La notion du bien commun
Publié le 17/11/2022
Extrait du document
«
Introduction
Aristote a défini l’homme comme un animal politique, fait pour vivre avec ses
semblables dans une communauté.
Elle est le cadre idéal dans lequel la personne est en
rapport avec d’autres personnes humaines.
En tant qu’individu, l’homme a ses aspirations et
ses valeurs propres, mais en même temps, il appartient aussi à une société qui a également ses
exigences et ses valeurs.
Ainsi, qu’est- ce qui doit être prioritaire : le bien commun de la
société ou la propriété privée de l’individu vivant dans la société ? L’auteur de l’article se
propose pour but de parvenir à une juste appréhension du bien commun à travers une étude
synthétique des systèmes économiques que sont le capitalisme de tradition libérale et le
socialisme de tradition collectiviste.
Analyser le fondement et le contenu anthropologique du
bien commun pour en déduire les applications éthiques après avoir préalablement examiné les
mérites et les limites des systèmes capitaliste et socialiste.
Mettant en évidence l’expérience
africaine du socialisme initié par Julius Nyerere, la réflexion chutera en conclusion sur la
nécessité d’approfondir la solidarité africaine traditionnelle comme piste de recherche pour
une meilleure appréhension du bien commun par-delà les considérations ethnocentriques ou
tribales.
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I.
Confrontation historique entre capitalisme et collectivisme
socialiste.
La première partie de cet article est décernée à la confrontation, historique entre le
capitalisme et le collectivisme socialiste.
L’auteur, en s’appuyant sur Werner Sombart, ressort
les trois éléments constitutifs des deux systèmes économiques, élaborés sur la base de deux
approches du bien commun et de la propriété privée, que sont le capitalisme et le socialisme.
Ils se sont constitués autour de trois éléments fondamentaux selon la thèse de Werner
Sombart 1 que sont: l’esprit, entendu comme ensemble de motivations prédominantes dans
l’activité économique ; la forme, désignant l’ensemble des facteurs socio-juridiques qui
l’encadrent institutionnellement ; la substance, c’est-à-dire la technique ou l’ensemble des
processus à travers lesquels s’obtiennent et se transforment les biens économiques.
Pour une
meilleure intelligibilité de notre travail, il est convenable de ressortir les genèses respectives
du capitalisme et du socialisme, ainsi que leurs caractéristiques essentielles et variantes
historiques.
1- Le capitalisme et ses caractéristiques
Le capitalisme se conçoit comme un régime économique dans lequel les moyens de
production (capital financier, machines, usines, sources d’énergie) relèvent de la propriété
privée.2
Le système capitaliste, d’après l’auteur, trouve un meilleur approfondissement dans la
pensée de Weber.
En effet, ce dernier développe une thèse selon laquelle le calvinisme et le
puritanisme constituent le fondement spirituel de l’idéologie capitaliste.
3 Ce système a une
diversité d’angulations épistémologiques ; que ce soit sur les plans religieux, politique et
économique.
Sur le plan religieux ; nous connaissons la volonté et la bienveillance de Dieu quand les
affaires sont bénies et que le travail prospère.
Ainsi naissait un activisme accéléré fondé sur
des motivations religieuses.
1
W.
SOMBART, Die Ordung des Wirtschaftslebens, Springer, Berlin, 1924, cité par
Thomas Bienvenu TCHOUNGUI, Le bien commun dans les traditions du capitalisme et du
communisme, In Xavier DIJON, Marcus NDONGMO (dir), L’éthique du bien commun en
Afrique, regards croisé, Paris, L’harmattan, 2011, p.
80.
2
Gérard DUROZOI, Dictionnaire de philosophie, Paris, Nathan, 2009, P.60.
3
M.
WEBER, L’Ethique protestante et l’Esprit du capitalisme, Paris ,Agora, 1985.
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Vu sous un angle politique, le capitalisme tire substance du droit naturel de Locke et
Rousseau qui stipule que « l’homme naît parfait et libre, et donc il vaut mieux le laisser à luimême pour qu’il se développe ses facultés morales […] ; la société atténue les dons
individuels.
4»
Sous le prisme économique, la doctrine maîtresse du capitalisme est la physiocratie ; qui
sous-entend que « la liberté de l’homme est le principe de la vie économique ; l’égoïsme et
l’instinct sont le moteur de la richesse »5.
Vu à partir de la structure tripartie de Sombart, le capitalisme se distingue comme un
système d’activité économique qui recherche un bénéfice maximal.
Ce qui se traduit dans ce
triple esprit : le lucre pousse à l’accumulation sans cesse croissante du profit ; la concurrence
est exacerbée par un individualisme déconcertant ; la rationalisation vise à évaluer toutes les
choses en termes de rendements et de coûts.
