Au delà du principe du plaisir : Les instincts de vie et de mort (Freud)
Publié le 17/09/2006
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Freud avait été troublé par l'incapacité de sa théorie instinctuelle originale à rendre compte de certains aspects du comportement humain qui paraissaient déborder le principe du plaisir, d'après lequel la motivation essentiellement consciente du moi, dérivée des pulsions inconscientes instinctuelles, était de rechercher du plaisir dans la satisfaction de ces pulsions. L'essai définitif de Freud sur la question, dont certains signes avant-coureurs s'étaient présentés de loin en loin dans les écrits antérieurs, fut précisément intitulé Au delà du principe du plaisir, et parut en 1920. On l'a depuis considéré comme un des travaux les plus provocants, les plus discutables de Freud. Il commence par reconsidérer l'économie ou maniement du plaisir, suivant le principe biologique de Fechner, qui propose pour but de l'organisme vivant la stabilité ou la constance, annonçant ainsi le concept d'homéostase de Cannon et la théorie de l'adaptation de Selye, qui tous deux postulent l'équilibre physiologique pour tâche principale de la vie physique. Les remarques de Freud lui-même étaient à cet égard d'une perspicacité surprenante; comme toujours, elles provenaient d'observations cliniques sur ses malades.
«
n'y adhère pas plus que je ne cherche à obtenir pour elles l'adhésion, la croyance des autres.
Ou, plus exactement :que je ne saurais dire moi-même dans quelle mesure j'y crois ".
»Mais bien qu'hésitant d'abord, Freud finit par être convaincu de la valeur de cette idée en tant qu'hypothèse detravail, et donc de sa vérité clinique.
Freud modifia le concept de masochisme, qui cessa de n'être que l'opposé desaspects dominateurs du sadisme au sein de la sexualité primitive, pour devenir lui-même un instinct primaire : unetendance à accepter la sujétion, et finalement la soumission totale et la mort.
Dans l'ensemble de la psychologiefreudienne, l'agressivité et la soumission gagnèrent encore en importance.
Elles devaient ressortir le plus dans lesderniers écrits de Freud, les plus spéculatifs.Il existait enfin des raisons plus profondes, en partie personnelles, en partie scientifiques, expliquant l'importance decette théorie aux yeux de Freud.
Depuis la fondation de la psychanalyse il avait tenté de relier ses brillanteshypothèses à des processus physiologiques et biologiques.
Dès la période immédiatement postérieure à la ruptureavec Breuer, Freud avait espéré parvenir à réaliser la chose; il avait commencé une série d'essais intitulés Esquissed'une psychologie scientifique, en 1895.
Mais il abandonna ce travail et ne le termina jamais.
Néanmoins la questioncontinua de le hanter ; dans l'instinct de mort, il peut bien avoir estimé qu'il existait une correspondance naturelleentre le caractère inévitable de la mort physique et la tendance de l'être humain à l'accepter, même à la rechercherinconsciemment, avec un mélange d'assouvissement biologique et de résignation.« Sans doute, les défauts de notre description disparaîtraient, si nous pouvions substituer aux termespsychologiques des termes physiologiques et chimiques.
Ceux-ci font certes également partie d'une langue imagée,mais d'une langue qui nous est familière depuis plus longtemps et est peut-être plus simple...Et si nous l'acceptions [l'idée d'instinct de mort], c'est peut-être à titre de croyance consolatrice.
Puisqu'on doitmourir et, peut-être avant de mourir soi-même, assister à la mort d'êtres chers, on trouve une consolation à savoirqu'on est victime, non d'un accident ou d'un hasard qu'on aurait peut-être pu éviter, mais d'une loi implacable de lanature à laquelle nul vivant ne peut se soustraire.
»Avec le concept de l'instinct de mort, la libido devait être élargie, agrandie afin de le contrebalancer.
Elle se trouvadonc appelée Éros ou instinct de vie, et comprit toutes les tendances à la survie, aussi bien que la pulsion del'instinct sexuel proprement dit.
Mais tandis que Freud avait exploré à fond les ramifications de la libido, il futcontraint d'abandonner l'instinct de mort à l'état d'un concept que lui-même était théoriquement incapable de menerplus loin.
Son développement, sa source, son élan, son but et ses objets, tout cela se trouve passé relativementsous silence.
L'agressivité faisait manifestement partie de l'instinct de mort; mais l'importance de l'agressivité devaitmaintenant passer à l'instinct de mort, quittant sa première association avec l'activité sexuelle.
Les échosdésespérés qui caractérisent certains des derniers écrits de Freud au sujet de l'avenir de l'espèce humaine et de sescroyances, bien qu'ils ne renoncent jamais à la compassion ni à la foi dans la valeur individuelle, doivent quelquechose à ce concept démoniaque, que Freud avait lui-même créé ou libéré, et qui pouvait apporter si peu deréconfort à son auteur ou à n'importe qui d'autre..
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