ARTICLE DE PRESSE: A Tokyo, les Sept accordent une aide massive à la Russie
Publié le 22/02/2012
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14-15 avril 1993 - C'est avant tout la réaffirmation d'un soutien politique que les ministres des affaires étrangères et des finances des Sept pays industrialisés (1), réunis à Tokyo les 14 et 15 avril, ont apportée aux partisans des réformes en Russie. " Nous assurons le peuple russe de notre soutien pour faire face aux inévitables difficultés de cette période de transition ", affirme le communiqué. Celui-ci détaille une assistance financière multilatérale qui se monte au total à 43,4 milliards de dollars, mais comporte en fait plusieurs programmes déjà annoncés, ainsi que des promesses de crédit.
A la prise de conscience collective de la responsabilité des pays riches sur la catastrophe économique de la Russie a fait pendant, du côté russe, le souci de donner des assurances sur le calendrier des réformes. Le gouvernement russe était représenté à Tokyo par le ministre des affaires étrangère, Andreï Kozyrev, et le vice-premier ministre et ministre des finances, Boris Fiodorov.
Les discussions ont donné lieu à des échanges d'une " grande franchise " fait valoir une personnalité qui assistait à la réunion : " Les Russes ont fait un tableau clair de leur situation économique et financière, des résultats obtenus comme de leurs échecs, qui indique une prise de conscience des problèmes qui n'existait pas auparavant. " On souligne également de même source une nette volonté de concertation.
Trois grandes idées se dégagent de cette réunion : l'aide occidentale doit répondre aux besoins réels du peuple russe, contribuer à la création de conditions efficaces permettant le passage à l'économie de marché et s'organiser en liaison étroite avec Moscou ainsi qu'à travers des consultations permanentes avec les principaux pays et les organisations internationales.
" Cette réunion marque un progrès et peut être considérée comme un succès ", a estimé le ministre français des affaires étrangères, Alain Juppé.
Les Sept ont assorti leur déclaration de soutien politique d'une enveloppe d'engagements d'aide multilatérale d'un montant global de 43,4 milliards de dollars. Un chiffre qui n'a qu'une valeur indicative non seulement parce qu'il amalgame des aides de natures différentes, mais encore parce qu'il comprend une partie des 24 milliards de dollars annoncés au printemps de 1992 (2) ainsi que le rééchelonnement de la dette russe décidé le 2 avril par le Club de Paris (15 milliards de dollars), qui ne concerne cependant pas seulement les Sept, mais dix-neuf pays.
Parmi les actions multilatérales proposées, les Sept encouragent une nouvelle fois la réalisation du plan de stabilisation du rouble, de 6 milliards de dollars, financé par le Fonds monétaire international (FMI). Le fonds de restructuration et de privatisation de 4 milliards de dollars, inopinément proposé par les Américains, n'a pas encore été adopté, pas plus qu'un autre fonds destiné à la dénucléarisation (cette question doit être abordée au niveau bilatéral). En revanche, dans le souci de s'attaquer aux problèmes concrets et d'éviter les gaspillages, les Sept ont encouragé un soutien aux petites et moyennes entreprises par le biais d'un fonds de 300 millions de dollars géré par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), ainsi qu'une aide aux entreprises productrices d'énergie.
Au-delà de la valse des montants, dont l'addition aboutit le plus souvent à un effet trompeur, la réunion du G7 avait essentiellement pour objectif de démontrer le soutien politique des nations industrialisées au président Eltsine et aux réformateurs.
Les Sept sont d'accord sur l'analyse de la situation en Russie et des risques (hyperinflation, pénurie et insécurité) qu'elle présente pour la stabilité mondiale, comme l'a souligné dans son discours d'ouverture le premier ministre japonais Kiichi Miyazawa. Ils sont en outre conscients que la population russe ne ressent pas les effets des grands programmes d'assistance. Ils souhaitent donc être plus concrets et, si possible, disposer sinon de mécanismes de contrôle de l'économie russe, du moins d'instruments de coordination des actions.
Il est impératif, estiment-ils, de juguler la création monétaire, source d'hyperinflation, ce qui suppose une reprise en main par le gouvernement de la banque centrale, avant de mettre en place un fonds de stabilisation du rouble.
Un contraste est apparu, d'entrée de jeu, dans l'attitude des différents pays. Si tous sont d'accord pour penser que l'élément déterminant sera le référendum du 25 avril ( " Il faut coller à la réalité russe, c'est à eux de se déterminer et en fonction de leur choix, les Sept doivent réagir ", souligne-t-on de source française), les Américains ont semblé saisis d'une " fièvre russe " que ne partageaient pas leurs partenaires. Les Européens paraissaient plus réservés et les Japonais, soumis à de fortes pressions de Washington, restaient méfiants. L'Allemagne et la France se sont notamment opposées à une proposition des Américains de procéder à un tour de table pour annoncer les montants d'aide.
La proposition inopinée des Américains de la création du fonds pour la privatisation a en outre irrité les Japonais, qui venaient d'annoncer une aide bilatérale de 1,8 milliard de dollars et se voyaient conviés à participer à une nouvelle action concoctée sans qu'ils aient été consultés lors du sommet entre Américains et Russes à Vancouver. " Le Japon ne peut dire oui à toutes les demandes d'un enfant capricieux, caracolant en avant des autres ", commentait, acerbe, le journal Asahi, qui souligne par ailleurs que les Européens, en particulier les Français et les Allemands, sont restés en retrait au cours de cette réunion et ont semblé surtout soucieux de leurs problèmes internes. " La France, note le quotidien, a paru bien prudente et le président français, si sourcilleux sur ses prérogatives diplomatiques, est bien silencieux depuis la défaite électorale. " Les Français ont insisté auprès de leurs partenaires sur la nécessité de ne pas faire perdre la face aux Russes. Un sentiment qui n'est pas toujours partagé. En ce qui concerne le sommet extraordinaire des chefs d'Etat avant la rencontre programmée de juillet, la France a insisté pour que cette hypothèse soit " gardée à l'esprit ". Ses partenaires estiment que ce sommet extraordinaire n'aurait de raison d'être que si un changement important intervenait en Russie.
Au cours de leurs entretiens en marge du sommet proprement dit, les ministres des affaires étrangères ont notamment évoqué la question de la Yougoslavie. Ils ont préconisé que, à la suite du référendum russe, le Conseil de sécurité de l'ONU envisage des sanctions plus dures à l'égard de Belgrade. La Russie serait alors, semble-t-il, disposée à faire preuve de compréhension lors de l'adoption de cette résolution.
PHILIPPE PONS - Le Monde du 16 avril 1993
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