Du point de vue de la forme, l’organisation sociale et juridique du capitalisme met
l’accent sur la propriété privée des moyens de production ; la considération du travail comme
une marchandise offerte et recherchée dont le prix est le salaire.
La substance est marquée par
la promotion de la technique en progrès constant et sans cesse renouvelée.
Le capitalisme peut se définir finalement comme un système d’organisation de la production
économique qui attribue au capital une valeur absolue indépendamment de sa structure
institutionnelle.
Cette structure économique donne le primat au capital financier et à la
marche de la grande entreprise.
2- Le socialisme et ses variants
L’esprit du collectivisme naît du désir de contrecarrer les fluctuations économique et
financières du capitalisme et les conséquences sociales qui en résultent.
Au niveau formel, ce
système est caractérisé par la collectivisation des moyens de production essentiellement
placés sous l’emprise de l’Etat.
La technique se veut appropriée à la structure interne du
système qui recherche l’harmonie au risque de sombrer dans la monotonie.
Du point de vue
historique, le socialisme initial a connu trois principales orientations 6: d’abord le socialisme
4
Thomas Bienvenu TCHOUNGUI, Le bien commun dans les traditions du capitalisme et
du communisme, In Xavier DIJON, Marcus NDONGMO (dir), L’éthique du bien commun
en Afrique, regards croisé, Paris, L’harmattan, 2011, P.80
5
Ibidem, P.81.
6
C.
GIDE et C.
RIST, Histoires des doctrines économiques depuis les physiocrates
jusqu’à nos jours, réédition présentée par A.
L.
COT et J.
LALLEMENT, Dalloz, Paris,
2000, cité par Thomas Bienvenu, p.
83.
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utopique ou romantique qui décrète l’abolition de la propriété privée et suggère diverses
méthodes pour guérir les injustices sociales.
Le deuxième groupe, formé de socialistes
anarchiques, préconise l’anéantissement de tout pouvoir politique ; pour ces auteurs, il faut
tout détruire pour ensuite tout recréer.
Le troisième groupe se veut réformiste ou économique ;
ses partisans récusent les idées révolutionnaires des anarchistes et des romantiques et
encouragent plutôt la rationalisation progressive du travail et une organisation légale de
l’entreprise à travers un système coopératif dans lequel ouvriers et patrons collaborent et
participent à la vie de l’entreprise.
L’essentiel devant consister en une socialisation de la
propriété privée.
Après ces premières approches survint le communisme marxiste initié par
Karl Marx.
- Le marxisme
Marx préconise une révolution sociale en créant « une association où le libre
développement de chacun est la condition du libre développement de tous.
» Son objectif est
de libérer les individus et les peuples prolétaires de la triple aliénation du capitalisme :
Religieuse parce que la religion, perçue comme une structure du monde capitaliste, endort le
prolétariat à travers le désir de la vie céleste ; politique car l’Etat libéral se trompe en
prétendant d’avoir libéré les hommes de l’alliance Eglise-Etat ; enfin, économique, puisque
l’économie capitaliste est exploitation du pauvre.
- Le socialisme africain de Nyerere
En s’engageant dans le socialisme, les pères du socialisme africain sont partis du
constat que leurs pays respectifs ont en commun un certain nombre de traits tels que
l’analphabétisme, la sous-alimentation, la sous- productivité des potentialités naturelles,
l’absence d’accumulation interne et l’insuffisance des cadres techniques.
L’ensemble de ces
phénomènes se traduisant par un niveau de vie dérisoire et une faiblesse des moyens pour y
faire face.
Il est question d’engager le peuple dans la voie d’une économie socialiste tenant
compte des réalités propres à l’Afrique.
Nyerere pense que le développement est d’abord l’épanouissement de l’individu
créateur et libre.
De même, l’ensemble de la nation ne sera autre que l’esprit qui préside au
village.
Quant à l’activité humaine, elle s’exercera dans la productivité et dans la solidarité
sans qu’elle aille engraisser une nouvelle caste d’exploiteurs.
Il conçoit le socialisme comme
« une attitude de l’esprit ».
D’où la nécessité de développer un socialisme solidaire à l’image
de la société africaine traditionnelle, où nul n’était privé de nourriture ou de dignité par simple
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manque de richesse personnelle : chacun pouvait compter sur la richesse de la communauté
dont il était membre.
De là découle la fameuse théorie de l’UJAMAA ou fraternité qui
symbolise le socialisme africain développé par Nyerere.
II.
La dialectique du bien commun et de la propriété.
