A un mendiant aveugle, rapporte Roger Caillois dans son Art Poétique, à qui les passants ne donnaient presque rien, un inconnu fit soudain gagner beaucoup d'aumônes, en remplaçant simplement sur sa pancarte « aveugle de naissance » par « le printemps va venir, je ne le verrai pas ». « Voilà, commente l'auteur, le début de la littérature. » Vous partirez de cette anecdote pour réfléchir sur ce qui différencie la littérature de l'information.
Publié le 17/01/2022
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La seconde pancarte du mendiant aveugle gagne son efficacité du fait qu'elle met en jeu un pathétique que ne pouvait soulever une simple définition (« aveugle de naissance «). La formulation suppose une opposition entre la gaîté du printemps et la tristesse de l'aveugle. La situation est exprimée sous une forme quasi poétique.
On opposera l'intérêt simplement anecdotique d'un roman (ce qu'on appelle ici « l'information «) à son intérêt littéraire. Il faudra donc élargir la perspective, puisqu'il s'agissait seulement du roman, alors qu'ici il est question de toute la littérature. On prendra des exemples dans la poésie, dont le sujet peut parfois être très réduit. Il existe bien une poésie qui « informe « (poésie de circonstance, didactique, poésie « engagée «), mais d'autres vers sont purement « gratuits « (cf. les poèmes du Parnasse, de Mallarmé...). Ce n'est pas sur des critères d'utilité qu'on juge la poésie. Le premier but de la littérature ne réside pas dans l'information, comme semblerait l'indiquer l'anecdote rapportée par Roger Caillois, mais avant tout dans la création d'une forme de beauté.
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