Règle de Saint Augustin
Publié le 07/02/2023
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«
Règle de saint Augustin
Saint Augustin remet aux moines et aux moniales de Murbach la Règle de vie
tirée de son enseignement.
Codex Guta-Sintram, manuscrit du Grand
Séminaire de Strasbourg, XIIe siècle.
(photo : Artephot)
La Règle de saint Augustin est placé en exergue du Livre des Constitutions et
Ordinations de l'Ordre des Frères Prêcheurs .
Si la Règle n'est pas
suffisamment détaillée aujourd'hui pour organiser véritablement la vie des
religieux, elle en donne cependant l'esprit.
Entre autres traits
caractéristiques de cette Règle, on remarquera l'adage « À chacun selon ses
besoins » qui revient souvent et qui caractérise la vie des apôtres dans les Actes des Apôtres.
Plus
profondément, c'est la miséricorde qui oriente la vie de la communauté, le pardon et l'entraide
mutuelle.
La Règle de saint Augustin fait de chacun le gardien de ses frères, pour que nous ne
commettions pas à nouveau la faute de Caïn (voir Gn 4,9).
Avant tout, frères très chers, aimons Dieu, aimons le prochain: ce sont les commandements qui nous sont
donnés en premier (1).
1.
Mt 22, 35-40.
De la charité et de la vie commune
[I] Et voici mes prescriptions sur votre manière de vivre dans le monastère.
Tout d'abord, pourquoi êtes-vous réunis (2) sinon pour habiter ensemble dans l'unanimité (3), ne faisant
qu'un coeur et qu'une âme (4) en Dieu.
Ne dites pas « ceci m'appartient »; mais que, pour vous, tout soit en commun (5).
Que votre supérieur
distribue à chacun (6) le vivre et le couvert (7) non pas selon un principe d'égalité -- ni vos forces ni vos
santés ne sont égales -- mais bien plutôt selon les besoins de chacun (8).
Lisez en effet les Actes des
Apôtres: pour eux tout était en commun, et l'on distribuait à chacun selon son besoin (9).
2.
Mt 18, 20; Jn 11, 52; 17:
3.
Ps 67, 7 ...Deus qui habitare facit unanimes in domo...;
4.
Act 4, 32.
;
5.
Act 2, 44; 4, 32.;
6.
Act 4, 35.
;
7.
1 Tim 6,8 ...habentes autem victum et tegumentum his contenti sumus...
cf Deut 10, 18.;
8.
Act 2, 45; 4, 35.
;
9.
Act 2, 44-45.
De l'humilité
Ceux qui possédaient quelque chose quand ils sont entrés au monastère doivent accepter volontiers que
tout cela soit désormais commun.
Ceux qui n'avaient rien n'ont pas à chercher dans le monastère ce qu'au
dehors ils n'avaient pu posséder.
Qu'on leur donne toutefois ce que requiert leur mauvaise santé, même si
auparavant leur pauvreté les empêchait de se procurer le nécessaire.
Mais alors qu'ils ne félicitent pas d'avoir trouvé vivre et couvert (10), qu'ils n'auraient pu trouver tels au
dehors! Qu'ils n'aillent pas orgueilleusement tête haute (11) parce qu'ils ont désormais pour compagnons
des gens qu'auparavant ils n'auraient pas osé approcher: que leur coeur plutôt s'élève (12), sans chercher
les vanités de la terre (13).
Les monastères n'auraient d'utilité que pour les riches et non pour les pauvres,
s'ils devenaient lieu d'humble abaissement pour les premiers, d'enflure pour les autres (14).
De leur côté ceux qui étaient antérieurement des gens considérés (15) ne seront pas dédaigneux à l'égard
de leurs frères venus de la pauvreté dans cette société sainte.
S'ils cherchent à se glorifier, que ce ne soit
pas de la richesse et du prestige de leur parenté, mais bien plutôt d'habiter en compagnie de frères pauvres.
Qu'ils ne se vantent pas d'avoir tant soit peu contribué de leur fortune (16) à la vie commune; avoir distribué
leurs richesses dans le monastère ne devrait pas leur causer plus d'orgueil que d'en jouir dans le monde.
Tout autre vice se déploie en faisant faire le mal; mais l'orgueil, lui, s'attaque même au bien que l'on fait, pour
le réduire à néant.
À quoi sert de distribuer ses biens aux pauvres (17), de se faire pauvre soi-même, si
l'âme dans sa misère devient plus orgueilleuse de mépriser les richesses qu'elle ne l'était de les posséder?
Vivez donc tous dans l'unanimité (18) et la concorde, et honorez mutuellement en vous Dieu, dont vous avez
été faits les temples (19).
10.
cf supra note 7.
11.
erigere cervicem, expression de l'AT et fréquemment employée par s.
Augustin pour désigner l'orgueil.
12.
Col 3, 1-2.
13.
Phil 3, 19.
14.
1 Cor 5, 2; 13, 4.
15.
Gal 2, 2.
16.
Tob 1, 19; Lc 8, 3; 1 Cor 13, 3.
17.
Ps 111, 9; Lc 18, 22; 1 Cor 13, 3.
18.
Act 1, 14; 2, 46; Rom 15, 6.
19.
Cor 6, 16 ...Nos enim templa Dei vivi sumus...; cf 1 Cor 3, 16.
De la prière et de l'office divin
[II] Soyez assidus aux prières (20), aux heures et aux temps fixés.
Puisque l'oratoire est par définition un
lieu de prière, qu'on n'y fasse pas autre chose.
Si l'un ou l'autre, en dehors des heures fixées, veut profiter
de son loisir pour y prier, qu'il n'en soit pas empêché par ce qu'on y prétendait faire.
