Article de presse: Ce qui reste de la grande nation des Sioux
Publié le 17/01/2022
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6 mai 1973 - Alors que les incidents se multiplient a Wounded-Knee, dans le Dakota du Sud, Maurice Rascle, spécialiste des Indiens d'Amerique du Nord, cherche les raisons du conflit.
La situation s'est brusquement tendue, ce samedi 10 mars, à Wounded-Knee, dans le Dakota du Sud, où une fusillade a éclaté entre les Indiens, insurgés depuis le 27 février, et des forces fédérales.
De 1866 à 1868 eut lieu, dans la vallée de la Powder (Wyoming), une lutte sans merci entre les forces américaines et les Sioux, Cheyennes et Arapahos unis sous la direction de l'Oglala Red Cloud. Par le traité du 29 avril 1968, signé à Fort-Laramie (Wyoming), les Sioux de l'Ouest acceptèrent de s'établir de façon permanente, avec les Cheyennes et les Arapahos du Nord, dans la Grande Réserve sioux qui recouvrait toute la moitié occidentale de ce qui est aujourd'hui le Dakota du Sud.
Les hostilités reprirent lorsque la découverte d'or dans les Black Hills, les collines sacrées des Sioux, amena une nuée de prospecteurs dans cette région. Au cours d'une série de combats dans le Montana, en 1876, les Sioux et les Cheyennes remportèrent sous la direction de chefs tels que Sitting Bull-un Hunkpapa-et Crazy Horse-un Oglala,-plusieurs victoires dont la plus éclatante fut celle de Little Big Horn sur le 7e régiment de cavalerie du colonel Custer.
Mais les Sioux durent finalement faire leur reddition, à l'exception des guerriers de Sitting Bull qui trouvèrent refuge au Canada, où ils demeurèrent jusqu'en 1880-1881. Le chef Crazy Horse fut tué le 5 septembre 1877 à Fort-Robinson (Nebraska), quelques mois après avoir fait sa soumission avec mille cent Oglalas. La Grande Réserve sioux fut amputée, en 1876, puis morcelée, en 1889, en six réserves plus petites, dont celle de Pine-Ridge, dans le Dakota du Sud, où furent placés les Oglalas. Des heurts violents amenèrent, le 15 décembre, la mort de Sitting Bull sur les bords de la Standing-Rock, et, le 29 décembre, le massacre d'une grande partie de la bande du chef Big Foot, sur le Wounded Knee Creek, dans la réserve de Pine-Ridge. Depuis lors, les Sioux de l'Ouest sont demeurés dans leurs six réserves de Dakota du Nord et du Dakota du Sud, ainsi que dans la réserve de Fort-Peck, au Montana.
La réserve de Pine-Ridge, foyer des Sioux Oglalas, est la plus grande des réserves des Etats-Unis après la réserve navajo. Elle a une superficie d'environ 1 500 000 acres, soit 600 000 hectares. Les trois quarts de la réserve sont détenus de façon individuelle par les Indiens, qui ne peuvent, en principe, céder leur bien qu'à un membre de la tribu le quart restant est propriété indivise de la tribu.
Celle-ci dispose d'un conseil tribal qui a à peu près les pouvoirs d'un conseil municipal.
Les Oglalas résidant dans la réserve étaient 8 200 en 1960, 11 500 en 1970. Mais plusieurs milliers d'autres Oglalas se trouvent hors de la réserve, très souvent dans les faubourgs des grandes villes le gouvernement américain a pris, en effet, des mesures, au cours des années 50, pour procurer des emplois dans l'industrie aux Indiens des réserves.
La réserve de Pine-Ridge est restée relativement homogène, contrairement à d'autres réserves de l'Ouest, et le pourcentage des pur sang est encore assez élevé. le langage indien-le lakota-est assez couramment parlé à Pine-Ridge, et un programme d'éducation bilingue a été mis en application en 1971 dans cette réserve. D'autre part, les Oglalas ont remis en honneur, dans les années 30, après une interruption de plus d'un demi-siècle, la fabuleuse danse du Soleil, à vrai dire un peu simplifiée, et ils l'exécutent de nouveau chaque année.
Mais leur situation matérielle n'est guère enviable. Le sol de la réserve ne se prête guère qu'à l'élevage extensif, et plus de la moitié des terres sont louées à des non-Indiens. Le logement est souvent au-dessous des standards acceptables. En raison de l'extrême dispersion de l'habitat, l'adduction d'eau et l'électrification posent des problèmes.
D'autre part, la situation de l'emploi, par suite du niveau d'instruction assez modeste des Indiens et de leur manque fréquent de qualification professionnelle, est préoccupante. En 1969, selon le bureau des affaires indiennes, le pourcentage des chômeurs totaux représentait, à Pine-Ridge, 52 % de la population active. On ne sera pas étonné, dans ces conditions, d'apprendre que le revenu par tête des Indiens de Pine-Ridge s'élevait en 1970 à 846 dollars, soit le quart du revenu moyen par tête aux Etats-Unis.
MAURICE RASCLE
Le Monde du 11-12 mars 1973
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