Article de presse: De nouvelles mesures de soutien aux banques
Publié le 17/01/2022
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- A voir la frénésie avec laquelle les Japonais se bousculent dans les quartiers commerçants de Tokyo en cette fin d'année, on pourrait croire que les salariés, qui viennent de recevoir leur bonus (une prime d'hiver qui équivaut environ à trois mois de salaires), craignent que ce soit là le dernier. Les faillites en novembre de la dixième banque commerciale et de la quatrième maison de titres du pays ont fait l'effet d'électrochocs. Mitsubishi Electric, à la stupéfaction générale, a même réglé une large part de la prime de ses employés en coupons d'achat pour des produits de la société, prétextant un manque de liquidités.
Le plan d'urgence annoncé par le gouvernement d'un fonds de garantie de 10 000 milliards de yens de fonds publics (460 milliards de francs) afin de protéger les déposants et de 2 000 milliards de yen de baisses d'impôts n'a pas rassuré. La Bourse est tombée à son plus bas niveau historique depuis 1995, entraînant dans sa chute la maison de commerce Toshoku et une petite maison de titres, Maruso Securities.
La Banque du Japon a publié le 15 décembre son rapport " tankan " , sondage trimestriel sur la perception de la situation économique, qui souligne une détérioration de la confiance dans tous les secteurs. La plupart des indicateurs macro-économiques sont à la baisse. L'Agence de planification économique table dorénavant sur une quasi-stagnation pour 1997 (0,1 % de croissance, alors que le FMI parle de 1 %) et de 1,9 % pour 1998 (1,1 % selon le FMI).
A très court terme, c'est la raréfaction du crédit qui préoccupe les économistes, car elle menace d'étendre la crise du système bancaire aux secteurs industriels. Selon le dernier rapport de la Teikoku Data Bank, les faillites directement liées à la restriction du crédit par les banques sont en augmentation rapide. L'institut de recherche estime que le passif des entreprises ayant déposé leur bilan sur les onze premiers mois de l'année s'élève à plus de 11 000 milliards de yens.
La baisse de l'indice Nikkei prive les banques de plus-values alors qu'elles doivent éponger leurs mauvaises créances. Or, elles devaient aussi, au même moment, consolider leurs fonds propres à cause de l'entrée en vigueur, en avril 1998, de mesures visant à accroître la transparence du système et à soumettre les banques à des critères de solvabilité plus stricts. Le ministère des finances a annoncé, mercredi, le report d'un an de la mise en place de ces règles prudentielles. " Une décision de cet ordre pourrait être mal accueillie par les marchés, car cela signifierait que l'assainissement du système bancaire est retardé " , s'inquiète un analyste étranger.
Le gouvernement s'interroge sur la mise en place de mesures de sauvetage plus radicales. Un certain nombre d'économistes font valoir que la réduction fiscale est insuffisante. Le budget 1998, prévu pour être adopté jeudi 25 décembre par le gouvernement, devait engager une réforme fiscale et procéder à l'effacement d'une partie de la dette de l'ancienne régie des chemins de fer nippons (28 000 milliards de yens). Ces décisions devaient porter le déficit budgétaire à 9,8 % du PIB contre 5,9 % en 1997. La marge de manoeuvre de l'Etat est donc extrêmement réduite au plan budgétaire.
Convocation anticipée de la diète
Quant au plan de stabilisation du système bancaire (qui ferait appel à des emprunts gagés sur des sociétés à privatiser au lieu de peser sur le budget), il semble encore susciter de nombreuses incertitudes. Il risque en outre d'être contré par l'opposition lors de sa discussion au Parlement en janvier.
L'ampleur des problèmes affectant le système financier reste mal définie : les mauvaises créances des banques atteignent 28 000 milliards de yens. Début décembre, le quotidien Nihon Keizai Shimbun écrivait que le ministère des finances les estime en fait officieusement à 80 000 milliards de yens. Les incertitudes qui pèsent sur un certain nombre d'institutions financières en faillite virtuelle rend tout le monde nerveux. Le marché réagit positivement à tout signe de nettoyage, mais chaque nouvelle banqueroute déplace les soupçons et les spéculations sur le voisin. Les hommes politiques n'osent plus rien dire, de peur des réactions du marché, tandis que les consommateurs, les industriels et les banquiers sont en train de perdre confiance.
Le premier ministre Ryutaro Hashimoto, qui s'est engagé à tout mettre en oeuvre afin que le Japon ne soit pas à l'origine d'une crise mondiale, faisait part, lundi, aux reporters japonais de son effroi face à la réaction des marchés : " Je suis très inquiet et je me demande si les investisseurs n'ont pas perdu confiance dans le marché. "
La cote de popularité du cabinet Hashimoto est déjà à son plus bas niveau dans les sondages. Alors que la crise devient brûlante, on est loin de l'union sacrée au sein de la coalition au pouvoir. Takako Doi, chef du Parti socialiste (membre de la coalition), s'est déclarée très réservée par rapport aux propositions de budget faites par le PLD et à la réduction fiscale surprise d'Hashimoto, qu'elles a qualifiée de " décision arbitraire " . Quant à l'opposition (dont le Shinshinto, qui vient de réélire à sa tête Ichiro Ozawa), elle a déjà promis de faire des pieds et des mains pour s'opposer au projet de stabilisation financière tel qu'il a été présenté par le PLD. La crise politique qui se profile à la rentrée risque de ne pas accélérer la prise de décisions. Tous les partis sont toutefois tombés d'accord pour réunir la Diète le 12 janvier au lieu du 19, en raison de l'urgence de la situation économique.
BRICE PEDROLETTI
Le Monde du 25 décembre 1997
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