LE CONCILE Vatican ii
Publié le 02/12/2018
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LE CONCILE
Vatican ii
Les années soixante sont celles de tout un bouillonnement d’idées, de la naissance puis de l’aboutissement d’un désir de renouveau et bientôt de contestation. En France, le résultat sera mai 1968 qui sera bien plus un «signe» social qu’une révolution à proprement parler; et tout reviendra apparemment dans l’ordre même si, des années après, le pays en restera marqué. Dans l’Église catholique, on assiste depuis quelques années, depuis Pie XII, et même Pie XI, à un souhait de changements, de rapprochement avec le monde, afin de mieux s’adapter à une société en pleine évolution. Il fallait que «le vin nouveau fasse éclater les vieilles outres», et ce fut le concile. Ce devait être un courant d’air afin d’aérer la maison; ce fut une tempête qui faillit l’emporter.
Le 25 janvier 1959, les journaux annoncent en gros caractères: «Le pape Jean XXIII va convoquer un concile.» Un concile, c’est une assemblée générale de tous les évêques du monde et de tous les supérieurs des congrégations religieuses, afin de prendre un certain nombre de décisions, suivant l’ordre du jour et sous l’autorité du pape. Le dernier concile, Vatican I, en 1870, avait affirmé la primauté pontificale et même, en certains cas, son «infaillibilité». Vatican I avait réuni 704 «Pères», tous de race blanche, Européens en majorité, qui avaient confirmé que l’Église catholique n’est pas une démocratie mais repose sur un système pyramidal dont la clé de voûte est le pape.
L’annonce d'un concile surprend, venant de Jean XXIII. Ce pontife d’apparence bonhomme, âgé, est considéré comme un «pape de transition», conduisant les affaires courantes. Pourtant, après seulement trois mois de règne, il déclare que «l’Église ne doit pas se
replier sur elle-même, mais aller de l’avant et présenter l’éternelle vérité aux hommes d’aujourd’hui dans un langage qui les atteigne». Tout cela est résumé dans un mot qui fera fortune : l'aggiornamento. Il faut préciser enfin que ce concile devra être «pastoral» et non pas «doctrinal», c’est-à-dire que l’on traitera des grandes définitions concernant les rapports de l’Église avec son temps, mais qu’il ne s’agira que d'indications générales non contraignantes et ne s’imposant que comme mode d’emploi. La doctrine, c’est-à-dire le fond, le dogme, n’est pas concernée. Il faut d’abord savoir de quoi il sera question: pendant près de quatre ans les bureaux (curie romaine, commissions, secrétariats) rédigent des textes (les «schémas») relatifs à tous les aspects de la vie chrétienne. Les cardinaux puis les évêques sont consultés: les réponses sont... partagées, notamment de la part des cardinaux italiens. On aboutit à une masse de documents, alors que le concile ne doit durer, pense-t-on, que quelques semaines. Les évêques, d’ailleurs, plus «pasteurs» que «docteurs», ne souhaitent pas s’éloigner trop longtemps de leurs diocèses. En fait, le concile va se prolonger pendant plus de trois ans !
La machine conciliaire
Le 11 octobre 1962 s’ouvre le concile en la basilique Saint-Pierre. Dans son discours inaugural, Jean XXIII déclare qu’il ne s’agit pas de condamner ou de répéter une doctrine que tout le monde connaît, mais de bâtir, de proposer un message qui s’adapte au monde. Assis à des places numérotées, il y a là environ 2 300 Pères conciliaires, essentiellement des évêques mais aussi des patriarches, des supérieurs d’ordres. Pour les Orientaux, quelques tiares, et les évêques portent la grande mitre blanche. L’Église s’est internationalisée: sans doute 38 % d’Européens (dont 15 % d’Italiens) mais encore 31 % d’évêques venus des deux Amériques, 21 % d’Asie et d’Océanie, 10 % d’Afrique. En revanche, bien peu de représentants des pays de l’Est européen, aucun de Chine, du Viêt-nam du Nord, d’Albanie. Il faut y ajouter une quantité de théologiens et d’experts (environ quatre cents) et beaucoup d’observateurs des confessions chrétiennes non catholiques. Plus de deux cents journalistes suivent régulièrement les travaux.
