La doctrine freudienne des actes manqués
Publié le 07/04/2023
Extrait du document
«
Document généré le 6 avr.
2023 21:43
Laval théologique et philosophique
La doctrine freudienne des actes manqués
Alphonse Saint-Jacques
Volume 19, numéro 2, 1963
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1020045ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1020045ar
Aller au sommaire du numéro
Éditeur(s)
Laval théologique et philosophique, Université Laval
ISSN
0023-9054 (imprimé)
1703-8804 (numérique)
Découvrir la revue
Citer cet article
Saint-Jacques, A.
(1963).
La doctrine freudienne des actes manqués.
Laval
théologique et philosophique, 19(2), 293–304.
https://doi.org/10.7202/1020045ar
Tous droits réservés © Laval théologique et philosophique, Université Laval,
1963
Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur.
L’utilisation des
services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique
d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.
https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/
Cet article est diffusé et préservé par Érudit.
Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de
l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à
Montréal.
Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.
https://www.erudit.org/fr/
La doctrine freudienne des actes manqués
Ne méprisons pas les petits signes : ils
peuvent nous mettre sur la trace de choses
plus importantes.
F reud
Conçue à l’origine comme une méthode de traitement de certaines
maladies nerveuses, tout spécialement des névroses, la psychanalyse,
on le sait, a considérablement dépassé par la suite, et cela chez Freud
lui-même, les limites précises de la médecine psychiatrique, pour s’é
tendre progressivement à l’étude des divers aspects du comportement
humain.
« À l’origine », écrivait Freud,1 (( le m ot psychanalyse dési
gnait une méthode thérapeutique déterminée ; maintenant il est aussi
devenu le nom d ’une science : celle de l’ inconscient psychique.
»
C ’est ainsi que la psychanalyse allait devenir un chapitre important
non seulement de la médecine, mais encore de la psychologie contem
poraine.
C ’est tout d ’abord l’ analyse des rêves et de ce qu’il appelle les
actes manqués, — die Fehlestungen — , les lapsus par exemple, qui allait
conduire Freud à élargir ainsi le champ d ’ application de la méthode
psychanalytique.
C ’est que les rêves et les actes manqués, qui sont
inséparables du comportement humain ordinaire, constituent pourtant,
comme les symptômes névrotiques, des manifestations extérieures et
observables de l’inconscient psychique, si bien qu’ils sont susceptibles,
selon Freud, d ’être analysés et interprétés à la lumière de la méthode
psychanalytique.
Bien plus, seule la méthode psychanalytique serait
capable, selon lui, de fournir une interprétation psychologique valable
de ces phénomènes courants, restés jusque-là sans explication et même
étrangers aux préoccupations de la psychologie.
Aussi Freud pouvaitil revendiquer pour la psychanalyse le mérite d ’ « avoir conquis à la
psychologie des phénomènes qui auparavant n’en faisaient pas partie )).*
Ce bref travail est spécialement consacré à la doctrine freudienne
des actes manqués.
Nous nous proposons d ’y montrer rapidement :
I o comment elle s’insère dans l’ensemble de la pensée de Freud ; 2°
quel en est le sens général ; 3° quel lien essentiel existe entre cette
doctrine et le déterminisme psychologique de Freud.
C ’est du reste à
l’occasion de l’exposé consacré à cet aspect de sa pensée que Freud a
été amené à exprimer le plus clairement ce déterminisme psychologique
1.
M a Vie et la psychanalyse, traduit par Marie Bonaparte, Coll.
Etsais, NEF,
Gallimard, Paris, 1949, p.110.
2.
Introduction à la psychanalyse, traduit par S.
Jankélévitch, Bibliothèque scientifi
que, Payot, Paris, 1951, p.71.
294
L A V A L THÉOLOGIQUE ET PHILOSOPHIQUE
qui paraît constituer un présupposé fondamental de toute sa doctrine.
C ’est par là d’ailleurs que la doctrine freudienne des actes manqués,
comme en général la psychologie de Freud, nous paraît davantage
prêter le flanc à la critique, en dépit de son intérêt incontestable, lié à
son originalité et à sa valeur intrinsèque.
Dans l’un des passages les plus lourds de sens de toute son œuvre,
Freud écrivait : « Il semblerait que sur le chemin menant du plan pri
mitif de l’enfant à celui de l’adulte adapté à la vie sociale, la névrose
soit pour ainsi dire inévitable ».l Non pas que, selon Freud, tout
homme soit à jamais irrémédiablement condamné à la névrose, moins
encore à la folie.
Ce que Freud veut dire, c’est que le développement
normal de l’individu, de l’enfance à l’ âge adulte, ne peut pratiquement
s’opérer sans qu’il soit assujetti à passer par un certain état névrotique,
qui se situerait dans les premières années de la vie.
Cette névrose
infantile, qui n’est pas, selon Freud, l’exception mais la règle, se dissipe
spontanément, il est vrai, dans la plupart des cas, au cours du dévelop
pement continu conduisant à l’âge adulte.
