Une symbolique du sacrifice
Publié le 14/04/2016
Extrait du document
«
faisant converger la violence sur la victime rituelle.
La métamorphose de la violence réciproque en
violence unilatérale est explicitement figurée et revécue dans le rite.
(...) Le paroxysme, dans le
sacrifice Dinka, se produit, semble-t-il non avec la mort elle-même mais avec les imprécations
rituelles qui la précèdent et qui passent pour capable de détruire la victime.
( .
.
.
) La mise à mort
consiste parfois en une véritable ruée collective contre la bête.
( .
.
.
) Les signes d'hostilité et de
mépris, les cruautés dont l'animal fait l'objet avant son immolation font place tout de suite après, aux
témoignages d'un respect proprement religieux.
Ce respect coïncide avec la détente assurément
cathartique qui résulte du sacrifice.
Si la victime emporte la violence réciproque avec elle dans la
mort, elle a joué le rôle qu'on attendait d'elle; elle passe désormais pour incarner la violence sous sa
forme bienveillante aussi bien que malveillante, c’est à dire la toute puissance qui domine les hommes
de très haut; il est raisonnable, après l'avoir maltraitée de lui rendre les honneurs extraordinaires (...).
Les deux attitudes successives sont d’autant plus rationnelles, malgré leur contradiction, qu’il suffit
d'adopter la première, pour jouir ensuite de la seconde " (fin de citation).
Il est important que tous
participent à ce rite, et particulièrement les jeunes hommes qui détiennent le plus d'agressivité, et
surtout afin qu'ils partagent un même crime.
Cette description est intéressante parce qu'elle montre une
progression dans la montée de la violence qui est d'abord dans tous les sens puis s'oriente petit à petit
vers une seule victime pour arriver à un paroxysme qui s'exprime avant tout par des paroles (les
imprécations) puis une ruée finale vers la bête et enfin une détente cathartique.
C'est à dire une purification et une libération.
René Girard démontre dans cet ouvrage que c'est la violence initiale, inhérente à l'homme qui a
conduit les sociétés à pratiquer les premiers rites.
Et de fait pratiquement toutes les religions ont des
rites qui mettent en scène une violence.
C'est sur cette signification cathartique du sacrifice que je voudrais m'arrêter et plus particulièrement
la notion de libération.
Les exemples du sacrifice d'Abraham, de celui du Christ et de celui d'Hiram
vont illustrer mon propos.
Tout d'abord le Sacrifice d'Abraham.
Ou plutôt celui de son fils Isaac.
Les faits tels qu'ils sont racontés
dans l'ancien testament sont les suivants: Abraham est vieux.
Il a une centaine d'années.
Il a deux
enfants, mais un seul avec sa femme Sarah qui, jusqu'à l'âge de 90 ans avait été stérile.
Ce fils
s'appelle Isaac.
Abraham entend la voix de Yahvé qui lui demande de sacrifier ce fils, qui est le seul
légitime, alors qu'il est encore jeune.
Malgré ce que cela lui coûte, n'écoutant que sa foi, Abraham
accompagné de son fils, et de deux serviteurs adolescents, monte sur la montagne sur laquelle il dresse
l'holocauste et se prépare à trancher la tête d'Isaac comme Yhave le lui a demandé.
Dans le texte, alors
que les serviteurs sont appelés adolescents, Isaac, qui a environ le même âge, est nommé comme fils
d'Abraham, " ton fils, ton unique ".
Au moment où il lève sa main armée d'un couteau, Yhave lui
demande d'arrêter.
Abraham voit alors un bélier qui avait les cornes prises dans un enchevêtrement de
ronces.
C'est à ce bélier enchevêtré dans ses liens qu'Abraham va trancher la gorge.
Mary Balmary,
dans son ouvrage intitulé "le sacrifice interdit" fait l'interprétation suivante.
Le texte précise
qu'Abraham redescend de la montagne avec les trois adolescents, et non plus deux adolescents et son fils
comme il était dit lors de la montée.
La nuance est importante.
Car ce sacrifice est une espèce d'ultime
initiation qui permet à Isaac d'exister en tant qu'homme (il est adolescent, c'est à dire en train de devenir
adulte).
Isaac, bien que restant génétiquement le fils d'Abraham, n'est plus la chose de son père mais un être
séparé de lui.
Il n'existe plus en tant que fils de son père mais en tant que lui même.
En fait ce que Yhave a
demandé de faire à Abraham est tout simplement de couper le lien père fils qui existe entre lui et Isaac.
Cette coupure va permettre à Isaac d'exister.
Et lorsqu’Abraham voit le bélier avec les cornes enchevêtrées
dans les broussailles, il s'agit d'une vision, d'une prise de conscience, de sa propre dépendance vis à vis de
Yahve.
Ce sacrifice règle donc deux problèmes: la rupture du lien de dépendance entre Yahve et Abraham et
la rupture du lien de dépendance entre Abraham et son fils.
Et la mort du bélier, qui, lui, est adulte,
symbolise ce qui attend tout être qui n'a pas été libéré des liens, symbolisés ici par les ronces, qui le
rattachent à ses parents.
Cette interprétation de ce passage de la bible que fait Mary Balmary , est d'autant
plus crédible que peu de temps auparavant on apprend que Sarah, la mère d'Isaac, avait été stérile tant que
son père l'avait appelée Saraï.
En hébreux, Sarah veut dire "Princesse", mais Saraï est un génitif et veut dire
"ma princesse".
C'est à dire qu'elle n'existait pas en tant que femme mais seulement en tant que fille de son.
»
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