L’outil de travail, ce sont les schémas qui ont été préparés: quand un évêque veut intervenir, il doit s’inscrire et dispose de dix minutes pour présenter son amendement. La langue officielle est le latin (et ce ne sera pas facile pour tous!). Un rapporteur répond aux exposés, et il y a ensuite un vote, soit en séance publique, soit dans les congrégations générales et les commissions : on vote alors par placet (oui), non placet (non), ou placet juxta modum (oui, mais avec modification).
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«
Dès
le deuxième jour, le 13 octobre 1962, le cardinal Lié
nart, au nom des évêques français, propose que le concile pu.isse
désigner lui-même les membres des commissions de travail au lieu
d'entériner les listes déjà préparées.
L'épiscopat allemand appuie
cette demande.
Une majorité de Pères applaudit.
S'agit-il d'une «ré
volte des évêques»'? Plutôt d'un tournant.
déjà, dans les travaux, et
qui permet de vérifier qu'il y a bien dans l'Église deux grands courants
qui vont s'affronter et bientôt, pour des années, radicaliser leurs posi
tions.
D'une part, un courant majoritaire qui se veut (au moment du
concile) simplement novateur, porteur d'espoirs, mais dont les élé
ments les plus engagés sont en fait modernistes.
D'autre part, un
courant qui se veut traditionnel, plus conservateur, et dont certains
responsables seront assez proches de l'intégrisme.
Chez les premiers,
des cardinaux comme Alfrink (Pays-Bas), Suenens (Belgique), Frings
(Allemagne), Mgr Ance! (France); chez les seconds, les cardinaux
Siri, Ottaviani (Italie), Tisserant (Curie), Mgr Lefebvre (France).
Il
faut dire aussi que, dans l'enthousiasme, l'espèce de fièvre des débuts
du concile, la presse fait la part belle, à ceux qui apparaissent comme
des rénovateurs, capables de sortir l'Eglise d'une apparente langueur.
Y a-t-il dans le concile une majorité et une minorité? Oui.
Et comme
dans toute lutte politique, dans toute assemblée délibérante, il y aura
des chausse-trapes, des pièges, des clameurs; il y aura encore des
moments exaltants dans le partage des difficultés et des espoirs, mais
aussi parfois un désir de plaire, peu courageux: par exemple quand le
Saint-Office est défini comme «une cause de scandale dans le
monde»! Il y a deux sortes d'assemblées: les réunions publiques prési
dées le plus souvent par le pape, et les congrégations générales de
travail où il est simplement représenté.
La première session dure
jusqu'à la mi-décembre 1962; il y a d'autres sessions en 1963, mais le
concile est interrompu par la mort de Jean XXIII le 3 juin 1963.
À peine un an après son ouverture, on constate déjà que le
concile va provoquer une mutation sans précédent, sans doute la plus
considérable depuis la Révolution.
Le concile veut être un retour aux
sources et, en fait, une seconde �éforme: mais une Réforme de
l'intérieur afin de renouveler dans l'Eglise institutionnelle l'élan évan
gélique.
A la fois un retour aux sources et une ouverture au monde de
ce temps.
Mais cette mutation est telle que, au-delà d'aspects positifs,
certaines impatiences ou certaines initiatives (dans le clergé essen
tiellement) ont provoqué des remous, des désordres.
Est-il vrai
qu'avant de mourir et voyant les premiers f!uits du concile, Jean
XXIII ait dit: > qu'il prophétisait?
En tout cas, les travaux reprennent le 29 septembre 1963,
avec un nouveau pape: Paul VI.
Et il y aura encore deux autres
sessions à l'automne de 1964 et 1965.
Le nouveau pontife marque sans
doute les débats de sa personnalité mais, pour l'essentiel, il reprend la
visée de son prédécesseur.
L Es GRANDES DÉCISIONS
DU CONCILE
La liberté des Pères conciliaires est absolue, ils en profitent!
Ainsi, pour la discussion au sujet de la liturgie, il y aura 329 inter
ventions orales et 625 écrites.
Il est en tout cas intéressant de dresser
la liste des principaux textes adoptés, et qui sont l'essentiel du concile
Vatican Il.
La liberté religieuse: c'est un thème capital.
