L'abolition de la peine de mort en France
Publié le 27/03/2019
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L'abolition de la peine de mort en France
Le 9 octobre 1981, une loi votée par le Parlement promulgue l'abolition de la peine de mort en France. À cette date, seule la Turquie, en Europe, maintient ce châtiment auquel les autres pays ont commencé à renoncer depuis 1867.
Le Pendu, lavis sépia de Victor Hugo, peint à Jersey, en 1854
En 1981, l'élection présidentielle puis les législatives ont ouvert de vastes controverses sur les programmes respectifs des candidats. L'abolition de la peine de mort était inscrite dans le programme de François Mitterrand et, dès la lourde session parlementaire d'automne, la nouvelle majorité socialiste annonce des réformes de haute portée symbolique, notamment dans le domaine de la justice. Le débat sur l'abolition de la peine de mort s'engage, brillamment défendu par le Garde des Sceaux Robert Badinter, porteur du projet et célèbre avocat abolitionniste de longue date. -
À la fois de portée éthique et institutionnelle, la réflexion révèle également la position personnelle de chaque parlementaire, au-delà de son appartenance politique. Le 19 septembre, les députés adoptent le texte par 369 voix, soit celles de la gauche auxquelles se sont joints 16 RPR dont Jacques Chirac, chef de l'opposition, et 21 UDF. Au Sénat, le 30, le texte est entériné par 160 voix contre 126 et la loi est promulguée le 9 octobre.
Déjà, lors des précédentes législatures, bien des voix s'étaient élevées pour abolir cette peine jugée barbare et dépassée. Pour les uns, l'État n'a pas le droit de vie sur l'individu et ne peut, à froid, exécuter un homme par vengeance en prenant, de surcroît, le risque de commettre une erreur judiciaire irréparable. Pour les autres, la mort fait partie de la gradation des peines encourues, l'exécution, jugée exemplaire, mettant un terme au danger que représente la vie d'un criminel pour celle des citoyens.
Dans le contexte européen, la France fait aussi figure d'accusée. Déjà, en 1867, le Portugal avait aboli la peine capitale, suivi des Pays-Bas en 1870 et de la Norvège en 1905. Depuis la Seconde Guerre mondiale,
1981
«
Le
Pendu,
lavis sépia de
Victor Hugo,
peint
à Jersey,
en 1854 L'a
bolition de la pei ne de mort
en Fran ce
Le 9 octobr e 19 81, une loi votée par le Parlemen t
prom ulgue l'abolition de la peine de mort en France.
À cette date, seule la Tur quie , en Eur ope, main tient
ce châti ment auquel les autres pays ont comme ncé
à re nonc er depuis 1867.
E n 1981, l'éle ction présiden
tielle
puis les législa tives ont
ouvert de vastes controverses
sur les prog ramme s respectifs des
ca ndida ts.
L'abol ition de la peine de
mor t éta it inscrite dans le pro
gramme de François Mitterra nd et,
dès la lourde sess ion parlemen tair e
d'a utom ne, la nouv elle majori té
so cialis te annonce des réformes de
ha ute portée symbolique, notam
ment dans le domaine de la justice.
Le déb at sur l'abolition de la peine
de mor t s'engage , bri llamm ent
déf endu par le Gar de des Sceaux
Robert Badinter, porteur du projet et
célè bre avocat abolitionn iste de
longue date.
À la fois de por tée éthique et
in stituti onnelle, la réflexion révèle
égalemen t la pos ition personnelle de
chaq ue parlemen taire, au-delà de
son appar tenance politique.
Le
19 sept embr e, les dépu tés adoptent
le texte par 369 voix, soit ce lles de la
gauche auxquelle s se sont joints 16
RPR dont Jacques Chirac, chef de
l' opp osition, et 21 UDF.
Au Sénat, le
30, le texte est enté ri né par 160 voix
contre 126 et la loi est prom ulguée le
9 octobre.
Dé jà, lors des précédentes législa
tu res, bien des voix s'étaient élevées
pour abolir cette peine jugée
barbare et dépassée.
