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Les Romains

Publié le 27/02/2008

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romains
         Si Rome ne doit qu'à elle-même le développement de son imagination politique, elle doit à l'influence grecque son éveil à la culture et les premières manifestations valables de son existence littéraire. Tout ce que nous soupçonnons de ses origines intellectuelles ­ chants religieux, nuptiaux ou funéraires, éloges héroïques, actes et discours juridiques, tendances au drame, d'origine rituelle ou populaire ­ fut de très bonne heure recouvert et transfiguré par l'apport hellénique. On a reproché aux lettres latines, en prenant prétexte de cette imitation, leur défaut d'originalité, mais il faut déjà noter à l'actif d'une collectivité plus portée d'instinct à l'observation des réalités concrètes et à l'action pratique qu'à la spéculation pure ou à l'imagination des mythes, le fait qu'elle commença d'assimiler la nouvelle culture à un moment où ses voisins s'avéraient incapables d'en apprécier la valeur. Elle apporta même à la faire sienne une hâte louable qui témoigne d'une curiosité comparable à celle qui saisit les Français de la fin du XVe siècle au spectacle de la civilisation italienne.   
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« avec l'âge d'or du classicisme latin.

C'est le temps de Virgile L234 , d'Horace L097 , de Tite-Live L223 , écrivains officiels, “ engagés ” dirions-nous, au service d'un chef dont ils glorifient l'œuvre de reconstruction nationale, tout en sachant, en dépit des directives officielles et des exigences dumécénat, demeurer eux-mêmes non seulement par leur conscience artistique et le respect de leur personnalité, mais aussi et surtout grâce à laconviction profonde qu'ils ont de servir une grande cause et de faire justement éclater aux yeux du monde la primauté de l'idéal romain.

Et c'est làtout le miracle de leur réussite : les poèmes champêtres et l' Énéide de Virgile, L234C l'œuvre d' Horace L097 , l'histoire de Tite-Live L223M1 sont autant de monuments où le génie transcende l'idée qui les a inspirés et dans lesquels achève, au surplus, de s'affirmer l'originalité de l'espritnational.

Neuf cents ans après Homère L095 , Virgile L234 dote son pays d'une épopée qui est à la fois le chef-d'œuvre de sa littérature et la charte de sa noblesse, tandis qu' Horace L097 fait passer en lui tous les souffles du lyrisme, et que Tite-Live L223 achève de fixer les traits de son âme sur les tables de son Histoire .

Tout n'atteint pas cette perfection ni cet équilibre dans la production littéraire du Principat et du règne d' Auguste P027 .

Nous pouvons en juger par l'apport de la génération formée durant les quinze années qui séparent le Principat de l'Empire.

Le temps des enthousiasmes est révolu ; l'œuvred'Auguste P027 stagne dans les faux-semblants et l'indifférence ; et, si les cercles de culture s'élargissent du fait de la paix, de l'inertie sociale et de l'enrichissement général, les écrivains se soumettent de plus en plus aux élégances du monde.

La prose se perd dans les artifices de la rhétorique ;la poésie, de plus en plus pénétrée d'alexandrinisme, devient affaire de cénacles et pèche par l'excès même de son art.

Quelles que soient lasincérité d'un Tibulle L1905 ou d'un Properce L1730 et la qualité de leur apport à l'élégie latine, on n'en déplore pas moins, à tout instant, la fadeur de l'un et la complication de l'autre.

Préciosité, emphase, étalage d'érudition, abus de la galanterie, goût excessif de l'esprit, sont autant de traitsd'époque qui entachent également l'œuvre d' Ovide L157 , type parfait du bel esprit de cour et de salon, qui ne sera sauvé du badinage que par l'épreuve de l'exil.

Telle apparaît la littérature du temps d' Auguste P027 , riche des plus belles créations nationales, mais déjà marquée par les signes d'une décadence dont les effets ne se feront d'ailleurs pas sentir tout de suite.

Entre l'avènement de Tibère P2646 et la mort de.

Néron P247 , de 14 à 68 apr.

JC, la Société se transforme par l'intrusion d'une foule d'affranchis venus de l'Orient et des provinces occidentales, et la littérature se teinte de cosmopolitisme.

L'enseignement oratoire demeure à la base de touteformation intellectuelle et, s'il est responsable d'une mode fâcheuse, celle des déclamations et des récitations publiques, il a au moins deuxavantages : il donne aux jeunes gens, dès l'école, une culture générale, sinon très actuelle, du moins d'assez bon aloi ; il ramène à une sorte d'unitéla multiplicité des tendances et des apports ethniques.

Mais, en même temps, l'âme romaine, au contact de tant d'apports nouveaux, s'enrichit ets'affine ; elle se montre avide, surtout, de trouver dans la connaissance philosophique et le mystère des cultes orientaux une réponse à sesinquiétudes morales.