Quand vous priez Dieu avec des psaumes et des hymnes (21), portez dans votre coeur ce que profèrent vos
lèvres (22).
Ne chantez que ce qui est prescrit; ce qui n'est pas indiqué pour être chanté ne doit pas être
chanté.
20.
Col 4, 2; Rom 12, 12.
21 Eph 5, 19.
22.
Mt 12, 34.
Du jeûne et de la lecture de table
[III] Domptez votre chair par le jeûne et l'abstinence dans la nourriture et la boisson, autant que la santé le
permet.
Celui qui ne peut pas jeûner doit à tout le moins ne pas prendre de nourriture en dehors de l'heure
des repas, sauf en cas de maladie.
À table, jusqu'à la fin du repas, écoutez la lecture d'usage sans bruit et sans discussions.
Que votre bouche
ne soit pas seule à prendre nourriture; que vos oreilles aussi aient faim de la parole de Dieu (23).
Affaiblis par leur ancienne manière de vivre, certains peuvent avoir un régime spécial; ceux que d'autres
habitudes ont rendus plus robustes ne doivent pas s'en chagriner, ni voir là une injustice.
Qu'ils n'estiment
pas ceux-ci plus heureux de recevoir ce qu'eux-mêmes ne reçoivent pas; qu'ils se félicitent plutôt d'avoir plus
de force physique que les autres.
Si ceux qui sont passés d'une vie plus raffinée au monastère reçoivent, en
fait de nourriture, de vêtements et de couvertures, un peu plus que les autres, plus vigoureux et donc plus
heureux, ces derniers doivent songer à la différence de niveau qui sépare la vie mondaine que leurs
compagnons ont quittée et celle du monastère, lors même qu'ils n'arrivent pas à la frugalité des plus
robustes.
Tous ne doivent pas réclamer le supplément accordé à quelques-uns non comme marque
d'honneur mais par condescendance.
Ce serait vraiment un lamentable renversement des choses si dans un
monastère, où les riches font tous les efforts possibles, les pauvres devenaient des délicats.
23.
Amos 8, 11; Mt 4, 4.
Du soin des malades
On donne moins aux malades, pour ne pas les charger.
Aussi doivent-ils être spécialement traités ensuite
pour se rétablir plus rapidement, fussent-ils originaires de la plus humble condition; leur récente maladie leur
laisse les mêmes besoins qu'aux riches leur genre de vie antérieur.
Une fois leurs forces réparées, qu'ils
reviennent à leur plus heureuse façon de vivre, celle qui convient d'autant mieux à des serviteurs de Dieu
qu'ils ont moins de besoins.
Redevenus bien portants, qu'ils ne s'attachent pas par mollesse à ce que la
maladie avait rendu nécessaire.
Mieux vaut en effet moins de besoins que plus de biens.
De la garde de la chasteté
[IV]
Pas de singularités dans votre tenue; ne cherchez pas à plaire par vos vêtements, mais par votre
manière de vivre.
Si vous sortez, marchez ensemble; à l'arrivée, restez ensemble.
Dans votre démarche, votre maintien, tous
vos gestes, n'offensez le regard de personne; mais que tout s'accorde avec la sainteté de votre état.
Que votre regard ne se fixe sur aucune femme.
En vos allées et venues, il ne vous est pas défendu de voir
des femmes; ce qui est coupable, c'est le désir que l'on accepte en soi, ou que l'on voudrait provoquer chez
autrui.
La convoitise s'éprouve et se provoque non seulement par un sentiment secret, mais aussi par ce
que l'on manifeste.
Ne dites pas: mon coeur est chaste si vos yeux ne le sont pas.
L'oeil impudique dénonce
le coeur impudique (24).
Quand, même sans paroles, l'échange des regards manifeste l'impureté des
coeurs, chacun se complaisant en l'autre selon la concupiscence de la chair (25), les corps ont beau
demeurer intacts de toute souillure, la chasteté, quant à elle, est en fuite.
Celui qui fixe ses regards sur une femme et se complaît à se savoir regardé par elle ne doit pas s'imaginer
qu'on ne le voit pas lorsqu'il agit ainsi: il est parfaitement vu de ceux dont il ne se doute pas.
Mais passerait-il
inaperçu et ne serait-il vu de personne, que fait-il de Celui qui d'en-haut lit dans les coeurs (26), à qui rien ne
peut échapper? Doit-on croire qu'Il ne le voit pas, parce que sa patience est aussi grande que sa
perspicacité? Que l'homme consacré craigne donc de Lui déplaire (27), et il ne cherchera pas à plaire
coupablement à une femme.
Qu'il songe que Dieu voit tout, et il ne cherchera pas à regarder coupablement
une femme.
Car c'est précisément en cela que la crainte de Dieu est recommandée par l'Écriture: qui fixe
son regard est en abomination au Seigneur (28).
Quand donc vous êtes ensemble, à l'Église, et partout où il y a des femmes, veillez mutuellement sur votre
chasteté; car Dieu qui habite en vous (29), par ce moyen même veillera (30) par vous sur vous.
24.
Mt 5, 28.
25.
Jn 2, 16.
26.
Prov 24, 12.
27.
Prov 24, 18.
28.
Prov 27, 20 a, selon les Septante.
29.
1 Cor 3, 16; Rom 8, 9.
11.
30.
custodiet, cf psautier, passim.
De la correction fraternelle
Si vous remarquez chez l'un d'entre vous cette effronterie du regard dont je parle, avertissez-le tout de suite,
pour empêcher le progrès du mal et amener un amendement immédiat.
Mais si après cet avertissement, ou
un autre jour, vous le voyez recommencer, c'est comme un blessé à guérir qu'il convient de le dénoncer.
Toutefois, prévenez d'abord un ou deux autres (31) pour qu'on puisse le convaincre par le témoignage de
deux....
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