Appien, Histoire romaine (extrait)
Publié le 13/04/2013
Extrait du document
Au Ier siècle av. J.-C., les institutions de la Rome républicaine sont mises à mal par des guerres civiles successives. Sylla et Marius, les premiers, entraînent la République dans une première guerre civile en 88 av. J.-C. À la tête de ses troupes, le chef du parti aristocratique Sylla entre dans Rome, se fait nommer dictateur et réforme le Sénat dont il renforce les pouvoirs. Au IIe siècle apr. J.-C., l’historien Appien rend compte de ces événements dans les premiers livres de son Histoire romaine.
Histoire romaine d’Appien (livre premier)
Sylla sortit de la Ville et donna l’ordre au Sénat de nommer ce qu’ils appellent un interroi. Ils choisirent Valerius Flaccus dans l’espoir qu’il ferait procéder à l’élection des consuls. Mais Sylla lui adressa un message : il lui faisait savoir que lui, Sylla, estimait présentement utile pour la cité de nommer cette sorte de magistrat qu’ils appellent dictateur — on avait cessé d’en nommer depuis quatre cents ans (?). Ils seraient d’accord pour le nommer, selon son commandement, non pas pour un temps fixé à l’avance, mais jusqu’au rétablissement de la Ville, de l’Italie et de la république secouées par les discordes et les guerres. Il n’était pas douteux que cet avis se rapportait à Sylla ; d’ailleurs il ne s’en cachait pas et, à la fin de sa lettre, il déclarait qu’à son avis il rendrait de grands services à la Ville dans cette charge.
Telle fut la lettre de Sylla. Comme les Romains ne pouvaient procéder à aucune élection dans les formes légales et se rendaient compte qu’ils n’en avaient pas la possibilité, ils accueillirent ce pseudo-vote comme une image et une fiction de la liberté, dans l’embarras où ils se trouvaient. C’est ainsi qu’ils élirent Sylla, selon ses désirs, avec un pouvoir tyrannique. Le pouvoir des dictateurs est en effet celui d’un tyran, mais, autrefois, il était limité à peu de temps. Devenu alors, pour la première fois, illimité, il fut vraiment celui d’une tyrannie… Cependant Sylla feignit de conserver les anciennes institutions et il chargea le peuple d’élire des consuls. Furent élus Marcus Tullius et Cornelius Dolabella ; mais, comme un roi, Sylla fut dictateur et les consuls lui furent subordonnés. Il faisait porter devant lui vingt-quatre faisceaux ainsi que le faisaient les anciens rois ; il était de plus entouré d’une garde nombreuse. Il abrogea des lois et en édicta de nouvelles. Il interdit d’accéder à la préture avant d’avoir géré la questure ; d’obtenir le consulat avant d’avoir été préteur ; il s’opposa à la réitération du consulat avant un délai de dix années pleines. Il diminua également les pouvoirs des tribuns de la plèbe qu’il rendit très faibles ; il interdit en outre par une loi la possibilité pour les tribuns de la plèbe de briguer aucune autre magistrature. C’est pourquoi tous les gens en vue ou bien nés qui se disputaient jadis cette magistrature s’en détournèrent. Mais je ne puis dire raisonnablement si Sylla transféra cette charge du peuple au Sénat comme cela est maintenant, ou non. Pour ce qui est du Sénat, comme il avait perdu un grand nombre de ses membres par suite des guerres tant civiles qu’extérieures, il le compléta en y faisant entrer environ trois cents chevaliers pris parmi les meilleurs ; il fit ratifier ces nominations individuellement par un vote des tribus. Il augmenta le peuple de plus de dix mille esclaves de proscrits — les plus jeunes et les plus vigoureux — qu’il affranchit, leur donnant la cité romaine ; il les appela Cornelii d’après son nom. Il disposait ainsi dans le peuple de dix mille hommes prêts à lui obéir. Pour créer une situation semblable en Italie, il partagea entre les soldats des vingt-trois légions qui avaient combattu sous ses ordres, comme je l’ai dit plus haut, de vastes terres dans les cités d'Italie : soit des terres du domaine de l’État qui n’avaient pas été encore loties, soit des terres confisquées aux cités en guise d’amende.
Source : Rougé (Jean), les Institutions romaines, Paris, Armand Colin, coll. « U 2 «, 1969.
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