Les sondages constituent-ils une méthode efficace pour mesurer l'opinion publique ?
Publié le 24/06/2012
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Cette critique repose sur plusieurs arguments: - L'opinion publique (est ou devrait être) une opinion consciente et informée (Critère de rationalité) or les sondages interrogent les gens sur des questions qu'ils ne se posent pas. On leur impose donc une problématique. - La situation d'enquête est une injonction à formuler un avis. Seulement l'opinion n'est pas une donnée immédiate, l'opinion individuelle, qui apparait comme un discours élaboré par une pers, ne peut être convoquée sur le champ par le questionnaire ou l'entretien comme si elle existait toute fabriquée, prête à l'emploi sans subir de motif. Dans tous les cas, il sera plus légitime et plus pratique de donner une réponse, que d'avouer son ignorance ou son indifférence. - Les réponses données seront d'autant plus artificielles qu'elles sont formulées sans enjeu réel pour les enquêtés. Ainsi s'expliquent les écarts entre les sondages préélectoraux et les résultats effectifs. * Nombres d'études (ethnologiques, linguistiques, sociologiques) indiquent qu'il s'agit d'un enjeu concret surgissant lors d'interactions entre individus (conversation au café, bureau...)
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Cette critique repose sur plusieurs arguments:- L'opinion publique (est ou devrait être) une opinion consciente et informée (Critère de rationalité) or les sondages interrogent les gens sur desquestions qu'ils ne se posent pas.
On leur impose donc une problématique.- La situation d'enquête est une injonction à formuler un avis.
Seulement l'opinion n'est pas une donnée immédiate, l'opinion individuelle, qui apparaitcomme un discours élaboré par une pers, ne peut être convoquée sur le champ par le questionnaire ou l'entretien comme si elle existait toute fabriquée,prête à l'emploi sans subir de motif.
Dans tous les cas, il sera plus légitime et plus pratique de donner une réponse, que d'avouer son ignorance ou sonindifférence.- Les réponses données seront d'autant plus artificielles qu'elles sont formulées sansenjeu réel pour les enquêtés.
Ainsi s'expliquent les écarts entre les sondagespréélectoraux et les résultats effectifs.* Nombres d'études (ethnologiques, linguistiques, sociologiques) indiquent qu'il s'agit d'un enjeu concret surgissant lors d'interactions entre individus(conversation au café, bureau...)que l'on fait l'effort de construire ou de rappeler à soi une opinion et de s'y tenir.- Alors que l'opinion est l'expression collective de groupes, de rapports sociaux, dejeux d'acteurs, etc., les sondages en font une simple addition de réponsesindividuelles.
L'opinion publique est ou devrait donc être une opinion concertée (critère de pub)- L'agrégation statistique des jugements individuels revient à postuler que toutes lesopinions se valent.
C'est faire abstraction du fait que certaines personnes ou certains groupesont plus de motivation et d'influence que d'autres.
L'opinion publique (est ou devrait être une) opinion organisée (critère d'effectivité).- Critère d'authenticité : l'opinion publique (est ou devrait être) une opinionspontanée.Ces critiques débouchent, sur une dénonciation des usages politiquesou gouvernementaux qui peuvent être faits de cet artefact pour contrôler l'opinionpublique réelle, défier la voix du peuple lui-même, par la confrontation d'une opinionpublique virtuelle à une parole ou à une action politique spontanées mais progressivementétouffées
On peut donc observer que si, dans le débat naturel, l'opinion est déjà quelque chose de fragile, d'individuellement incertain et de socialementcontingent, la situation de sondage tend à accroitre encore cet aspect en forçant une réponse formalisée, et surtout imposée par un sujet (le sondeur)qui n'est pas un interlocuteur concret.
B- Le sondage: formation ou déformation des opinions ?
- Dans la vie courante, on a généralement le temps de se faire une opinion par l'expérience et la confrontation avec ses proches.
Cette opinion n'est quetemporairement établie, elle peut à tout moment être remise en cause et différer du comportement effectif adopté dans la pratique.-Or, la personne interrogée dans un sondage téléphonique ou en face à face est mise en situation de formuler sans tarder un jugement ou de choisirimmédiatement entre plusieurs jugements qui lui sont soumis, ceux-ci devant s'exprimer dans des formules aux nuances prédéfinies par une gammeétroitement limitée de réponses.- La personne n'a que très peu de moyen de moduler son degré de participation à ce débat artificiel- Ce qui est déjà moins vrai pour les sondages internet ( la personne pouvant réfléchir comme elle le souhaite et sans interférences)- Un effet de conformisme est obtenu lorsqu'il y a une réduction des possibilités d'alternatives ou de nuances qu'implique la situation de sondage- Cela conduit à un résultat d'apparence de consensus.- L'effet de conformisme consiste aussi à attribuer une opinion à des personnes qui n'en ont pas nécessairement une qui soit disponible, avouable ousimplement existante sur la question posée.- Le sondage aurait permis de construire une notion d'opinion publique attribuant une et une seule opinion à une société perçue comme un phénomènesimple et unifié.- La fonction la plus importante du sondage d'opinion en tant qu'instrument d'action politique, consiste à imposer l'illusion qu'il existerait une opinionmoyenne comme sommation purement additive d'opinions individuelles.- Les sondages créeraient ainsi une opinion factice et trompeuse- C'est le danger que représente la « personnification » de l'opinion publique.- Enfin ce n'est pas nécessairement dans l'opinion émise dans les conditions d'un questionnaire que l'individu fait parler sa propre réalité concrète ( lanon-réponse en dit parfois plus long que la réponse forcée)
Ainsi, selon l'universitaire Victor O.Key "Parler avec précision de l'opinion publique est une tâche qui s'apparente à vouloir embrasser le Saint Esprit".
Onne dira donc pas que l'opinion publique n'existe jamais; mais qu'elle semble bien trop "fluide" pour être figée par le sondage..
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