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JEUX D’ÉQUILIBRE Internationaux de 1900 à 1909 : Histoire

Publié le 27/12/2018

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Deux faits majeurs ont marqué les relations internationales à la fin du xixe siècle : en Europe, la constitution de deux blocs antagonistes, la Triplice (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie) et la Duplice (France, Russie), la Grande-Bretagne, forte de sa suprématie maritime et coloniale, restant dans un «splendide isolement»; hors d'Europe, l'exacerbation des compétitions coloniales, marquées notamment par la rivalité franco-britannique en Afrique, et la rivalité anglo-russe en Asie.

 

Une redistribution des cartes s’opère au cours de la décennie 1900-1909. La Grande-Bretagne abandonne le grand large pour se lier à la France et à la Russie ; la rivalité anglo-allemande se précise ; la fin du rêve extrême-oriental de la Russie réveille l’antagonisme austro-russe dans les Balkans; tandis qu’en Europe deux blocs opposés se cristallisent, deux nouveaux acteurs apparaissent dans la politique internationale: les Etats-Unis et le Japon.

 

Les crises

 

DU TOURNANT DU SIÈCLE

 

Séquelles de Fachoda, guerre des Boers en Afrique du Sud, guerre des Boxers en Chine: lorsque s’ouvre le xxe siècle, les crises extraeuropéennes, liées aux politiques d’expansion impérialiste, accaparent l’attention.

 

On a frôlé la guerre entre la France et la Grande-Bretagne lorsque, en juillet 1898, la petite troupe du capitaine Marchand s’est trouvée, sur le haut Nil, en face des hommes de Kitchener. Conscient de son isolement (l’allié russe s’est dérobé et l’Allemagne a refusé l’appui diplomatique demandé) et devant les réticences de l’opinion publique et parlementaire à envisager un conflit avec Londres, le gouvernement français a dû se retirer de Fachoda et renoncer à remettre en question la présence anglaise en Egypte. L'humiliation subie nourrit un fort courant anglophobe, et le chef de la diplomatie française, Delcassé, le futur artisan de l’Entente cordiale, n’a alors en tête que la revanche.

 

D'où des ouvertures en direction de Berlin, pour une collaboration dirigée contre la Grande-Bretagne dans les questions extraeuropéennes. Ces ouvertures ne reçoivent pas de conclusion, car Berlin, à cette époque, ne veut pas se couper de Londres. En revanche,

 

un autre membre de la Triplice, l’Italie, se montre mieux disposé; le rapprochement franco-italien, amorcé depuis 1896, s’affermit avec les accords de décembre 1900 et de l’été 1902; le point essentiel est que les deux pays se donnent respectivement carte blanche au Maroc et en Libye. Pour la France, l’objectif est moins pour l’heure de chercher à détacher l'Italie de la Triplice que de la soustraire à l’influence anglaise et de l'amener à soutenir, contre la Grande-Bretagne, la politique française en Méditerranée. Delcassé obtient également un renforcement de l’alliance franco-russe, dans l'hypothèse d’une guerre franco-britannique ou anglo-russe : les accords d’état-major de 1900 et 1901 coordonnent les plans stratégiques et la mise en œuvre des moyens militaires et navals dans cette perspective.

 

Ces grandes manœuvres diplomatiques cherchent à tirer parti de la paralysie qui frappe momentanément la Grande-Bretagne, en raison de la guerre des Boers déclenchée en 1899. La résistance acharnée des républiques du Transvaal et de l’Orange qui s'opposent à la conquête britannique accapare en effet une bonne part des ressources militaires et financières du royaume, tandis que la répression impitoyable menée contre les Boers provoque sur le continent une réprobation générale ; les gouvernements sont soumis à la pression de l’opinion publique mobilisée par des campagnes en faveur des Boers; ce contexte donne aux efforts de Londres pour achever la constitution d’une Afrique du Sud britannique une dimension internationale.

 

Finalement, après avoir suscité diverses manœuvres diplomatiques, occupé la une des journaux et la tribune de congrès et réunions d’associations diverses, la cause des Boers est abandonnée, malgré les efforts du gouvernement français: l’Allemagne explore toujours la voie d’une entente avec la Grande-Bretagne, et la Russie, engagée de plus en plus en Extrême-Orient, se fait tirer l'oreille pour intervenir.

