LA CONSTRUCTION DE L'ETAT NATION
Publié le 29/06/2012
Extrait du document
-Le drapeau tricolore est adopté officiellement en 1794. -Lors de la Révolution de 1848, si le drapeau tricolore est adopté par le gouvernement provisoire, c'est le drapeau rouge qui est brandi par le peuple sur les barricades en signe de révolte. -Le sentiment d’appartenance nationale se construit donc sur le fait de partager les mêmes symboles. Il se renforce aussi par les commémorations et notamment celles qui donnent lieu à des jours fériés -Chaque année, c’est l’occasion de rappeler à la Nation son histoire, le sacrifice des siens pendant les guerres. -Les commémorations des 11 novembre et 8 mai. Il s’agit de faire en sorte que la mémoire de ces événements ne s’atténue pas avec la disparition des derniers survivants. Obsèques nationales annoncées pour le dernier des « poilus « vivant. -Ces commémorations tendent à faire disparaître les divisions internes de la nation, à célébrer son unité. -Aujourd’hui, batailles nombreuses autour des commémorations, parce que les nouvelles commémorations envisagés (celles des crimes coloniaux par exemple) sont perçus comme des facteurs de division de la nation. -La nationalisation des consciences passe aussi par le quotidien. Le fait d’avoir dans la plupart des villes les mêmes noms de rues, de place (commémoration des victoires ou des grands hommes). On partage le même patrimoine littéraire, architectural, politique, mais aussi des « grands hommes «.
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ce cas, le nationalisme se confond en fait avec la notion d' « impérialisme ».-Pour l'historien, théoricien du politique Ernst Gellner ce n'est pas la nation qui crée le nationalisme mais bien l'inverse (_Nations et nationalismes, _Payot, 1989).C'est le nationalisme qui crée la nation, la nation résultant alors d'une construction sociopolitique.-Le nationalisme « invente » des traditions communes parfois dépourvues de tout historique afin d'unifier l'imaginaire des nations, impose des langages pourrenforcer leur cohérence et leur mobilité interne, et parvient ainsi à s'assurer la loyauté des citoyens.
Ces analyses présentent l'intérêt de situer l'État au cœur duprocessus de formation des identités nationales et de ne pas présenter ces dernières comme des données préexistant à la création des Etats-Nations-L'émergence de l'État ne se limite donc pas aux processus de monopolisation militaire et fiscale évoqués dans le chapitre précédent.
Ces 2 monopoles ne sont passuffisants pour spécifier la configuration sociale que constitue l'État-nation.
Historiquement, la concentration du pouvoir militaire et fiscal dans un appareiladministratif centralisé s'accompagne de l'inscription spatiale et nationale de l'exercice de cette puissance.-La nation est une représentation subjective-On a déjà abordé ce point avec Renan, Weber a également consacré une partie de son œuvre à cette ?.-Ce n'est donc pas la ressemblance objective qui fonde le lien national (ou ailleurs une quelconque identité commune), mais la perception qu'ont les acteurs de lafrontière entre le semblable et l'autre.-Et cette perception est historiquement situé, dépendante d'un contexte, d'une époque.
Ce qui était considéré comme dissemblable hier (le breton et le normand ; lefrançais et l'allemand ; le blanc et le noir ; le protestant et le catholique ; le féminin et le masculin ; l'homosexuel et l'hétérosexuel…) pourra être considéré commesemblable demain, en raison d'un changement des représentations sociales, comme n'étant pas susceptible de fonder en soi une différence socialement, politiquementsignifiante.
+ précisément, c'est le sentiment de partager certaines valeurs et/ou représentations qui fondent la réalité subjective de la nation.-On va voir maintenant quelles conséquences concrètes et juridiques va avoir cette émergence de l'Etat-Nation.
-Si la Nation devient le principe majeur de légitimitédu pouvoir avec la notion de souveraineté nationale, il faut distinguer les nationaux des non-nationaux.
Il faut pouvoir identifier les membres de la Nation pours'assurer qu'ils puissent exercer leurs droits mais aussi, voire surtout, qu'ils respectent les devoirs associés à ce statut de citoyen national (notamment le servicemilitaire…).-Les pratiques d'identification des citoyens à travers l'Etat civil et celle des étrangers sont donc intimement liées au développement de l'Etat nation.
Au fur et à mesureque les techniques d'identification vont se bureaucratiser, les identités nationales vont devenir des « identités de papier », avec une emprise croissante du droit dansleur définition/codification.
Elles vont aussi se consolider sous l'effet de l'immigration, en s'appuyant sur la distinction croissante entre les nationaux et les étrangersvivant sur un même territoire.-Il y a évidemment un lien logique entre cet article et ceux qui définissent les critères de résidence, de filiation, d'âge et de statut qu'il faut remplir pour être citoyenfrançais.
On reviendra sur ces critères dans le chapitre sur la citoyenneté.-Des procédés d'identification existaient déjà sous l'Ancien Régime, notamment pour permettre les prélèvements fiscaux.
Mais c'est l'Eglise qui tenait les registresdes naissances, des mariages et des décès au niveau des paroisses.
Avec la révolution française, on assiste à une laïcisation, à une étatisation de l'Etat-civil.
C'est uneconséquence directe et concrète de la rationalisation juridique qui se développe dont on a étudié la genèse dans le chapitre sur l'Etat moderne.-À partir de la Révolution française, c'est donc dans les municipalités que doivent être déclarés les naissances, les mariages et les décès.
Les révolutionnaires veulentinstaurer un véritable rituel civique qui se substituerait au rituel religieux.-Un député de 1792 déclare ainsi « il faut construire dans toutes les communes de l'Empire un monument simple mais respectable pour tous les amis de la liberté.