La littérature apparaît à la fois d'inspiration individualiste et de portée universelle.

En outre, comme il est naturel dans unmonde irrigué de courants si divers, les formes littéraires varient plus que jamais.

A côté des imitations d'œuvres classiques qui continuent depulluler, les meilleures productions du temps témoignent au moins d'une égale volonté novatrice, qu'il s'agisse de la quête spirituelle deSénèque L198 , de la prédication hermétique de Perse, de l'effort d'un Lucain pour rajeunir l'épopée, ou de celui d'un Pétrone L166 pour introduire à Rome un genre neuf, celui du roman, avec son Satyricon L166M1 , dont l'affabulation “ picaresque ” sert de prétexte à une volonté de caricature qui n'épargne pas plus les auteurs à la mode que les parvenus ridicules.

Car Pétrone L166 est un classique, annonçant déjà, comme tel, la réaction générale qui va se manifester, à partir de la mort de Néron P247 jusqu'à celle de Trajan P2672 , contre les innovations de l'époque claudienne.

Si l'on met à part quelques brèves périodes comme la guerre civile qui suivit la disparition de Néron P247 , et le règne de Domitien P1490 , Rome connaît sous les Flaviens et les premiers Antonins, Nerva P2216 et Trajan P2672 , un temps de renouveau à quoi répond, dans la littérature, un retour au classicisme.

Une nouvelle société, de bonne souche provinciale, débarrassée de la double tutelle des vieux aristocrates et des affranchis,fonde son attitude morale sur l'observance des vertus républicaines, à la faveur d'un libéralisme qui n'est dans l'esprit des empereurs qu'unehabileté politique mais qui n'en favorise pas moins une résurrection de la conscience nationale.

C'est dans cet esprit que s'opère la réactionclassique.

Quintilien L1741 , continuateur de Cicéron L043 , fait figure de chef de file, et donne le ton aux prosateurs, en particulier à Pline le Jeune L1720 que sa spontanéité naturelle ne sauve qu'à moitié de l'emprise rhétorique.

Les poètes apparaissent, en dépit de quelques beaux accents, comme de simples écoliers de Virgile L234 .

Et, seuls, s'imposent, en fin de compte, Martial L1594 , Juvénal L108 et Tacite L214 , parce qu'ils possèdent, avec de réelles qualités personnelles et une solide formation latine, ce don de la satire et cette imagination réaliste qui comptent parmiles traits fondamentaux du tempérament romain.

Et si Martial L1594 le cède à Juvénal L108 pour le don de forcer les âmes et la vigueur satirique, Tacite L214 triomphe du second, sinon par l'âpreté, du moins par la façon plus directe et plus saisissante dont il fouaille les personnages, foules ou individus qui animent ses récits.

Car ce n'est pas tant la véracité de Tacite L214 ni sa méthode historique qui nous intéressent aujourd'hui, que ses intuitions de psychologue et de moraliste, son pessimisme hautain rehaussé parfois d'une sorte d'humour noir, sa puissance d'expression etsurtout ce sens de la peinture dramatique qui faisait l'admiration de Racine L178 .

Mais nous sommes désormais parvenus au stade de la décadence ; les lettres latines profanes ont produit leursderniers chefs-d'œuvre.

Durant les IIe et IIIe siècles, sous la dynastie antonine et jusqu'à la naissance de lalittérature chrétienne, l'esprit latin s'affaiblit dans la société.

C'est aussi le moment où tous les germes dedessèchement et de déséquilibre qui menacent depuis longtemps la pensée nationale l'abus du formalisme et del'érudition, le recours obstiné à des thèmes rebattus, la tentation de la recherche littéraire qui pousse les écrivainsvers les salons et les chapelles, partant, un divorce croissant entre les lettrés et la masse du peuple achèvent dedésagréger une littérature qui paie ainsi lourdement le tribut de ses conquêtes.

Plus rien en elle ne répond désormaisaux réalités du temps, et, s'il est donné aux auteurs chrétiens, dès l'époque antonine et surtout à partir du IVe siècle, de redorer le prestige de Rome, c'est sans doute qu'ils se présentent moins comme des artistes que commeles champions d'une littérature militante.

Cet ultime sursaut de la latinité coïncide par malheur avec l'écroulement del'Empire d'Occident.

Mais, outre que la langue latine ne disparaît pas et conserve ses droits de langue littéraire etsavante jusqu'au XVIIe siècle, la pensée latine elle-même continue de survivre à ses défaillances.

Moins que jamaisparmi la conjuration des forces qui tentent de nous arracher à nos origines, nous ne devons oublier ni ce que lui doitnotre culture nationale, ni le rôle essentiel qu'elle n'a jamais cessé de jouer dans l'histoire de notre humanismeoccidental.. »

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