L’honneur du politique dans la philosophie grecque
Publié le 12/02/2022
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La référence à l’ordre du monde Que le philosophe (et, par déduction, le politique) doive d’ailleurs commencer ses études par la cosmologie — même s’il ne saurait être question d’y subordonner la pensée tout entière —, on le voit bien, dans la mesure où cette dernière indique l’existence d’un principe d’unité et de totalité (le Bien). La saisie de l’unité et de la garantie de l’ordre le meilleur parce que immuable et incorruptible, celui du monde même (cosmos), permet de dégager des normes stables susceptibles de contrecarrer les sophistes (Gorgias) toujours prêts à justifier toutes choses par le relatif, le conflit ou la force brutale de la nature (phusis). Sachant que les hommes vivent dans les contrées sublunaires, dans la partie du monde soumise au dépérissement, les relations sociales ne cessent de se dégrader, enchaînant entre eux par corruption-dégradation les régimes politiques et leurs résultats désastreux. La responsabilité des philosophes, et particulièrement des politiques, joue ici un rôle central. Dès lors qu’ils peuvent connaître la vérité de l’ordre-un du monde, il leur est aisé de s’attacher à approfondir l’art politique, et de lui conférer une place centrale dans le spectre des savoirs, des activités et des techniques, dans le déploiement d’une action susceptible de maintenir le cap, de relever la politique, en prônant la bonne règle capable d’aller à rencontre de la décadence. La politique n’est pas gestion des choses, mais parole droite énonçant la loi juste.
Par cette référence à l’unité parfaite et toujours identique du monde, Socrate puis Platon (428-348 av. J.-C.) établissent une mesure commune entre justice et politique, Bien et philosophie, excluant les improvisations de la tradition, du mythe ou du récit des poètes (Homère, Hésiode). La tradition jouit d’un caractère sectaire et réservé (les prêtres), engendre des croyances douteuses comme cela se lit dans l’Odyssée : « Quand le roi craint les dieux et pratique la justice, la terre noire produit le blé et l’orge en abondance... » (XIX, 109-114). Le mythe, celui de l’Atlantide par exemple ou celui de Prométhée — selon lequel Hermès, au nom de Zeus, accorde aux hommes de nombreux avantages après la subsistance, dont l’art de régler leurs rapports avec leurs semblables (nomos, la loi, et aidôs, la pudeur), tout en conférant à la justice une situation transcendante —, expose poétiquement l’exigence d’unité sociale, mais sans éclairer pour autant l’art de choisir les lois.
La philosophie, eh revanche, libère les hommes en indiquant la voie et la fin d’une mesure grâce à laquelle ils peuvent disposer leurs relations publiques et privées de telle sorte que l’ensemble s’ordonne harmonieusement, selon une disposition de la parole, une législation humaine digne d’une justice qui assigne à chacun sa place et une tâche dans la hiérarchie des êtres commandée, à l’origine, par le Bien.
La figure de la justice
«
L'honneur du politique
dans la philosophie grecque
Affirmant d'emblée que l'homme est un être de cité, par consé
quent de loi, la politique ne saurait constituer, pour les philosophes
grecs, une question parmi d'autres.
La politique - politeia, vie de
la cité, mais aussi ordre des pouvoirs ou constitution, terme dérivant
de polis (cité, lien tissé par une même loi) - fournit le motif d'une
affirmation, celle de la dépendance du citoyen envers la cité.
Et, par
une telle affirmation, la philosophie se manifeste en public.
D'ailleurs, si l'activité politique est noble par excellence (axios,
digne), le ressort s'en trouve dans le fait que nul citoyen (politès,
le citoyen, dérive de polis) ne saurait rompre son attachement à la
continuité de la cité à laquelle il est destiné, grâce à laquelle il reçoit
son éducation.
Comment pourrait-il se rendre indifférent au lien qui
unifie et perpétue cette cité, au travail accompli en commun au sein
du Conseil - en tant qu'il rend les discours de certains mémo
rables - et à ce qu'accomplissent les juges des tribunaux?
Parmi beaucoup d'autres non moins significatifs, les Grecs
offrent deux témoignages de cet honneur du politique.
D'une part,
ils appellent idiotès le citoyen solitaire qui ne se mêle pas des
affaires de la cité, autrement dit individu« isolé », « insignifiant » ·
(de là dérive« idiot»), incapable d'offrir quelque chose aux autres
et de laisser des traces, sans lieu d'existence et sans titre de nais
sance.
D'autre part, grâce aux réformes de Dracon (621), puis de
Solon (594) - faisant graver les lois -, ils évincent les comman
dements oraux par des lois écrites, et substituent une organisation
civique en dèmes, division qui appelle discussion, aux coutumes et
traditions.
A dire vrai, dans ses disparités mêmes, la conjonction de la phi
losophie et de la politique dans la pensée grecque - conjonction.
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