La conception du pouvoir dans la France du XVIIIe siècle
Publié le 01/09/2012
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Le pouvoir royal doit réussir une saisie du territoire afin d'imposer son autorité, et ce grâce à l'aide d'autres autorités par exemple le clergé séculier. Aucune autre institution n'est plus proche des habitants. Il y a 139 diocèses, et 40 000 paroisses sous Louis XVI. Le curé diffuse les annonces officielles. Les seigneurs laïcs et ecclésiastiques sont un second relais de l'autorité monarchique. Il existe toujours les justices seigneuriales (affaires féodales, foncières, police rurale, succession,...) Ces juridictions sont inégales : actives et sérieuses en Normandie, médiocres en Auvergne par ex. Ces relais peuvent être aussi la Ferme et la Régie générale des aides. La Ferme générale concerne un grand nombre de français par ses contrôleurs et par l'importance des gens intéressés à son maintien. Leur centre est à Paris et ils possèdent des bureaux hiérarchisés dans le territoire. Le ministre Calonne dit en 1787 : "On ne peut faire un pas dans ce vaste royaume sans y trouver des lois différentes, des usages contraires, des privilèges, des exemptions, des affranchissements [d'impôts], des droits et des prétentions de toute espèce : et cette dissonance générale complique l'administration, interrompt son cours, embarrasse ses ressorts et multiplie partout les frais et le désordre" (Archives parlementaires, t. I) La connaissance de la population et de l'espace s'améliore sensiblement. L'Etat a besoin du clergé et d'initiatives personnelles. L'ordonnance de Saint Germain en Laye de 1667 prévoyait la tenue de deux registres par les curés, un pour la paroisse, l'autre pour le greffe de la justice royale. Une déclaration de 1736 impose un contenu détaillé des actes de baptême, mariage et sépulture. Le nombre des sujets du roi reste inconnu. Le souci du dénombrement domine le premier tiers du siècle. On réalise des estimations et vers 1780, pour les autorités, la France compte entre 23 et 30 millions d'habitants, 29 millions selon les historiens démographes d'aujourd'hui. En revanche la cartographie est en retard. L'espace français reste difficile à penser comme un tout.
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étaient déjà unis juridiquement).
C) Un déficit constant pour des abus permanentsIl n'y a d'administration financière que pour la fiscalité directe et les pays d'élection.
Ceux ci forment 20 généralités à la fin du siècle.
C'étaient des territoires sansautonomie provinciale.
Il existe des pays d'états, assemblées régulières consentant l'impôt.
Des organes veillent à la perception voire la gestion.
Enfin, on trouve lespays d'imposition administrés par les intendants.
A ceci s'ajoutent les différences de régime fiscal.
Pour la fiscalité directe, on distingue la taille personnelle assisessur les revenus présumés de la taille réelle qui tient à la nature des biens fonds (ce sont les biens roturiers quelle que soit la nature du possesseur.
Elle est assise surdes sortes de cadastre.
La répartition de la taille est très déséquilibrée entre pays d'états et pays d'élections, ceux ci étant beaucoup plus imposés encore que lasituation soit encore variée.Pour la fiscalité indirecte, on a cinq grosses fermes couvrant le bassin parisien, le Poitou etl'Aunis, les provinces réputées étrangères (rattachées depuis le XVI e etl'Alsace Lorraine).Pour le sel, il existe six grandes divisions :- les pays de grande gabelle (supportant l'essentiel de la charge fiscale, ex : Bassin Parisien),- les pays de petites gabelles (prix plus bas car la demande est inférieure),- les pays de salines (Lorraine, Franche Comté),- les pays de quart bouillon dont le sel mêlé de sable est pris sur les plages de Normandie et obtenu par décantation (le quart du prix va au trésor royal), les paysexempts (commerce et prix libres : Bretagne, Poitou,...),- les pays rédimés (rachetés, le sel est bon marché).
III.
Un mécontentement généralLa phase de prospérité amorcée vers 1730 continue durant cette dernière partie du règne.
Cette richesse se voit sur les marchés, où le grain récolté en abondance sevend bien auprès d'une population en nette augmentation.
Elle se lit dans le livre de comptes du marchand fabricant qui fait travailler activement le mondetraditionnel de l'échoppe et de la boutique, mais commence aussi à s'intéresser au progrès technique et à la création des premières usines modernes.
Plus encore, c'estsur les quais des ports atlantiques où la foule des portefaix, des marins, des brassiers ou des commis d'armateurs ou de négociants s'affaire que l'on peut juger del'enrichissement de la France.
Mais cette prospérité est inégalement répartie.
A) Les ambitions d'une bourgeoisie enrichieLa bourgeoisie cherche à imiter le mode de vie des nobles.
En achetant des charges d'officier ou de finances, les offices, elle s'élève au rang de la noblesse de rang.L'élite intellectuelle du tiers aspire à participer davantage à la politique, à l'administration et aux commandements militaires.
Une fraction d'entre elle se montreanticléricale et reproche au haut clergé ses accointances avec la haute noblesse.
La bourgeoisie forme une "classe matérielle et mentale" ; elle a atteint sa majoritééconomique, mais elle reste dans la cité française une mineure.
Elle en souffre et commence à contester l'ordre social établi.
Elle apprend d'ailleurs à le faire encôtoyant les nobles.
Il en est qui l'acceptent dans leur salon, la fréquentent dans les sociétés de pensée, et plus rarement dans les loges maçonniques.
