La profession de psychanalyste d'après FREUD
Publié le 17/09/2006
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La citation qu'au chapitre III nous faisions de la troisième des Cinq leçons sur la psychanalyse, données aux Etats-Unis et publiées en 1910, contenait la déclaration de Freud suivant laquelle, si on lui demandait comment on pouvait devenir un psychanalyste, il répondrait : « Par l'étude se ses propres rêves. « Les choses ne restèrent pas longtemps aussi simples. Mais la propre analyse de Freud fut précisément accomplie ainsi, et, pour autant qu'elle fut jamais terminée, lui-même fut la seule personne qui la termina. Toutes ses découvertes les plus fondamentales, qui lui permirent d'interpréter les matériaux cliniques observés chez autrui, naquirent de cette auto-exploration. Ce qui avait débuté, comme une enquête personnelle, intellectuelle, était devenu un combat intérieur acharné qui, depuis 1895, se prolongea bien avant dans notre siècle, et dans un sens dura toute la vie de Freud. Ce combat n'eut pas seulement pour effet de permettre à Freud de produire sa théorie de la Science des rêves, ses théories sexuelles et sa théorie générale des névroses, mais aussi de le persuader qu'aucun être qui n'était point passé par une semblable expérience ne pouvait raisonnablement devenir psychanalyste.
«
Il est certes absolument caractéristique des êtres humains organisés en communauté qu'ils se comportent avecincohérence aussi bien que de façon cohérente.
La profession médicale ne faisait ni ne fait exception à la règle.Après avoir accompli tout ce qu'elle pouvait afin de ridiculiser les théories freudiennes à leur début, cette professionles adopta plus tard, sans reconnaître toujours la nécessité du genre de formation que Freud estimait indispensable.Ce dernier répliqua en écrivant son traité sur la question de l'analyse non médicale, dans lequel il essayait dediscuter avec équité le pour et le contre de l'analyse non médicale.
Le livre adopte la forme d'un dialogue socratiqueoù Freud est l'orateur, et où une personne impartiale, que Freud avait présente à l'esprit mais dont à l'époque il nedévoila pas l'identité, représente l'auditeur critique.
Cet ouvrage reste l'argument classique afin d'autoriser les non-médecins à pratiquer l'analyse.
Ses insuffisances, du point de vue de l'auteur, seront exposées dans la conclusionde ce chapitre.Freud adopta deux positions qu'il maintint obstinément et résolument.
La première était que la psychanalyseconstituait fondamentalement une branche de la psychologie et non de la médecine.
A part soi, il regrettait celadans la mesure où lui-même n'était jamais parvenu à réaliser son projet de psychologie scientifique.
Freud eûtpréféré que la connaissance de la chimie, de la biochimie, de la physiologie, de l'atanomie et de la neurologie, qu'ilavait acquises et auxquelles il avait contribué dans ses toutes premières recherches, eussent été indispensables àson sujet.
Mais elles ne l'étaient pas; à l'époque, elles ne pouvaient même s'y relier.
Freud accepta donc lesconséquences de la situation, qu'il alla jusqu'à formuler de manière implicite lors de la fondation de l'Associatiofipsychanalytique internationale en I9 I0.
Le but principal de cette fondation consistait à montrer clairement queseules certaines personnes, ayant reçu une formation complète, pouvaient être admises en tant qu'analystesqualifiés, et que sur leurs travaux seuls on pouvait juger ceux de la psychanalyse.La seconde position de Freud est la conséquence logique de la première : la pratique adéquate de la psychanalysene saurait s'acquérir que grâce à une formation particulière, laquelle en soi n'est inhérente aux disciplines existantesni de la médecine ni de la psychologie.
La formulation de Freud à cet égard est succincte et rigoureuse :
« Mais je ne saurais trop appuyer là-dessus : personne ne devrait exercer l'analyse qui n'y soit justifié de par uneformation appropriée.
Et qu'il s'agisse alors d'un médecin ou non, cela me semble secondaire.