Pour les un s,
l' État n'a pas le droit de vie sur
l'indi vidu et ne peut, à froid, exécu
ter un homme par vengeance en
prena nt, de su rcroît, le risque de
co mme ttre une erreur judiciair e
ir répa rable.
Pour les autres, la mor t
fait partie de la gradation des peines
encourue s, l'exécu tion, jugée
ex emplair e, met tant un terme au
danger que représente la vie d'un
cri minel pour celle des citoye ns.
Dans le cont exte européen, la
Franc e fait aussi figure d'accusée.
Dé jà, en 1867, le Port ugal avait ab oli
la peine capitale, suivi des Pays-Bas
en 1870 et de la Nor vège en 1905.
Depuis la Seconde Guerre mondia le, d'a
utres pays ont suivi, jusqu'à
l' Espagne en 1978.
Les organ ismes
in ternati onaux, asso ciations huma
ni tai res et autori tés morale s,
no tamm ent religieus es, s'op posent
au ssi à ce châtiment jugé inhumain
et indigne des sociétés modernes.
Le garde des Sceaux Robert Badinter, lors
du débat sur l'abolition, en 1981
Enfin, même si les prés idents de la
Répu blique usent fréquemment de
leur droit de grâce, il demeur e, de
19 62 à 1980, 43 co ndamna tions à la
pe ine capitale dont 14 exécut ions.
Par ailleur s, certa ins verd icts ne font
pas l'unanimi té auprès d'une opinion
qui doute parfois de la justice.
En
19 76, la condam nation très contestée
de Chris tian Ranucci relance forte
ment le déb at qui aboutit cinq ans
plus tard.
Cette victoire de l'ab olition est
au ssi celle d'un long combat mené
depuis les réflexions de l'It ali en
Becca ria au XVIII' siècle.
Si promp te à
uti liser la guil lotine , la Révolution
fra nçaise se contente d'un souhait de
la limi tation du châtiment et uni
fo rmis e pour tous le mode d'exéc u
tion, élimin ant les suppl ices prélimi
nair es.
Vic tor Hugo, Victor Shoelcher ,
La mar tine , puis Gambetta, Clemen
ceau, Jaurès et Aris tide Briand
s'engagent pour l'abolition.
Rien n'y
fa it, face aux représenta nts d'une
partie de l'opinion hostile à la tolé
rance et qui se man ifestera encore
plusieur s anné es après l'ab olition .
Les
apôtres de l'abolition
1764
Cesare Beccaria
Le premi er, l'Ita lien exprime
une opposition à la pein e de
mor t dans son livre Traité
des délit s et des peines.
Hormis deux cas relevant de
l'i nté rêt général et de la
sécurité de la nation, il se
prononce pour le rempl ace
ment du châtiment par un
esclavage perpétuel.
1848
Victor Hugo
Es timant que la peine de mort
est le signe spécial.
éternel, de
la barbarie, Hugo, s'adressant
à l'A sse mblée constituante,
la nce : « Vous venez de consa
crer la première pensée du
peuple : vous avez renversé le
tr ône.
Maintenan t, consacrez
l'au tre : renversez !"écha
fa ud ».
Seule l'abolition pour
raisons politiques est votée.
1870
Ivan Tourguenie v
Après avoir assis té à une
exé cution publique qui
déchaîne les plus bas ins
tincts morbides d'une foule
veng eresse, Tourguénie v
écrit : « Quelle utilité, si
minime soit elle.
ont -ils pu
tirer de cette nuit d'in
so mnie , d'iv resse, de fainé
an tise, de perver sion 7 [ ...
]
De quel droit fait-on tout
cela 7 Comment soutenir
cette routine révoltante ? )}
19 08
Jean Jaurès
En défendant le projet de loi
déposé par Aristide Brian d,
min istre de la Justice, Jaurès
met tout son poids en faveur
de l'abolition.
En vain, car le
cli mat d'insécurité de l"é
poque, l'éloquen ce de Barrès
et les posit ions de la droite
catholique font échec au
projet.
Albert Camus et Arthur
Koestler 19
57
Les deux écrivains dans leur
ouvrage Réflexions sur /a
peine capitale portent un
ju gement abolitionn iste qui
sen sibil ise forte ment l'opi
nion :.
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