Cette dialectique, l’auteur la bâtit en partant du droit naturel.
Est-ce naturel pour
l’homme d’avoir des biens qui lui soient propres ? Qu’est donc la propriété ?
De par son étymologie « Proprius » qui signifie « proximité », la propriété désigne ce qui est
voisin, proche, voire ce qui appartient de manière spécifique à une personne.
Il peut donc être
de tout ordre (matériel, formel, organique, psychologique, etc.)
Pour St Thomas d’Aquin, nul ne peut de manière absolue se prévaloir de posséder un
quelconque bien par sa nature d’homme.
Seul Dieu le créateur est possesseur.
Quant à
l’homme il est juste utilisateur des biens que la création met à sa disposition.
Sur la même
question, la pensée sociale de l’Eglise estime que les possessions des biens extérieurs est
naturelle pour l’homme et cela en vertu même du pouvoir à qui lui a été conféré par le
Créateur comme seigneur de la création.
Il ressort de cette première analyse que la possession
absolue des biens de la création relève de Dieu seul et que l’homme est possesseur
simplement en vertu du droit d’usage.
Dans la société, le droit à la propriété est avant tout une exigence même de la nature humaine
avant d’être un bien que l’institution accorde à l’individu.
Cependant, la propriété bien
qu’étant propre à l’individu, doit tenir compte de la collectivité.
L’auteur consacre la deuxième partie de son analyse à examiner de la dimension
communautaire de la propriété.
On retient de prime abord, qu’outre le caractère individuel de
la possession, elle peut être également anonyme, publique, familiale ou sociale.
Pour accéder
légitimement à la propriété, l’homme doit faire usage de son intelligence et de ses capacités
dans le travail.
C’est le travail qui confère un droit de propriété sur les bien terrestre que
génère l’homme7.
Cependant, les biens individuels devront servir au bien commun comme le
souligne St Thomas d’Aquin.
Pour cela, l’homme ne doit pas regarder les choses comme étant
exclusivement personnelle, mais comme étant communes de sorte que l’usage qu’on en fait
respecte les nécessités non seulement du bien-être personnel mais aussi des attentes légitimes
7
Cf.
Thomas Bienvenu TCHOUNGUI, Le bien commun dans les traditions du capitalisme
et du communisme, In Xavier DIJON, Marcus NDONGMO (dir), L’éthique du bien commun
en Afrique, regards croisé, Paris, L’harmattan, 2011, p.92.
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du prochain aussi bien dans la procuration que dans l’administration 8.
St Thomas pose ainsi le
droit de la propriété privé comme un droit secondaire et non absolue et inséparable du devoir
fondamental de servir le bien commun.
Dans une société où la propriété privée est
absolutisée, l’homme fini par sombrer dans un esclavage aussi dur.
La propriété privée recèle aussi des limites que l’auteur s’attèle à relever.
Dans l’ordre
de l’existence, le droit à la propriété privé reste un droit potentiel car l’individue est appelé à
mourir et par conséquent, ne saurait être un propriétaire absolu de ses biens.
Dans l’ordre de
l’usage de ce droit, certains biens lui échappent complètement et il ne peut faire usage que
d’une partie de son patrimoine.
Il est donc évident que ce droit de propriété comme le défend
l’Eglise, ne consiste que dans une sage administration et non dans un pouvoir d’user et
d’abuser ; et ce par un devoir de justice et non simplement par charité.
Dans le cas de rapport conflictuel entre droit privé et exigence de bien commun, l’Etat a le
devoir de trouver une solution en tenant compte du respect du principe de subsidiarité dans la
gestion du bien commun.
III.
La question du bien commun.
Il est question dans cette partie de saisir le sens du bien commun.
Pour ce faire, le
professeur TCHOUNGUI propose de tenir compte de deux critères d’évaluation que sont la
fonctionnalité et le contenu.
Dans l’histoire de la philosophie, ce concept est complexe et difficile à cerner car
c’est un concept à contenu variable.
Pour les libéraux, le bien commun se comprend comme
une sommation des bien individuel et en ce sens, la promouvoir le bien commun revient tout
simplement à favoriser l’accroissement des biens individuels.
Par contre pour les socialistes,
le bien commun n’est rien d’autre que le bien social c’est-à-dire, la réalité historique qui
absorbe l’individu et dans cette perspective, la promotion du bien commun procède par la
défavorisation de l’individu au profit de la société.
L’Etat dans sa mission régalienne a la lourde responsabilité de promouvoir le bien
individuel du citoyen et le bien commun et de respecter les droits de chacun.
Dans l’ordre de
la fonctionnalité, le bien commun n’est pas la communication du....
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