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LA RELIGION NATURELLE AU XVIIIe siècle

Publié le 17/01/2022

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A cité des hommes se bâtirait suivant des lignes simples, une fois détruites les architectures désordonnées qui couvraient la terre, et même les fondations anciennes qui n'avaient soutenu que des édifices manqués. Sur un sol aplani elle élèverait ses constructions logiques; ses ouvriers, sans chercher à tirer parti du passé, à l'améliorer par des corrections de détail, besogne trop lente, dresseraient un plan parfait, pour des habitants qui cesseraient enfin de n'avoir que Babel comme demeure, un ciel incertain comme espoir. Un mot exaltait les audacieux qui se mettaient à la besogne, un mot talisman qui s'ajoutait à ceux que nous avons déjà vus, la Raison, les Lumières : et c'était le mot Nature. Ils lui attribuaient une vertu encore plus efficace, puisque la nature était la source des lumières, et la garantie de la raison. Elle était sagesse et elle était bonté; que l'homme consentît à écouter la nature, et jamais plus il ne se tromperait; il lui suffisait d'obéir à sa bienfaisante loi.

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« remplacer les livres dont l'impression aurait paru trop dangereuse; et elle s'annexait au besoin les productions lesplus récentes : Grimm allèche ses correspondants étrangers, au mois d'août 1755, en leur annonçant que lesmanuscrits de La Pucelle de M.

de Voltaire se multiplient insensiblement, et qu'il n'est pas impossible d'en avoirquatorze chants pour le prix de cinq à dix louis.Les livres mêmes, on ne les empêche jamais de s'imprimer, de se répandre, lorsqu'on a contre soi le public.

Telouvrage a été interdit par la censure, n'a pas obtenu le permis du syndicat de la librairie : il n'en sera pas moinsimprimé, grâce aux presses clandestines, aux petites presses portatives qu'on dissimule aisément; puis on le vendradans les théâtres, dans les jardins; mieux encore, dans les endroits privilégiés qui appartiennent au roi, à la familleroyale, aux ordres religieux.

Ou bien le manuscrit passera la frontière, gagnera Londres, Liège, Bouillon, Cologne,Genève, Yverdon et autres lieux; plus volontiers encore la Hollande, où sont installées des manufactures d'ouvragesprohibés.

Imprimé, relié, il prendra le chemin du retour.

C'est une constatation courante que plus sévèrement il estdéfendu, plus vivement il sollicitera les acheteurs.

La Correspondance littéraire, à propos du livre de Toussaint, lesMœurs : « Le magistrat, en faisant brûler cet ouvrage, a, comme cela ne manque jamais d'arriver, augmenté lacuriosité de le lire.

» — D'Alembert à Frédéric II, le 10 juin 1770 : « Je ne connais point Y Essai sur les Préjugés queV.

M.

a pris la peine de réfuter; je crois pourtant que ce livre s'est montré à Paris et même qu'il s'y est vendu trèscher.

Mais il suffit qu'un livre touche à de certaines matières et qu'il attaque bien ou mal certaines gens pour êtrerecherché avec avidité, et pour être en conséquence hors de prix, par les précautions que prend le gouvernementpour arrêter ces sortes d'ouvrages : précautions qui font souvent à l'auteur plus d'honneur qu'il ne mérite.

» Le casle plus frappant est celui de Y Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européensdans les deux Indes, de l'abbé Raynal : interdite en France, mise à l'Index, lacérée et brûlée comme impie,blasphématoire, tendant à soulever les peuples contre l'autorité souveraine et à renverser les principesfondamentaux de l'ordre civil, elle a eu vingt éditions, de plus nombreuses contrefaçons, s'est débitée par morceaux,a valu une manière d'apothéose à son auteur.

Bref, un moraliste qui étudie les Préjugés du public, Denesle, prétendqu'un livre a peu de débit s'il a une permission régulière; qu'au contraire il se vend à profusion s'il ne porte pas à sonfrontispice « avec privilège », s'il est confié à cinq ou six colporteurs, qui d'un air craintif iront furtivement le porterdans les maisons, le faisant payer dix fois son prix.Pietro Verri habite Milan, Alessandro s'est établi à Rome; les deux frères entretiennent une correspondance active,où ils parlent couramment des nouveautés de la librairie, surtout des nouveautés défendues.

Voici comment ellesarrivent.

A Milan, par la Suisse; par les libraires de Parme et de Toscane; grâce à la complicité d'un courrier quiapporte la vertueuse Histoire ecclésiastique deFleury, tandis que des brochures incendiaires sont glissées dans le même paquet, entre les tomes.