Le texte, plu
sieurs fois_remanié, et finalement adopté par 2 308 oui contre 70 non,
dit que l'Eglise catholique est sans doute l'unique vraie religion, mais
que personne ne peut être contraint, que nul ne doit être forcé d'agir
contre sa conscience, et qu'enfin le principe de la liberté religieuse est
absolu.
Mais le Christ-Roi, considéré comme garant de la vie en
société (à l'époque Espa_gne, P9rtugal), est un thème abandonné au
profit de la séparation Eglise-Etat.
Même si le chrétien a le devoir
d'annoncer le Christ, on ne peut envisager aucune contrainte (on
traduira: aucun prosélytisme, et un message suffisamment plat pour
être passe-partout) an nom de la liberté fondée sur la dignité de la
personne humaine.
Mais c'est un texte voisin, les religions non chrétiennes, qui
provoquera le plus de remous au sein même du concile.
Ce texte
(Nostra !Etate) se heurte en effet à l'adage : «Hors de l'Église, point de
salut!>; ll s'agit de dire que , et qu'à cet égard le chrétien doit être solidaire de tous
ceux qui cherchent Dieu: Bien entendu, tout ce qui
concerne d'abord les juifs, puis l'islam, soulève des passions, selon les
tempéraments ou la situation locale des évêques.
Ainsi, le document
qui rejette l'accusation de «peuple déicide>> pour les juifs et déclare
qu'ils ne doivent pas être présentés comme «réprouvés par Dieu>>
soulève des protestations dans les pays arabes.
Mais le concile dira
aussi son «estime» pour l'islam, et sa volonté de mettre fin à des
siècles d'incompréhension.
Nostra !Etate sera donc le point de départ
d'un type de relations très nouveau avec les différentes religions, et de
rencontres inimaginables auparavant (Assise, ou la visite de Jean-Paul
II à la synagogue de Rome).
Mais ce sera aussi la pierre
d'achoppement de la querelle avec les traditionalistes qui y voient un
syncrétisme, une façon de dire que si toutes les religions se valent il est
inutile de prôner te catholicisme plutôt qu'une autre.
On voit l'impor
tance du malentendu.
Quoi qu'il en soit, cette déclaration est adoptée
par 2 221 oui contre 83 non, mais elle sera exploitée politiquement,
surtout parce qu'il n'y a pas vraiment de distinction entre le spirituel
et le temporel dans la pensée juive et musulmane.
Un autre texte du concile est proche de ceux-ci puisque, là
encore, il s'agit de la main tendue, de l'ouverture (et de ses limites) à
l'égard des religions chrétiennes non catholiques.
C'est le schéma sur
l'œcuménisme.
Les interventions sont alors si nombreuses qu'elles
sont réunies dans un volume de 1 063 pages! Le sujet est enthousias
mant bien qu'ardu, mais on en voit très vite les limites.
Les Pères du
concile considèrent que la division est un scandale puisqu'il y a quanti
té de points de communion et que les autres chrétiens sont des .
ll y a donc des valeurs communes, mais aussi des
divergences fondamentales: pas seulement historiques, mais qui sont
du domaine du dogme.
Cette question est posée pour le� relations avec les Églises
issues de la Réforme, mais aussi avec les Eglises orientales.
On peut
bien se mettre d'accord sur des valeurs d'humanisme (lutte contre la
misère, pour la paix), mais il est bien plus difficile d'aboutir à des
résultats concrets quand il s'agit de notions essentielles: par exemple,
l'Eucharistie présence réelle ou symbolique, ou bien ta place de la
Vierge Marie.
Finalement, à une majorité écrasante (2 137 oui et 11
non), le concile insiste beaucoup sur la promotion du retour à l'unité,
le sérieux du dialogue à engager, et la conversion personnelle dans le
respect de l'autre.
Autre dossier, très significatif de l'intérêt porté par le concile
au monde tel qu'il est (et non pas tel qu'on voudrait qu'il soit): le
schéma sur l'Église dans le monde de ce temps, qui devait aboutir au
texte fondamental de la Constitution pastorale Gaudium et Spes.
ll
s'agit là de répondre à une série d'interrogations très concrètes qui
vont des mutations dans la société industrielle au contrôle des nais-.
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