»
A l'époque, Freud avait acquis une amertume compréhensible envers beaucoup de ses collègues médecins, non tantcontre eux personnellement que contre l'attitude inhérente à leur conception de la médecine.
C'étaient eux, non lui,qui enseignaient aux étudiants; et il avait contre eux un grave chef d'accusation : non seulement les étudesmédicales négligeaient d'enseigner la psychologie ou les techniques de la psychanalyse au futur médecin, mais luidonnaient une attitude fausse et négative à l'égard de la question tout entière.Toute personne ayant pratiqué la psychiatrie depuis lors connaît le bien fondé de ce que disait Freud.
Tout le mondene saurait admettre ses conclusions, mais nul ne saurait discuter l'équité de leurs prémisses.
La conclusion de Freudétait que, la profession n'ayant ni relevé le défi ni étudié la question, défi et question devaient être proposés àquiconque se donnerait la peine de s'y attaquer.
Freud soutenait que la chose était nécessaire si l'on considéraitobjectivement trois groupes d'intérêts distincts : ceux des patients, ceux de la profession médicale et ceux de lascience.En ce qui concernait les patients, l'histoire de leur rejet par la médecine et de sa totale incompréhension de lacondition de l'hystérique, de l'anxieux et de l'obsessionnel, fournissaient toutes les preuves désirables.
Lesperversions sexuelles et l'homosexualité complétaient l'argumentation.
Ces malades avaient besoin d'être compris,non désapprouvés sous le couvert du dogme médical.Du point de vue de la profession médicale, Freud affirmait simplement que si le médecin qualifié désirait subir uneformation psychanalytique, il serait tout à fait bienvenu.
Sinon, il ne pourrait par là exclure d'autres personnes decette formation ni de ce débouché.
Étant donné que la majorité des médecins considéraient les études existantescomme assez longues sans cela, et que peu de professeurs faisaient place à l'analyse dans leur enseignement de lamédecine, Freud doutait que la contribution de la médecine suffît jamais aux besoins des patients.
L'inclusionobligatoire de la psychanalyse dans la formation de tout médecin, Freud la considérait comme impraticable, tant surle plan scientifique que sur le plan économique.Du point de vue de la science restaient les conclusions chèrement acquises par Freud sur les fondements de lapsychanalyse.
Ces derniers ne pouvaient être compris que grâce à une analyse personnelle.
Freud estimait quel'analyse personnelle équipait le sujet qui l'entreprenait, non seulement pour le traitement des névroses, mais pour lacompréhension des plus larges aspects de la vie humaine que nous examinerons au chapitre suivant.
Toutefois,même du point de vue proprement thérapeutique, Freud pensait que les besoins de la civilisation ne parviendraientjamais à être satisfaits si un nombre suffisant de recrues de bonne volonté, sélectionnées et formées avec soin,n'étaient tirées de la population dans son ensemble.« Notre civilisation exerce une pression presque intolérable sur nous, elle demande un correctif.
Est-il insenséd'attendre de la psychanalyse qu'elle soit appelée, malgré toutes les difficultés qu'elle présente, à offrir un jour auxhommes un semblable correctif ? »La principale objection que la psychiatrie moderne élèverait contre cette thèse est simplement que le diagnosticdifférentiel de beaucoup des symptômes dont se plaignent les patients que Freud estimait convenir à l'analysenécessite une évaluation générale experte avant que les malades puissent être en toute sécurité confiés à n'importequel spécialiste exclusif, qualifié médicalement ou non.
Même en envisageant la question sans préjugés, l'exclusionou la confirmation de l'hypothèse d'une tumeur cervicale, d'une paralysie structurale progressive, de l'hémorragieimminente d'un ulcère gastrique, des ravages d'une colite ulcérative ou d'une arthrite rhumatoïde, tout cela faitpartie de la nécessité clinique d'évaluer les symptômes, nécessité qui se présente souvent dans le traitement desnévroses, et à laquelle ne saurait faire face, pour la sécurité du patient, qu'un médecin expérimenté.
Freud.
»
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