Article de presse: Bataille pour la liberté de l'esprit en URSS
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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Les libéraux ne s'avouèrent pas vaincus.
D'ailleurs Tvardovski avait repris la direction de Novy Mir et, au III e congrès de l'Union des écrivains (18-23 mai 1959), Khrouchtchev vint prononcer un discours assez détendu.
Il s'en prit à la fois à ceux quilaquaient la réalité et à ceux qui la noircissaient mais il invita les autorités à ne pas se montrer trop sévères à l'égard de ceux quis'étaient trompés de bonne foi.
C'est à cette époque qu'apparaissent de jeunes auteurs au ton nouveau : Tendriakov, Aksionov,Kazakhov ou Evtouchenko, Voznessenski, Akkmadouline.
Des jeunes encouragés par un homme dont le nom revient sans cessependant cette période Tvardovski.
Une journee presque heureuse
C'est lui encore qui est à l'origine de l'événement majeur : la publication dans sa revue d'un récit de 67 pages signé par unauteur d'un certain âge mais encore tout à fait inconnu, Une journée d'Ivan Denissovitch.
La journée sans importance, " presqueheureuse ", du paysan Choukhov, arrêté en février 1942 parce que, son unité encerclée par les Allemands, il avait traversé leslignes pour rejoindre l'armée soviétique...
Et il avait été condamné pour espionnage sans jamais comprendre ce qui lui arrivait.Avant de publier cette oeuvre extraordinaire, le premier récit véritable en URSS sur les camps de concentration, Tvardovski avaitdemandé et obtenu le feu vert de Khrouchtchev.
Pourtant, quelques jours après la publication du récit de Soljenitsyne, le même Khrouchtchev, habilement conduit par lesconservateurs, visitait dans la salle du Manège à Moscou l'exposition des artistes soviétiques.
Il fut amené dans la salle où étaientprésentées les oeuvres des non-figuratifs.
Et il réagit avec violence contre les novateurs.
Alors des écrivains de grand renom, dessavants, s'inquiétèrent publiquement et demandèrent au premier secrétaire de ne pas user de méthodes " étrangères à l'esprit denotre temps ".
Mais une nouvelle campagne orchestrée par Ilyitchev, secrétaire du comité central chargé de l'idéologie, étaitlancée contre le modernisme et le formalisme.
Argument suprême des conservateurs qui inspiraient la campagne les novateursrejettent l'autorité du parti.
Khrouchtchev était forcément sensible à un tel argument.
Et il se crut obligé de prendre position, cequ'il fit le 8 mars 1963.
Etonnant discours que celui-là.
Parfois Khrouchtchev y reconnaît ses limites.
Il avoue par exemple qu'il a des goûts plutôtrustiques.
Il aime entendre et peut être chanter l'Internationale ou des chansons de troupe.
Mais, dit-il, " je ne prétends pas quema perception de la musique soit la même pour tous ".
Ce qui ne l'empêche pas de juger et, ce qui est plus grave, de condamner.Dans ce même discours, il est tour à tour paternel, peiné et violent contre ces esthètes " bons à rien qui bouffent le pain dupeuple ".
Il faut donc remettre au pas tous ces gens qui composent des oeuvres que l'homme normal-Khrouchtchev-ne comprendpas.
S'agissait-il vraiment de querelles esthétiques ? Cette crise était politique.
Le premier secrétaire encourageait les libéraux,notamment après le XX e congrès, lorsqu'il avait besoin de leur concours.
Au printemps de 1963, il devait les condamner parce qu'il ne contrôlait plus le mouvement, de même qu'en 1956 la critique du culte de la personnalité lui avait échappé.
L'affaire revint sur le tapis lors de la réunion du comité central du 15 juin 1963 consacrée aux questions idéologiques.Khrouchtchev cette fois encore s'en prit aux libéraux mais il baissa le ton parce qu'il avait d'autres soucis, avec les Chinoisnotamment.
L'offensive antilibérale tourna court.
Ehrenbourg mis en cause peu auparavant poursuivit la publication de sesmémoires.
En août, Tvardovski alla même à la datcha de Khrouchtchev donner lecture de son dernier poème.
Au moment de la chute de M.
" K ", tous les écrivains et artistes contestés par les conservateurs étaient en place etrevendiquaient le droit d'exercer convenablement leur métier.
Quel fut donc le sens de la politique culturelle de Khrouchtchev ?
Peut-on clarifier ces conflits de tendances ? Les victoires des novateurs ont toutes été précaires mais, en fin de compte, ce sonteux et eux seuls qui ont marqué des points.
Par goût esthétique, le premier secrétaire était avec les conservateurs, mais il avaitbesoin des modernes pour lutter contre ses adversaires ou pour faire sa propagande à l'étranger.
Il désavoua avec brutalité ceuxqui allaient plus loin que le chef d'orchestre, mais il ne prit aucune décision, et cette heureuse aboulie favorisa ceux qui avaientquelque talent.
De crise en crise, la zone de liberté des auteurs s'est élargie pendant ces années.
Les termes libéraux, conservateurs, modernistes, etc., sont commodes mais d'une valeur approximative quand il s'agit del'URSS et surtout de la politique de ses principaux dirigeants.
Staline voulait imposer sa ligne à lui.
Ecrivains, artistes, nepouvaient être que les interprètes, les illustrateurs, de sa pensée.
A l'époque khrouchtchévienne, la situation était plus complexe.
Lors des grandes crises, il s'agissait naturellement de replacerles intellectuels sous contrôle.
Mais, fait nouveau, les hommes qui se disputaient le pouvoir ont essayé d'utiliser dans leur propre.
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