 

Une fois la crise de Fachoda apaisée, la guerre des Boxers déplace de l’Afrique vers l’Extrême-Orient l’attention des gouvernements. En réaction contre la pénétration étrangère et le break-up (dépeçage de la Chine par les puissances qui se font accorder concessions, territoires à bail, zones d'influence), un mouvement xénophobe éclate, canalisé par des sociétés secrètes dont la principale est dénommée Boxers par les Européens. Ce mouvement, bientôt appuyé par le gouvernement impérial chinois, aboutit en juin 1900 au siège des légations étrangères à Pékin ; un corps expéditionnaire international est constitué et débarque pour les délivrer. Les clauses du traité imposé en septembre 1901 au gouvernement chinois accélèrent l’emprise financière et commerciale des puissances, qui se surveillent jalousement: devant le dynamisme de la politique russe en Mandchourie, en Corée, dans le nord de la Chine, s’esquisse un front anglo-allemand,

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« JEUX D'ÉQUILIBRE INTERNATIONAUX.

Les jeux d'alliances monopolisem la diplomarie européetme: jeu à rro i s entre l'Italie.

la France etlo Grande-Bretagne, sous le regard dt Jo Russie.

© Explorer A rclri•'t!s tandis que Londres, rompant avec le «Splendide isolement».

signe en janvier 1902 un traité d'alliance défensive a\·ec le Japon.

L 'ENTENTE CORDIALE En mai 1903, Édouard VII est reçu à Paris; en juillet, le président Loubet >e rend à Londres.

De chaque côté de la Manche, des déclarations, relayées par des campagnes de presse, soulignent la nécessité d'une réconciliation entre les deux grandes démocraties OC· cidentales; il s'agit de préparer les opinions publiques, dressées l'une contre l'aulre depuis Fachoda, au rapprochement que les gouverne· ments négocient depuis quelques mois.

Ravalam ses rancœurs, le gouvernement français s'est en effet rendu compte qu'il ne peut affronter la Grande-Bretagne, car les côtes françaises, le commerce maritime français, les colonies fran­ çaises seraient trop vulnérables en cas de guerre avec l'Angleterre.

Un compromis a\•ec celle-ci constitue le préalable à la poursuite d'une politique d'expan5ion hors d'Europe.

Devant l'impossibilité d'ébran· 1er les positions britanniques dans la vallée du Nil, le parti colonial, très influent, a reporté sur le Maroc toutes ses espérances.

Mais là aussi la Grande-Bretagne est présente ct l'établissement d'un protee· torat français implique d'«acheten• l'acquiescement de Londres.

D'autre part.

le gouvernement français voit avec inquiétude le tsar s'engager de plus en plus en Extrême-Orient, ce qui affaiblit la portée de l'alliance franco-russe concernant la sécurité de la France en Eu­ rope; une entente avec la Grande-Bretagne rééquilibrerait la position de la France face à l'Allemagne.

Les ouvertures britanniques sont donc bien accueillies et, pour précipiter les choses, le gouvernement français n'hésite pas à utiliser l'arme financière: l'Angleterre, en rai­ son de la guerre des Boers ct de la crise de l'économie mondiale de 1900-1901, est aux prises avec de graves difficultés; elle a besoin du concours des banques et de l'épargne françaises, situation que le gouvernement français exploite pour triompher des dernières hésita­ tions britanniques à conclure un accord bilatéral.

Pourquoi la Grande-Bretagne décide-t-elle de sc réconcilier avec son adversaire traditionnel sur le terrain maritime et colonial? Aux yeux des dirigeants britanniques, deux autres dangers sont désor­ mais plus pressants.

D'une part.

le danger russe.

En Asie centrale, la poussée russe vers la Perse.

l'Afghanistan.

le Tibet menace les fron­ tières de l'Inde; en Extrême-Orient, elle risque de précipiter la disso· lution de l'Empire chinois et de compromettre les intérêts britan­ niques considérables qui y sont implantés.

En se rapprochant de la France, on espère à Londres que celle-ci exercera une influence mo· dératrice sur la politique de son allié russe.

D'autre part, le danger allemand.

Au tournant du siècle, les dirige.ants britanniques ont cher­ ché un accord avec l'Allemagne, mais celle-ci finalement s'est déro­ bée.

prMérant garder les mains libres.

Or, depuis que Guillaume II s'est engagé dans la Weltpolitik (politique mondiale), l'Empire alle­ mand apparaît comme une puissance menaçante.

Cc n'est pas tant la rivalité commerciale que la rivalité navale qui inquiète les Anglais.

Le vote des lois de 1898 et 1 900 permet à l'amiral Tirpitz de construire une grande flotte de guerre qui risque de mettre en cause la supréma­ tie maritime de la Grande-Bretagne.

