Article de presse: Contenir la subversion en Amérique latine
Publié le 17/01/2022
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démocratie occidentale; à tout le moins, chacune représenta-t-elle un recul plus ou moins net de ce passé centre-américaincaricaturalement livré aux centurions.
Au milieu de l'été 1983, M.
Reagan créa une commission bi-partisane, présidée par l'ancien secrétaire d'Etat, M.
HenryKissinger, et dont l'objectif était l'élaboration d'une politique à long terme envers l'Amérique centrale.
En fait, cette politique étaitdéjà non seulement élaborée, mais largement engagée! Il s'agissait donc, essentiellement, de la faire endosser par les démocrates.
De fait, la " commission Kissinger ", après six mois de consultation et de travail acharné, accoucha, en janvier 1984, d'unrapport suggérant...
une combinaison d'aide militaire et économique en vue d'aboutir à la démocratisation de l'Amérique centrale.Tout au plus l'audace résidait-elle dans le montant de l'aide suggérée (près de 8,4 milliards de dollars d'ici à 1990).
Deux événements compliquèrent la tâche de M.
Reagan : la guerre des Malouines, au printemps 1982, où Washington se portaaux côtés de Londres contre l'Argentine, et l'invasion de la Grenade en 1983.
Dans les deux cas, en effet, un anti- " yanquisme "à fleur de peau se manifesta en Amérique latine, y compris de la part de gouvernements peu suspects d'hostilité à l'essentiel desthèses reaganiennes : les voisins du Sud, c'est un fait, n'aiment pas ouvertement la pax americana, même lorsqu'elle sert leursintérêts.
En revanche, l'échec de l'extrême droite, tant aux élections guatémaltèque que salvadorienne cette année, fut une bénédictionpour un gouvernement-républicain et conservateur-qui avait enfin compris qu'il n'y avait plus de salut pour les Etats-Unis dans larégion si la vieille oligarchie d'esprit féodal ne lâchait pas prise face à de nouvelles couches plus modernes, sinon toujoursprogressistes.
De ce point de vue, l'élection à la présidence du Salvador de M.
Napoleon Duarte fut une aubaine pour M.Reagan.
On le vit bien lorsque M.
Duarte, lors d'une tournée aux Etats-Unis, sitôt après son élection, réussit à convaincre lesdémocrates de débloquer une importante rallonge à l'aide militaire au Salvador.
A partir de ces prémisses, comment imaginer le deuxième mandat de M.
Reagan pour ce qui touche à l'Amérique centrale?
Beaucoup de facteurs sont en partie indépendants de la volonté de Washington.
Les guérillas guatémaltèque et salvadorienneparviendront-elles à se maintenir dans un environnement international de moins en moins favorable? Le revirement nationaliste, enavril 1984, des forces armées honduriennes sera-t-il autre chose qu'un feu de paille? Les contre-révolutionnaires nicaraguayensatteindront-ils, sans la CIA.
(1) ce niveau de crédibilité dans la lutte armée qu'ils n'ont jamais approché lorsqu'ils jouissaient de l'aide quasi officielle des services secrets américains? Le gouvernement de Managua saura-t-il, après les élections du 4novembre, doser la fermeté militaire et la souplesse politique? Enfin, l'Europe se convertira-t-elle, sur ce point, au " reaganisme ",laissant dès lors bien démunis les Etats du groupe de Contadora (Mexique, Colombie, Venezuela, Panama) dans leur recherched'une solution négociée aux problèmes de la région?
Malgré de récents revers, une défaite sur le terrain de l'armée salvadorienne apparaît peu probable.
La poursuite de l'aideaméricaine et le renforcement du poids de M.
Duarte devraient, au contraire, conduire à une pause, voire à un reflux de laguérilla.
Celle-ci s'est, le 15 octobre à La Palma, assise à la même table que le président, pratiquement à ses conditions.
C'est évidemment au Nicaragua que tout se jouera.
Managua, face à Washington, est, militairement, totalement isolé : M.
FidelCastro a exclu toute aide de Cuba à son allié après l'invasion de la Grenade.
Mais un coup de force américain est-il à l'ordre du jour? Le président Reagan a proclamé, à la veille de sa réélection, qu'il n'enétait pas question.
Quoiqu'on tienne, à la Maison Blanche, les élections du 4 octobre pour " du toc ", on doit bien y voir que cescrutin contribue à asseoir la légitimité du Front sandiniste.
Une reprise de l'aide de la CIA aux " contras " ne sera pas aisée àjustifier; sauf conduite grossière de M.
Daniel Ortega et de ses amis, l'opinion internationale devrait, pour un certain temps aumoins, redevenir plus favorable à Managua.
Mais nul ne peut connaître les réactions de l'hôte de la Maison Blanche : on le vit,quelques heures après l'attentat meurtrier de Beyrouth contre les " marines ", lancer la force américaine à l'assaut de la Grenade.
JEAN-PIERRE CLERC Le Monde du 9 novembre 1984.
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