Mais jamais lanoblesse n'oublie de faire sentir à la bourgeoisie la distance qui les sépare.
Porte-parole de la classe sociale tout entière, les bourgeois "à talents" constituent enempruntant parfois à la pensée nobiliaire (la théorie de la séparation des pouvoirs de Montesquieu) une idéologie qui sape les bases du régime.Barnave, orateur révolutionnaire, a bien vu que cet enrichissement de la bourgeoisie est une des causes profondes de la Révolution : "Dès que les arts [industries] etle commerce parviennent à pénétrer dans le peuple et créent un nouveau moyen de richesse au secours de la classe laborieuse, il se prépare ne révolution dans les loispolitiques.
Une nouvelle distribution de la richesse produit une nouvelle distribution du pouvoir.
De même que la possession des terres a élevé l'aristocratie, lapropriété industrielle élève le pouvoir du peuple" (Oeuvres, Barnave, éd.
Bérenger de la Drôme, t.
I)
B) La réaction d'une noblesse appauvrieLa noblesse profite elle aussi moins que la bourgeoisie.
Des études récentes ont certes montré que certains de ses membres participent pendant tout le siècle auxentreprises des armateurs et des industriels, mais la fortune de l'ordre est en majeure partie constituée par des biens fonciers qui rapportent moins que le commerce oul' "industrie".
Il en résulte un appauvrissement relatif de la noblesse et la constitution d'une "plèbe nobiliaire".
Riches ou pauvres, les nobles ont en commun des'accrocher à leurs privilèges, qui leur assurent de conserver dans un monde en mutation la prééminence sociale.
Par l'intermédiaire des noblesde robe – Montesquieu est l'un d'entre eux –, ils agiront contre toute tentative de réforme royale qui les mettrait au rang de la bourgeoisie.
Sous couvert de défendre laliberté de la nation tout entière, ils ne se battent que pour leurs privilèges, qu'ils appellent "libertés".L'un "a dû abandonner son château devenu inhabitable ; l loge dans une maison couverte de paille et ne jouit plus que d'une réserve de 6 à 7 chars de foi et d'undomaine de 2 paires de boeufs des plus médiocres".
Un autre écrit : "Non seulement nous n'avons pu fournir à l'éducation de nos enfants, mais même pas à leurentretien, ils sont tout nus" (Cité par P.
de Vaissière, Gentilshommes campagnards de l'ancienne France, Perrin éd.)
C) Disettes et question paysannesÀ la campagne, où les progrès restent très lents, le "coq de village", à la fois propriétaire et fermier, s'enrichit, car il est détendeur d'un surplus de grain qu'il vend surun marché en hausse.
Au contraire, le petit paysan, une fois payés au seigneur et au roi les impôts, n'a qu'un mince profit et connaît certaines années (1747-1748) ladisette.
Si le journalier et l'artisan des villes voient leur salaire nominal s'élever pendant tout le siècle, il arrive aussi souvent que celui-ci ne soit pas en rapport avec laflambée des prix.
Cette dernière est d'ailleurs en partie le fait des lourds impôts, d'où la fraude et le banditisme illustré par Louis Mandrin (1724-1755).Les Cahiers de 1789 sont pleins de doléances à l'égard de différents impôts : "Celui qui a le malheur d'être chargé de cette redevance [le champart] ne peut enlever sarécolte que le champarteur ne soit venu compter, après l'avoir averti 24h à l'avance; de là perte de récolte s'il survient un orage dans les 24h.
Il faut encore que lecultivateur porte ce champart dans la grange indiquée, et cela avant qu'il puisse enlever ce qui lui reste".
Ou encore : "ils sont si éloignés des moulins [seigneuriaux]qu'ils emploient 4 ou 5h, pour y porter leurs olives et leurs grains, autant pour retourner ; ils sont obligés de traverser 16 fois des rivières et des torrents dangereux.Plusieurs personnes s'y sont noyées, n'étant pas possible de construire des ponts."
* * *
ConclusionCe gouvernement "à la turque", où le pouvoir est "dilué" (H.
Méthivier), est attaqué par les élites, bourgeoise et nobiliaire.
Celles-ci jouent de leur clientèle pourternir l'image du souverain.
Louis le Bien-Aimé pour qui la France entière pria lorsque la maladie manqua le terrasser (1744) devient Louis le Mal-Aimé que lespublicistes brocardent.
En 1751, on trouve ainsi répandues dans les rues de Paris de petites cartes où il y a : "Rasez le roi et pendez la Pompadour".
Mais Louis XVn'est qu'un des principaux acteurs d'un drame dont il n'est pas le responsable et qui tient à la crise de la société.Mirabeau, en 1790, écrit : "Il n'est personne qui n'avoue aujourd'hui que la nation française a été préparée par le sentiment de ses maux et par les fautes de songouvernement à la révolution qui vient de s'accomplir, bien plus que par le progrès général de ses lumières" (Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comtede la Marck, éd.
de Bacourt, t.
II)
BibliographieOuvrages générauxTAINE, Les origines de la France Contemporaine, t.
I, Hachette éd.SAGNAC, La formation de la Société française moderne, t.
II (1715-1788), Presses Univ., 1946SEE, La France économique et sociale au XVIIIe siècle, coll.
A.
Colin, 1925 Histoire économique de la France, t.
I, Colin, 1939
Etudes des institutions du XVIIIeMARION, Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles, A.
Picard, 1923.
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