LA MORTIFICATION
Publié le 21/05/2012
Extrait du document
"De ce moment, pour se punir de son erreur, de sa folie, Iseut la Blonde revêtit un dur cilice et le porta contre sa chair" (Tristan et Iseult, Joseph Bédier).
Dans notre société contemporaine, où le bien-être du corps est érigé en devoir envers ce dernier et où le confort est omniprésent, une telle mutilation nous semble terriblement absconse.
Au Moyen-Âge pourtant, l'utilisation de ce moyen de pénitence se généralise. Charlemagne, par exemple, a été enterré dans le cilice qu'il avait porté pendant sa vie (Martène, De Ant. Eccl. Rit). On rapporte la même chose du saint Thomas de Canterbury. À l'époque moderne, la mortification a été restreinte aux membres de certains ordres religieux. De nos jours, les pénitences physiques sont pratiquées principalement par des populations pauvres et indiennes ; mais aussi par les Chartreux et les Carmes ainsi que d'autres, comme l'Opus Dei, qui considèrent cela de façon personnelle et surtout volontaire.
Très récemment, dans son livre intitulé Pourquoi il est saint, Mgr Slawomir Oder -postulateur de la cause de béatification du pape Jean Paul II- explique que ce dernier "s'infligeait lui même à son corps des douleurs et des mortifications« et «souvent passait la nuit à même le sol« ; justifiant sa sainteté par l'imitation des souffrances du Christ qu'il rendait quotidienne.
Le sujet est donc encore sous le feu de l’actualité. De plus, dans la mesure ou cette pratique illustre la prégnance de la Religion sur le Corps par le biais d'une pratique culturelle, elle nous intéresse tous au premier chef.
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Étymologie
Le terme vient du latin mort ificare, littéralement «faire mourir» .
Dans la langue courante, le mot signifie une humiliation, un chagrin ou une contrariété que
l'on impose à quelqu'un par quelque dur procédé, une réprimande par exemple.
Cependant, il
peut aussi désigner un fâcheux ac cident qui surgit dans le cours de nos vies.
Médicalement, il
peut même s'agir d'une nécrose des os ou bien d'une gangrène de la peau.
En tout état de
cause, il s'agit de l’état d'un tissus ou d'un organe qui se décompose, devenant comme mort.
Le mot dén ote, autant qu'il connote, la putréfaction, la souffrance, l'incommodant voire
l'insupportable...
Tant de notions que l'on pourrait regrouper en un seul champs sémantique :
celui de la mort, qui s'infiltre jusque dans sa sonorité grinçante.
Acception religieuse
La mortification corporelle se retrouve h abituellement dans le contexte de la religion
catholique où cette pratique a été abondamment thématisée.
Cependant, les pratiques
d'ascétisme et de mortification se retrouvent au sein de la plupart des relig ions.
Bossuet nous parle, dans La Vallière , de"l'âme délivrée par ses réflexions de la captivité des
sens, et détachée de son corps par la mortification" .
Ainsi, la mortification devient une action
volontaire et réfléchie, par laquelle on donne une sorte de mort au corps et - par là même- aux
passions.
Cette pratique se fait synonyme d'austérité, de privation.
mais à des fins d'élévation
et de découvertes spirituelles.
On retrouve, au sein de la plupart des religions, des pratiques de mortification et plus
généralement d'ascétisme .
Cependant, l'expression s'emploie habituellement dans le
contexte de la religion catholique où cette pratique a été abondamment thématisée.
Nous
nous concentreront donc sur l’histoire et la signification précise qu'elle y revêt.
Celles -ci trouvent leur origine dans les écrits de Saint Paul , lorsqu’il oppose la vie «selon
l’Esprit» du Christ à la vie «selon la chair» ; c'est à dire une vie dans le péché.
Il affirme en
effet : «Si vous vivez selon la chair, vous mourrez.
Mais si p ar l’Esprit vous faites mourir les
œuvres du corps, vous vivrez» (Rm 8,13).
Il conseille donc une mainmise de l'Esprit sur le
corps, sans laquelle la vie n'est qu'une succession de plaisirs illusoires qui portent à la mort.
Alors conseille -t-il : «Mortifie z donc vos membres terrestres : fornication, impureté, passion
coupable, mauvais désirs, et cette cupidité qui est une idolâtrie…» (Col 3,5).
Ici, la mortification
ne se présente pas comme un sévice physique, une flagellation ou quelques autres tortures
au to-infligées, mais comme le refoulement des inclinations humaines.
Il s'agit en fait - soit en
se privant d’une satisfaction, soit en s’imposant une action pénible - d'une recherche
méthodique de la soumission de l’ensemble des facultés humaines à la volonté et, plus
fondamentalement, à Dieu.
La mortification favorise ainsi le renoncement à soi -même, à l'égoïsme, nécessaire pour se
tourner vers les autres - et donc, à plus forte raison, vers Dieu.
Ce n'est qu'à ce titre que la
mortification devient une nécess ité reconnue, bien que parfois tempérée d'une certaine
prudence, par tous les maîtres chrétiens de vie spirituelle..
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