Article de presse: Daniel Arap Moi est réélu président du Kenya
Publié le 17/01/2022
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29 décembre 1997 - De son vrai nom Daniel Toroitich arap Moi, l'un des derniers survivants de la " vieille garde " des dirigeants africains fêtera cette année ses vingt ans de pouvoir, après avoir remporté cette semaine son second mandat présidentiel de l'ère multipartite qu'il s'est résigné à instaurer en 1991.
Accédant au pouvoir en 1978 à la mort de Jomo Kenyatta, le père de l'indépendance, M. Moi a, au fil des ans, neutralisé toute opposition jusqu'à présider, à la fin des années 80, un régime autocratique et répressif. Mais, face aux exigences démocratiques occidentales, il a prouvé ses talents de chef d'Etat pragmatique et s'est maintenu fermement au pouvoir en alternant ouvertures et intimidations sans jamais être formellement condamné par les bailleurs de fonds, qui apprécient la stabilité, unique dans la région, du Kenya.
Agé de soixante-quatorze ans, divorcé et père de sept enfants, M. Moi s'est lancé dans la politique en 1955 en quittant son poste d'instituteur. Né officiellement en 1924 à Baringo, dans la Rift Valley, orphelin à quatre ans, il a gardé les chèvres durant son enfance, marchant longuement chaque matin jusqu'à l'école. Il est issu de la petite tribu des Tigens, une des branches des Kalenjins, elle-même une ethnie mineure de l'échiquier tribal kenyan.
Il abandonne l'enseignement pour le Conseil législatif (Legco) constitué par les autorités coloniales afin de préparer le pays à l'autonomie. Dans la marche vers l'indépendance, il est de toutes les négociations avec Londres. Il fonde bientôt la Kenya African Democratic Union (KADU) regroupant les petites tribus qui craignent d'être marginalisées par les puissants Kikuyus ou Luos, dont les plus fameux représentants sont respectivement Jomo Kenyatta et Oginga Odinga.
Il entre au gouvernement lors de l'indépendance, en 1963. A la demande de Jomo Kenyatta, il dissout la KADU. Ce geste n'est pas étranger à sa nomination, en 1967, à la vice-présidence, où il seconde fidèlement le " Mzee " (l'Ancien) jusqu'à sa mort et auquel il succède conformément à la Constitution. Craignant peut-être d'être évincé par les Kikuyus, qui n'ont jamais vu en lui qu'un président temporaire, il ne tarde pas à durcir le régime, officialisant la Kenya African National Union (KANU) en parti unique.
En 1982, une tentative de coup d'Etat militaire lui offre un prétexte pour renforcer son pouvoir, s'appuyant davantage sur les politiciens kalenjins et, au niveau économique, sur les commerçants d'origine indienne, pour faire pièce aux omniprésents hommes d'affaires kikuyus. Les élections de 1988, massivement fraudées, font la preuve de son impopularité grandissante mais il concentre tous les pouvoirs et réprime toute contestation. En 1990, Robert Ouko, le ministre des affaires étrangères que les Etats-Unis voyaient comme son successeur est assassiné, et le chef de l'Etat fait jeter en prison un ancien ministre qui avait réclamé le multipartisme. Il rejette ce système sous prétexte qu'il ravivera le tribalisme, mais les pressions des donateurs, qui gèlent leur assistance, ont raison de son obstination. Dès lors, il montre une remarquable habileté à démocratiser suffisamment son régime pour plaire aux bailleurs de fonds, sans jamais perdre le contrôle du pays.
Le mode de scrutin (majoritaire à un tour) et les divisions de l'opposition ont facilité les victoires de Daniel arap Moi, qui a pu gagner sans fraude outrancière. Le nouveau mandat qu'il vient de remporter est, en principe, son dernier, mais M. Moi ne semble pas avoir désigné d'héritier. Les barons du régime devraient s'affronter pour la succession.
JEAN HELENE
Le Monde du 5 janvier 1998
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