Ilfaut dans chaque commune qu'un autel, formé d'une pierre sur laquelle sera gravée la DDHC, soit élevé à la patrie.
Que devant cet autel se fassent toutes lespublications, tous les actes qui intéressent l'état civil et politique des citoyens ».-L'instauration d'un tel rituel civique a pour but de montrer qu'en déclarant son état civil à l'officier municipal l'individu devient membre de la communauté nationale,de même que le baptême marque l'entrée dans la communauté des chrétiens.-Il est important d'expliciter d'abord ce que l'on entend par immigration.-Depuis le début de l'humanité, il y a toujours eu des déplacements d'individus, donc des migrations, mais elles obéissaient à d'autres logiques que celles qui voient lejour à partir du 19ème, avec le développement de l'industrie.
Les migrations étaient alors liées au flou des frontières, aux conquêtes guerrières, mais aussi auxpériodes d'instabilité ou de persécutions religieuses.-Le grand changement, c'est la structuration des Etats nations.
L'immigration en est une conséquence directe.-En théorie, c'est la Révolution française qui marque la rupture fondamentale avec le principe de la souveraineté du peuple : ce dernier a le droit de circuler librementsur son territoire, mais aussi celui d'en refuser l'accès à des individus appartenant à d'autres nations.
Mais ce principe ne s'est traduit complètement dans les faits qu'àla fin du 19ème, avec la mise en place d'une administration suffisamment forte pour réglementer et contrôler de + en + efficacement les déplacements des individus.-Le droit de nationalité repose sur une combinaison entre droit du sang (naître d'un parent Français) et droit du sol (être né sur le territoire français).*SOUS L'ANCIEN RÉGIME : seul le roi peut délivrer des "lettres de naturalité" conférant aux "aubains" (étrangers vivant sur le territoire) la qualité de "régnicoles"(ou sujets du roi).
A la veille de la Révolution, le "jus sanguinis" (droit du sang) et le "jus soli" (droit du sol) se combinent.-Le droit de la nationalité a longtemps été très différent en Allemagne où s'est développée une conception essentialiste et ethnique de la nation.
Dans la périoderécente, la législation a évolué dans le sens d'une + grande prise en compte du droit du sol.-Il reste cependant + difficile qu'en France pour des immigrés installés depuis des décennies en Allemagne, par ex des turcs, de devenir allemand.
Leurs enfants nésen Allemagne n'ont pas la possibilité comme en France de devenir allemands à leur majorité.
A l'inverse, les populations d'origine allemande qui s'était implantées enRussie (ensuite URSS) ont pu revenir en Allemagne dans les années 1990, en bénéficiant de la reconnaissance de leur nationalité, sans avoir vécu dans le pays (unesorte de droit du retour découlant là encore d'une conception ethnique de la nation).-La conception de la nation et les processus de construction de l'Etat-Nation, différents d'un pays à l'autre, ont encore des conséquences très concrètes aujourd'huimême si on observe pour l'Europe une tendance à une certaine convergence des législations.Section 2 : La Nation, une « communauté imaginée » (B.
Anderson)-Le titre est emprunté à un auteur américain, Bénédict Anderson.-Il met en évidence comme d'autres auteurs, notamment Anne-Marie Thiesse (_La création des identités nationales_, le seuil 2001), le caractère construit des nationset des identités nationales et en démontre donc l'historicité.-Ce sont donc bien des processus de construction des identités nationales, des traditions nationales qui sont au principe de la création des nations et non l'inverse.
Cene sont pas les traditions qui créent les nations.
C'est le besoin de créer les conditions objectives et subjectives d'un sentiment d'appartenance nationale qui expliquela valorisation de la langue, du patrimoine, des ancêtres, valorisation qui est d'abord l'œuvre de l'Etat : création de traditions, d'évènements fondateurs (comme dansle cas Français le sacre de Charlemagne ou le baptême de Clovis).
Ces évènements sont « relus », « réinterprétés » comme évènements fondateurs dans le cadre d'unprojet politique qui leur est postérieur de plusieurs siècles.-Pour Anne-Marie Thiesse ; la construction des identités nationales s'est appuyée au 19ème sur 3 éléments majeurs :L'identification des ancêtres qui inclut l'élaboration de mythes fondateurs.La fabrication de la langue nationale et le travail d'extinction des langues régionales ou antérieures (qui s'est maintenu jusqu'à très récemment et qui d'une certainemanière se poursuit toujours, même de manière + douce)Le folklore et la culture de masse qui, à chaque époque sous des formes spécifiques, a permis la diffusion et l'éducation au national.-La nation est donc une invention et "le sentiment national n'est spontané que s'il est parfaitement intériorisé ; il faut préalablement l'avoir enseigné" ou + exactementinculqué.-Un énorme travail pédagogique a donc été accompli, d'abord à l'école naturellement, mais aussi par ce qui à chaque époque était les moyens de communication demasse : chansons, bals patriotiques, cartes postales, assiettes décorées, costumes nationaux… et par ce que l'auteur appelle les producteurs et diffuseurs de patrimoine: intellectuels, poètes, associations culturelles, concepteurs d'expositions et de musées…-L'enseignement de ce patrimoine national n'a pas oublié d'inclure les particularismes régionaux, lesquels, après avoir été découragés ou brimés, ont ensuite étévalorisés en tant qu'illustrations de la diversité et de la richesse de l'identité nationale (Voir Le Puy du fou en vendée : l'histoire mise en scène, par Charles Suaud etJean Clément Martin).-Ici on s'appuiera exclusivement sur le cas français.-Question qui se pose : comment s'est faite la nationalisation de la société française ? Le sentiment national n'étant pas inné, comment les Français ontprogressivement intériorisé une identité nationale ?.
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