte
Publié le 22/02/2012
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23 février 1997 - Une étape considérable et à bien des égards inquiétante vient d'être franchie dans l'histoire de la biologie et de l'instrumentalisation de la reproduction. Pour la première fois au monde, un groupe de chercheurs a réussi le clonage d'un mammifère, une brebis adulte. Sans le viol, par l'hebdomadaire britannique The Observer, de l'embargo imposé par la revue scientifique Nature, l'affaire aurait dû rester secrète jusqu'au 27 février. Ce fragile embargo n'a pas résisté à l'ampleur des enjeux et l'information a été rendue publique à Londres dimanche 23 février, quatre jours avant la publication officielle dans les colonnes de Nature.
Cette "première" historique est signée par un groupe de chercheurs dirigé par Ian Wilmut, travaillant pour le Roselin Institute d'Edimbourg et la firme PPL Therapeutics. Ces travaux ont pour partie été financés par le ministère britannique de l'agriculture. Ces chercheurs avaient déjà attiré l'attention de leurs confrères en réussissant l'an dernier le clonage de moutons à partir de cellules embryonnaires. La technique mise en oeuvre peut être résumée de manière schématique. Elle consiste à prendre le noyau d'une cellule somatique (qui renferme en son sein la totalité de l'ADN du patrimoine héréditaire de l'organisme) puis d'inclure cet ADN au sein d'un ovocyte (cellule sexuelle femelle) qui vient d'être fécondé et dont on a retiré le noyau. Des manipulations de ce type avaient déjà été effectuées à de multiples reprises sans succès. Seuls quelques résultats partiels avaient pu être obtenus ces dernières années chez des amphibiens. Mais un clonage de ce type semblait hors de portée des biologistes chez les mammifères supérieurs. Tel n'est plus, dorénavant, le cas. L'équipe écossaise révèle publiquement en effet qu'elle a réussi à créer des moutons à partir du clonage de cellules prélevées sur un animal adulte.
Les bovins
Le premier mouton de ce type, une brebis nommée Dolly, est né en juillet 1996. Depuis, sept animaux ont été créés de manière similaire. Les chercheurs expliquent en substance avoir pu franchir l'obstacle auquel ils étaient confrontés en utilisant une cellule réceptrice l'oeuf qui vient d'être fécondé et auquel on a retiré le noyau qui a la propriété de "reprogrammer" l'ADN du noyau de la cellule initiale. Ils ne sont cependant pas en mesure de fournir le détail des mécanismes moléculaires qui sont ici impliqués. Les taux de succès de leur technique sont encore relativement faibles. Il a fallu en effet près de 300 tentatives pour obtenir le premier animal ainsi créé.
Pour autant, tout indique que l'efficacité de la technique ira en grandissant. D'ores et déjà, les chercheurs d'Edimbourg annoncent qu'ils travaillent activement sur le clonage des bovins, perspective tenue pour plus rentable.
Ces résultats étaient connus depuis plusieurs semaines dans les milieux scientifiques internationaux spécialisés où ils suscitent un très vif intérêt mêlé d'inquiétude. Tout indique que la réussite écossaise marque une étape essentielle dans la manipulation du vivant. Le caractère majeur, d'un point de vue scientifique, de ce travail tient au fait qu'il bouleverse une série de données fondamentales de la biologie. Il démontre que, contrairement à ce que l'on imaginait, l'ADN contenu dans chaque cellule d'un individu a conservé les capacités dont il disposait quand il n'existait qu'à un seul exemplaire, c'est-à-dire au sein de l'oeuf après la fusion des génomes du spermatozoïde et de l'ovocyte. En d'autres termes, les chercheurs écossais ont découvert, au terme d'un long tâtonnement expérimental, que la différenciation cellulaire pouvait ne pas tarir le potentiel créatif de l'ADN.
JEAN-YVES NAU
Le Monde du 25 février 1997
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