Sous la pression de cette flotte, le gouvernement allemand entend contraindre l'Angleterre à lui laisser une «place au soleil»; il cherche à pénétrer dans des «chasses gar­ dées" britanniques, en Afrique, en Asie.

L'Empire ottoman, surtout, est un sujet d'alarme pour les Anglais: les Allemands lui vendent du matériel de guerre et y envoient des instructeurs pour encadrer l'ar­ mée turque; ils obtiennent du sultan des concessions pour l'exploita· tion de mines, l'aménagement de ports, la construction de voies de chemin de fer, notamment le grand projet du Bagdad Bahn, qui doit relier Berlin, Constantinople et le golfe Persique, ouvrant le Proche· Orient à l'influence politique et �conomique de l'Allemagne.

Un from avec la France, puissance coloniale qui peut sc sentir également mena· cée par les visées allemandes, permettrait de parer au danger.

J.:Entente cordiale est donc conclue, le 8 a\•ril 1904, à Londres.

À vrai dire, il ne s'agit pas d'un traité d'alliance, mais d'une série d'accords mettant fin aux litiges coloniaux entre les deux pays: à Terre-Neuve, en Afrique noire, au Siam et surtout crn Afrique septen· trionale, ayec le «troc» Maroc-Égypte (carte blanche aux Britan· niques en Egypte, carte blanche aux Français au Maroc).

La portée de cette entente est donc.

à l'origine.

limitée.

Mais la tension inter­ nationale qui éclate peu après sa conclusion va la transformer en une véritable alliance politique.

C RISE MAROCAINE ET GUERRE RUSSO-JAPONAJSE À Berlin, on avait toujours professé qu'une entente franco­ britannique était impossible; aussi l'Entente cordiale provoque-t-elle stupéfaction et colère.

On parle d'encerclement de l'Allemagne, de complot dont la trame a été tissée à Paris par Delcassé, devenu la «bête noire» du conseiller Holstein, principal inspirateur de la poli­ tique extérieure du Reich.

Une contre-offensive de grand style est alors mise en œuvre.

Briser l'entente franco-britannique avant qu'elle ne s'affermisse, contraindre le gouvernement russe à se rapprocher de l'Allemagne et à peser sur la France pour la conclusion d'une grande alliance continentale, tel est l'objectif.

Les moyens: exploiter l'occa­ sion offerte par la concomitance de deux crises, au Maroc et en Extrême-Orient.

Au Maroc, la France cherche à imposer son protectorat, ce qui alarme les milieux coloniaux et certains cercles économiques alle­ mands.

En soutenant la résistance du sultan et en se posant en défen­ seur de l'indépendance chérifienne, le gouvernement allemand dé· clenche une épreuve de force avec la France; il est convaincu que la Grande-Bretagne, qui a toujours montré un grand intérêt pour le Maroc, n'appuiera pas la France, à qui sera administrée la preuve que l'Entente cordiale est pour elle ans valeur.

L'appui russe fera égale­ ment défaut à la France dans la question marocaine, en raison de la guerre qui oppose la Russie et le Japon.

Ce conflit, qui se prolonge et met la Russie en difficulté, est pour l'Allemagne pa ira bénit: la France se trouve écartelée entre son vieil allié, la Russie, et sa récente amie, la Grande-Bretagne, alliée au Japon depuis 1902; comment l'Entente cordiale pourrait-elle y résister? D'autant que la Russie, empêtrée dans cette guerre, puis battue par les Japonais, note avec mécontente­ ment que la France a refusé de la soutenir, diplomatiquement et financièrement.

Guillaume II a beau jeu de persuader Nicolas II de la perfidie des Anglais et de l'inconstance des Français; pourquoi ne pas rétablir la bonne entente germano-russe d'autrefois, fondre la Triple­ Alliance et l'alliance franco-russe dans une grande alliance continen­ tale contre la Grande-Bretagne? Une fois l'accord du tsar obtenu, la France, escompte-t-on à Berlin, voyant la Russie paralysée par les conséquences de la défaite contre le Japon et par une crise révolution­ naire.

sera obligée de céder à la pression de l'Allemagne et se résigne­ ra à cette redistribution des cartes.

Mais les choses ne se déroulent pas du tout selon les prévi· sions de l'Allemagne.

Celle-ci déclenche une crise à propos du Maroc (visite de Guillaume II à Tanger en mars 1905, avec un discours dans lequel le kaiser s'engage à défendre la souveraineté du Maroc) et. »

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