Mais, ajoute Freud,
« n ’en reste-t-il pas des vestiges même chez ceux qui sont en moyenne
bien portants ? » 2 Peut-être ne faisons-nous vraiment que commen
cer à apercevoir clairement tous les risques qu’il y a d ’être homme,
et surtout d’avoir à le devenir après avoir été enfant.
Nous savons
mieux que jamais auparavant, et cela en grande partie, reconnaissonsle, grâce à Freud et à la psychanalyse, quels vestiges profonds, souvent
ineffaçables, peut laisser en tout homme cette préhistoire individuelle
qu’est son enfance.
C ’est ainsi, pense Freud, qu’il n’est guère en pratique de com por
tement humain même adulte qui soit à ce point normal que l’on ne
puisse y déceler quelques traces, plus ou moins clairement recon
naissables, d ’un comportement analogue au comportement patholo
gique.
« Chacun porte en soi », écrivait Jung, « son criminel statis
tique, au même titre d ’ailleurs que le fou ou le saint correspondant.
» 3
« Tu m’appelles fou, mon fils », dit le roi Lear au fou.
Et le fou ré
pond : « Tous tes autres titres, tu t’en es désaisi ; celui-là, tu es né
avec.
»
C ’est cette idée qui allait amener Freud à étendre les perspectives
de la psychanalyse au-delà de la médecine et le conduire à la concep
tion d’une psychopathologie de la vie quotidienne, à laquelle il consa
crera un ouvrage spécial, destiné à devenir son ouvrage le plus popu
1.
M a Vie et la psychanalyse, p.173.
2.
Ibid.
3.
Aspects du drame contemporain, Éditions de la Colonne Vendôme, Paris, 1948,
p .146.
LA DOCTRINE FREUDIENNE DES ACTES MANQUES
295
laire.
Freud y applique à l’étude de certains phénomènes, apparem
ment sans importance, de la vie courante, qu’il réunit sous le nom
générique d’ actes manqués, comme les lapsus, l’ oubli des noms et des
objets, les erreurs de lecture, les maladresses, etc., la méthode qu’il
utilise ailleurs pour l’explication de la formation des symptômes
névrotiques, pour laquelle cette méthode avait été originairement
conçue.
Aussi bien ces actes manqués, tout comme les rêves, constitueraient-ils, selon la conception nouvelle qu’en propose Freud, les
derniers résidus, les plus courants, de cette névrose commune à laquelle
aucun homme, si sain soit-il, ne saurait entièrement échapper.
La méthode utilisée dans les deux cas, — symptômes névrotiques
et actes manqués, à quoi l’on peut ajouter les rêves — , est à ce point
la même que Freud, dans son Introduction à la psychanalyse, qui vise à
fournir une vue d ’ensemble de la théorie psychanalytique, a choisi
d ’aborder son exposé par l’analyse des actes manqués, cette analyse
contenant déjà l’essentiel de la méthode psychanalytique : elle est,
écrit-il, « le modèle en petit de la recherche psychanalytique.
» 1 « On
pourrait nous reprocher, » disait-il à ce sujet, « d ’ appliquer à la psycho
logie des êtres normaux des conclusions tirées de l’étude des faits
pathologiques.
Cette objection sera réfutée par un fait que nous a fait
connaître la psychanalyse.
Certains troubles fonctionnels des plus
fréquents chez les sujets bien portants, par exemple les lapsus linguae,
les erreurs de mémoire ou de langage, l’oubli des noms, etc., peuvent
être facilement ramenés à l’action de pensées inconscientes fortes,2
tout comme les symptômes névrotiques.
» 3
C ’est aux premiers chapitres de VIntroduction à la psychanalyse
et à la Psychopathologie de la vie quotidienne, qui fournit en outre une
importante casuistique relative à ce sujet, qu’il faut se reporter pour
trouver l’exposé le plus complet consacré par Freud à sa doctrine des
actes manqués.
La première difficulté à laquelle se heurte Freud, avant même tout
examen de ce problème, est de convaincre son lecteur de l’intérêt et de
l’importance de ce sujet.
Pourquoi, penseront certains, s’attarder à
l’étude de faits si insignifiants, alors que tant de problèmes sérieux ré
clament l’attention du psychologue ? Quel crédit accorder à une théo
rie psychologique qui commence par attirer l’attention sur ces menus
faits accidentels dont est tissée notre vie quotidienne ?
1.
Introduction à la psychanalyse, p.58.
2.
« C ’est à tort », écrit Freud, que « nous étions habitués à croire que toute pensée
latente n’était latent« que du fait de sa faiblesse et qu’en acquérant quelque force, elle
devenait aussitôt consciente.
Nous sommes maintenant convaincus de l’existence de
pensées latentes qui, quelle que soit leur puissance, ne pénètrent pas dans le conscient »
(Métapsychologie, traduit par Marie Bonaparte et Anne....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La vie quotidienne est saupoudrée des rêves, lapsus, actes manqués.
- En plus des actes manqués et des névroses, de quoi se sert la psychanalyse pour accéder à l'inconscient ?
- ACTES RÉGLEMENTAIRES CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES C.E. 10 janv. 1930, DÉSPUJOL, Rec. 30
- droit administratif: Les actes juridiques de l’administration sont-ils toujours unilatéraux ?
- lecture freudienne de la Phèdre