A Rome :Alessandro à Pietro : « Je n'ai pas reçu Y Encyclopédie, mais elle est à douze milles de Rome.

J'ai la manière del'introduire.

Je l'ai fait venir à Cività Vecchia; et de là, par des occasions, je la fais venir dans les environs de Rome;et dans le carrosse d'un Cardinal, elle entrera impunément.

C'est ce que j'ai fait pour tout ce qui m'est venu deLondres.

» (29 décembre 1770.)A Venise, en 1764, on a renforcé précautions et défenses : aucun libraire ne peut ouvrir un ballot de livres venantde l'étranger, sans la présence d'un fonctionnaire de la Sérénissime : il s'agit donc de tromper la police.

Si les livressont envoyés d'Allemagne, on les déballe à Padoue; là, par petits paquets dont se chargent les barques quidescendent la Brenta, au besoin par la poste, ils finissent leur voyage chez les libraires de la place Saint-Marc.

Siles livres ont pris la voie de mer, on aborde pendant quelques minutes les barques qui vont du navire au port, et onopère une substitution : on prend les ouvrages prohibés, on met à leur place des ouvrages innocents.

Quelquefois,la marchandise est expédiée en transit; mais des complaisances permettent de la garder à Venise au lieu qu'ellecontinue son chemin.

La franchise diplomatique, aussi, joue son rôle.

Nous connaissons ces livres par les rapportsdes agents chargés de la répression, et qui malgré tout arrivent à en saisir : ceux de Locke, de Collins, deMandeville, de Bolingbroke, de Hume; ceux de Bayle, du marquis d'Argens, d'Helvétius, du baron d'Holbach;Rousseau, l'Emile, le Contrat Social; Voltaire, la Pucelle, les Questions sur l'Encyclopédie, L'Ingénu.

Sans parler despublications licencieuses, qui abondent.A nouvelles barrières, nouvelles brèches.

Même dans le pays le moins perméable, l'Espagne, la pensée hétérodoxefinit toujours par pénétrer, quelquefois sous les formes les moins prévisibles : une amitié personnelle avec tel auteurétranger, qu'on a connu jadis au cours d'un voyage; une correspondance en apparence anodine, mais où se glissentquelques phrases révélatrices ; le compte rendu publié par un journal qui, tout en s'indignant contre les idées qu'ilréfute, commence par les exposer : tout cela, indépendamment du commerce et de la contrebande.

Un desnombreux libraires qui ont favorisé cette diffusion — comme Gabriel Cramer à Genève, Marc Michel Rey à Amsterdam— François Grasset, de Lausanne, écrit à J.-J.

Rousseau, le 8 avril 1765 : « Ne sourirez- vous pas, mon très honorécompatriote, lorsque vous apprendrez que j'ai vu brûler à Madrid, dans l'église principale des Dominicains, undimanche, à l'issue de la grand'messe, en présence d'un grand nombre d'imbéciles et ex cathedra, votre Emile, sousla figure d'un volume in-quarto ? Ce qui engagea précisément plusieurs seigneurs espagnols et les ambassadeurs descours étrangères à se le procurer à tout prix, et à se le faire venir par la poste.

»Les complicités viennent des gouvernants eux- mêmes.

Le roi de France nomme Malesherbes directeur de la librairie; et Malesherbes a sa poli-tique, à lui.

Personnellement, il estime que la liberté des gens de lettres est utile à l'Etat;et d'autre part, qu'il n'y a pas de loi qui soit exécutée lorsqu'une nation entière cherche à favoriser la fraude.

Ce quiest fort bien vu : mais pourquoi charger Malesherbes du service qui doit empêcher l'impression et arrêter lacirculation des livres défendus? Le roi de France est le protecteur de la religion et Mme de Pompadour, de laphilosophie.

Le roi de France ne veut pas que Piron soit de l'Académie, il veut bien lui donner une pension pour leconsoler.

Tout d'un coup, on prend des mesures barbares qui révoltent tout sentiment de justice; on emprisonneGiannone par traîtrise, on roue Calas, puis les rigueurs s'endorment et on oublie.

On s'en prend à des misérables,mais le baron d'Holbach tient table ouverte et fait publiquement profession d'athéisme.

On décrète de prise de corpsl'auteur de l'Emile, mais on laisse à ses amis le temps de le prévenir, et à lui-même le temps de s'échapper; tandisqu'il prend la route, il rencontre les exempts qui lui donnent un coup de chapeau.

Les ouvrages antireligieux de. »

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