L'abbé Pierre, l'insurrection de la bonté

« Quête de l'abbé Pierre pour la construction de logements d'urgence le 5 mars 1954 L'a bbé Pierre, l'insurrect ion de la bonté > de la com mun ication, de ceux que l'on n'appelle pas encore les médias.

D'abord Le Figa ro, où il parvient à fa ire publier une lettre ouverte au minis tre de la Reconstruction.

Il est ind igné, et le dit sans précautions, de voir des gens qui ont un salaire mais pas de toit.

Il prête sa voix aux sans-voix : « On n'est pas des gens mécha nts, monsieur le Min istre (.

..

), on n'est pas des mendi ants, on gagne son pain, on veut bien payer son loyer.

>> Ainsi secoué, le min istre assistera sous la neige (et sous les objectifs des photo­ gr aphes) à l'enterrement du bébé dans un petit cimeti ère de la banlieue parisienne.

Mais l'abbé ne se contente pas de ce geste .

Le 1" février, il met en concurrence les rad ios de l'époque.

Après avoir conva incu, avec l'aide d'un ami, la radio d'État de diffuser un message qu'il dicte au téléphone, il arrive en trombe à Radio Luxembourg : « Si vous ne vou lez pas être en retard sur la Radiod if fusion française, il est temps de me donner le micro >>.

On le lui donne : « Mes amis, au seco urs ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit, sur le boule vard Sébastopol » ...

La voix ér aillé e enfle sous l'ef fet de la colère.

Elle demande, elle exige.

Il faut, pour ce soir même, des tentes, des couvertures, des poêles.

L'abbé Pierre prenant la parole en public lors de l'hiver 1954 Il est 13 h 10 .

À 14 heur es, la rue La Boétie où l'abbé a donné rend ez-vous aux éventuels donateu rs, doit être fermée à la circulation tant la foule est dense des gens qui offrent vêtements, argent, matelas, bijoux ...

L'insur ­ rec tion de la bonté est en route.

Le drôle de curé à la bar be hir sute quitte la lum ière des projecteurs pour reprend re, avec ses compagnons, son humble trava il de chiffonn ier.

Pas pour longtemps.

L'abbé est condamné à la célébrité.

Des sans-logis aux SDF, il lui reste à par courir un demi­ siècle de misère qu'il dénonce, sans cesse et par tout , en faisant des « coup s » avec l'aide de ses amis journal istes.

On le verra, à plus de qua tre-vingts ans, perclus de rhu matismes, soutenir les squ atters en allan t dorm ir chez eux.

Déçu de n'avoir pu faire reculer définitive­ ment la misère au sein de notre société de consommation ? Non.

Il ne s'est pas fait d'illusions en enga­ geant le combat contre l'indignité.

C'est un combat à perpétuité.

Quelques dates dans la vie de l'abbé Pierre 5 août 1912 Naissance Henri Grouès naît à Lyon, dans une famille de la bourgeoisie catholique.

À l'âge où les jeunes de sa condition vont à la faculté, il opte pour la vie monastique.

Il devient frère Philippe chez les Capucins.

9 ans plus tard, il est vicaire à Grenoble.

1942 La Résistance Le père Henri Grouès entre dans la Résistance active sous un nom de guerre qu'il ne qu ittera plus : l'abbé Pierre.

Il fait passer juifs et résistants en Suis se, parmi lesquels Jacques de Gaul le, le frère cadet du Général.

1945 L'homme politique À la Libération, l'abbé Pierre re join t les rangs du parti démocrate chrétien, le MRP.

Il est élu député de Meurthe-et­ Moselle en 1945.

Ses indem­ nités parlementair es servent à financer ses premières actions d'hébergement.

1949 La communauté d'Emmaüs Après une rencontre avec un ancien bagnard au bord du suicid e, il fonde la commu­ na uté des chiffon niers d'Emmaüs.

Exclus et bannis de la société y retrouvent une dignité en mettant leur travail au service des plus pauvres.

1954 L'hiver terrible Le « ch iffonnier de Dieu » entre vivant dans la légende en réveillan t la foule des passifs pour l'entraîner dans le premier grand élan de solidarité de notre histoire cont emporaine en faveur des ex clus.

Deux films seront consacrés au Robin des Bois en soutane.

1994 Les nouveaux pauvres Quarante ans plus tard, RTL célèbr e l'ann iversa ire de l'h iver 1954, en invitant l'a bbé à renouv eler son appel.

Entre-temps, les pauvres sont devenus des « nouveaux pauvres », puis des RMistes, puis des >, puis des SDF.

La fondation Emmaüs compte en France 103 communautés et 4 000 compagnons.

1954 L'abbé Pierre, député MRP, 1951 Avis de passage d'une équipe Emmaus à Chateauroux, 1972 89. »