Article de presse: Chine : le grand bond en avant des privatisations
Publié le 17/01/2022
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elles valorise, pour le compte de l'Etat, des participations dans plusieurs dizaines d'entreprises.
" Notre objectif est de soustraireces entreprises des secteurs commerciaux et industriels pour les orienter vers la finance, les infrastructures et les hautestechnologies " , explique Li Yong, président de Wuhan State-owned Assets Management Company.
Flanqué de deux jeunescollaborateurs, à la mine sage et appliquée de titulaires de MBA, M.
Li est fier de pouvoir annoncer que huit de ses entreprisessont cotées sur les Bourses de Shanghaï et Shenzhen, soit la moitié du quota (seize) dont bénéficie Wuhan.
C'est en fait à un véritable exercice de Mécano que se livrent les trois holdings de Wuhan.
Elles s'arrachent les actifs les plusjuteux, transfèrent aux municipalités les services sociaux (écoles, cantines) et cherchent à se débarrasser, non sans mal, des actifsles plus improductifs.
La faillite est une pratique répandue.
Une centaine a été déclarée à Wuhan.
" Nous sommes les leaders enChine des décisions de faillites " , se vante-t-on à la commission de restructuration de la municipalité.
Autre option pour les petites entreprises : les investisseurs étrangers qui sont sollicités, voire courtisés.
Les quelquesinvestisseurs qui se sont laissé convaincre sont en général des Hongkongais, des Taïwanais ou des Chinois de la diaspora.D'Occidentaux, point.
Faillites
Le même scénario se joue à l'échelle nationale.
En 1997, 4 500 faillites ont été déclarées.
Le chiffre est certes en diminution parrapport à 1996 (6 200), en raison de la tendance des banques à opposer leur veto à une pratique qui malmène leurs droits decréanciers.
Mais selon Cao Siyuan, un expert cité par le South China Morning Post , le nombre de faillites devrait rebondir cette année.
Autre indicateur des grandes manoeuvres en cours : le pays a connu l'année dernière 3 000 fusions, dont les deux tiersimpliquaient des grandes et moyennes entreprises.
Les dérives dans la mise en oeuvre de la restructuration sont nombreuses.
On peut en identifier quatre.
La première tient dansla fascination persistante pour le modèle coréen des chaebols.
A coups de fusions arbitraires, les municipalités rivalisent d'ardeurpour bâtir des conglomérats susceptibles de figurer au palmarès de Fortune des 500 premiers groupes mondiaux.
Au total, la Chine veut " placer " entre quarante et cinquante de ses conglomérats.
L'effondrement des chaebols coréens n'a visiblementinspiré aucune leçon.
" Ce n'est pas la taille des groupes qui est en cause dans les problèmes de la Corée, explique Huang Qifan,directeur de la commission économique de Shanghaï.
C'est leur niveau d'endettement et l'étroitesse de leurs liens avec lesautorités politiques.
"
La deuxième dérive est l'omnipotence des bureaucraties locales.
Les fameuses " sociétés de gestion des actifs de l'Etat " , cesholdings pivots de la restructuration, ne servent souvent qu'à recycler les anciens apparatchiks des administrations locales detutelle en voie de démantèlement.
" On prend les mêmes et on recommence " , soupire un observateur étranger.
Plus grave, le pouvoir central contrôle peu la boulimie de ces bureaucrates locaux.
" Les provinces et municipalités profitentd'un certain attentisme au niveau central pour se hâter de délimiter leurs actifs, explique Jean-François Huchet, économiste auCentre d'études français sur la Chine contemporaine, basé à Hongkong.
Pour l'instant, la réforme est donc pilotée par lesbureaucraties locales.
" Vu le morcellement administratif de la Chine, on peut aisément imaginer les dégâts infligés à la cohésionde la réforme.
Pillage
C'est dans ce contexte que s'épanouit la troisième dérive : l'emballement d'une logique financière au détriment d'unerestructuration authentiquement industrielle.
Dans ces huis clos provinciaux où se scellent des mariages d'intérêt entrebureaucrates locaux et directeurs d'entreprise, le pillage des actifs de l'Etat est un sport répandu.
" La moitié des sociétés àresponsabilité limitée qui ont été créées ces dernières années à Shanghai et dans le Sichuan l'ont été dans le secteur financier,dénonce un rapport de la Banque mondiale ( China's Management of Enterprise Assets : the State as Shareholder , août 1997).
Ce qui suggère la constitution de coquilles pour absorber les actifs.
" Selon une étude de la Banque mondiale sur unéchantillon d'entreprises, ce " siphonnage " touche environ 10 % des actifs de l'Etat.
Enfin, dernière dérive : la souscription forcée des salariés à des actions de l'entreprise.
Le Quotidien des travailleurs rapporte souvent, pour les dénoncer, des exemples où les salariés se voient contraints d'acheter des actions sous peine de perdre leuremploi.
Parmi les abus rapportés dans la presse chinoise, un drame a retenu particulièrement l'attention : dans la province duShaanxi, une famille entière est venue devant les portes de son usine se suicider en avalant du poison, car elle ne pouvait pasréunir les fonds nécessaires à l'achat des actions.
Cette pratique tient d'autant plus de l'abus de pouvoir que les salariés ne sontensuite plus libres de revendre leurs parts.
Ils deviennent des otages aux mains de dirigeants prêts à tout pour éviter une prise departicipation d'un investisseur extérieur.
Sans compter que, vu l'état financier des entreprises en question, leur épargne forcée.
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