Article de presse: Bernadette Devlin, une rebelle aux côtés des pauvres
Publié le 22/02/2012
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28 juin 1970 - Les caprices du hasard ont fait que Bernadette Devlin naisse un 23 avril qui est à la fois le jour de la Saint-Georges, patron de l'Angleterre, et l'anniversaire du grand soulèvement de Dublin contre le pouvoir britannique en 1916. A vingt-deux ans, elle a brûlé les étapes de la célébrité depuis son élection triomphale (mars 1969) jusqu'à sa participation aux barricades du Bogside, le quartier catholique de Londonderry, en août dernier, et qui ont donné à la situation de l'Ulster une publicité telle que Londres a dû intervenir et prendre la relève, en fait sinon en droit, du régime de Stormont, haï par les catholiques.
Et pourtant Bernadette Devlin prend bien soin d'indiquer que son combat n'est pas celui des catholiques contre les protestants-division artificiellement entretenue par tous ceux qui y ont intérêt,-mais celui des pauvres contre les riches, des laissés-pour-compte contre les exploiteurs, sans différence de religion. Elle est devenue socialiste non après avoir étudié Marx ou Lénine, qu'elle avoue à peine connaître, mais sous la pression des événements.
Fille d'un charpentier de Cookstown et d'une mère qui appartenait à la petite bourgeoise catholique locale, elle eut à souffrir, avec son frère et ses quatre soeurs, de l'hostilité de la bonne société qui ne supportait pas cette mésalliance. Au sein de cette famille turbulente mais heureuse et unie, frôlant constamment la pauvreté, Bernadette est élevée dans le culte de l'histoire et de la mythologie irlandaises. A l'école Saint-Patrick de Dungannon, où elle fait ses études secondaires, elle n'hésite toutefois pas à s'élever contre le fanatisme anti-anglais de la mère supérieure qu'elle admire pourtant beaucoup. Elle est catholique, mais pas à l'irlandaise : elle se soucie peu des rites et des rivalités traditionnelles avec les protestants elle affirme que l'Eglise a trahi sa mission et qu'elle se fait la complice de l'ordre établi. A Queens's University, à Belfast, où elle entre en 1965, elle découvre la politique active sous la forme des marches pour les droits civiques, dont la première eut lieu le 24 août 1968.
Bernadette Devlin prend fréquemment la parole dans les manifestations on la retrouve au premier rang lorsqu'il s'agit de franchir les cordons de police. Survient une élection partielle pour remplacer le tenant conservateur du siège de Mid-Ulster. Bernadette est choisie pour faire la paix entre tous les candidats anti-orangistes. A la surprise générale, elle l'emporte avec 4 000 voix d'avance, après une campagne enthousiaste. La voilà devenue l'enfant prodige du Parlement, assaillie par les photographes et les candidats au mariage. Pourtant, elle n'a aucune confiance dans l'institution parlementaire et ne fait pas de différence entre un travailliste et un conservateur. Elle rompt avec toutes les règles de la bienséance en participant à Londonderry à la résistance aux forces de police (et notamment les " B specials " si détestés), à coups de briques et de cocktails Molotov. On n'avait jamais vu cela à Westminster.
La presse, dont elle était l'enfant chérie, l'accuse maintenant d'irresponsabilité et d'infantilisme politique. En fait, on ne lui pardonne pas d'avoir démontré que l'action directe pouvait payer.
BERNARD CASSEN
Le Monde du 24 décembre 1969
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