Article de presse: a rafle du Vel' d'Hiv'
Publié le 22/02/2012
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16-17 juillet 1942 - Lorsque, au petit matin du 16 juillet 1942, la police française et la gendarmerie commencèrent la grande rafle des juifs étrangers de Paris et de la région parisienne, des familles entières furent emmenées au Vélodrome d'Hiver. Quand il leur fallut vivre là des jours atroces et qu'enfin le piège se referma, tous comprirent que la loi ne les protégeait plus, que la machine administrative finirait par les broyer et qu'ici, dans le quinzième arrondissement de Paris, entre la rue Nélaton et le boulevard de Grenelle, c'était une agonie qui commençait. Il ne s'agissait plus d'obéir aux règlements racistes, de coudre bien serrée son étoile de David, le seul fait de s'appeler Fellmann ou Pytkowicz était devenu illégal.
La besogne a été scrupuleusement préparée. Le 10 juillet, une conférence a réuni le chef de la gestion antijuive de la Gestapo, Dannecker, et son adjoint, Heinrischsohn, du côté allemand, et, du côté français, Darquier de Pellepoix et Jean Leguay principalement, pour organiser l'opération appelée, à l'échelon du Reich, " Vent printanier ". Paris doit " fournir " vingt mille juifs. Cela demande un tel déploiement de forces que les Allemands devraient y renoncer sans l'aide de la police et de la gendarmerie françaises. Le 15 juillet, sur ordre de René Bousquet, secrétaire général de la police de Vichy, et à l'aide du fichier des juifs, le préfet de police de Paris mobilise les effectifs de commissariat auxquels viendront se joindre de jeunes doriotiste bénévoles. Le secret est assez bien gardé. A peine si quelques rumeurs circulent.
A la veille de la rafle, un tract de l'Union des juifs pour la résistance et l'entraide (UJRE) prévient que " quelque chose doit se passer ". Mais quoi ? Et qui penserait alors à un danger mortel ? Des gens avertis ne bougeront pas de chez eux.
D'autres mettront du temps, trop de temps, à réagir. Pourquoi, se dit-on, arrêteraient-ils des femmes et des enfants sans défense ? A quoi cela servirait-il ?
Vers 18 heures, le Vel' d'Hiv' est plein. Environ treize mille personnes entassées sans hygiène, sans nourriture ou presque, sous la verrière qui chauffe, dans la rumeur qui monte des voix angoissées. Les uns sont abattus, les autres hagards, cinq personnes se donnent la mort et une femme accouche dans la cohue.
Quelques-uns parviennent à s'échapper. Parmi eux, Louis, quatorze ans. Sa mère le retient : " Où vas-tu seul dans Paris? " Mais son père, l'émigré de l'Est, pressent le danger : " Va-t-en, si tu peux. " Alors Louis dit adieu à ses parents, à sa soeur Fanny, qu'il ne reverra plus, et, au moment où des femmes en colère forcent le barrage des gendarmes pour aller demander de l'eau dans un magasin de la rue Nélaton, le jeune Pytkowicz réussira à s'enfuir. Plus tard des Français, en l'hébergeant, lui sauveront la vie. Mais la plupart sont restés là, blottis les uns contre les autres.
Le 22 juillet, le Vel' d'Hiv' est vide. Tous les raflés sont partis pour Drancy ou des camps de travail d'où ils ont été déportés vers la Pologne. Mais c'est en plein Paris que, pour eux, l'horreur s'est installée. On avait commencé à y traiter des innocents comme du bétail. Là il n'y eut plus de pudeur, de pitié. C'était l'entrée du monde concentrationnaire sous bonne garde française.
CHRISTIAN COLOMBANI
Le Monde du 14 juillet 1982
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