Grand oral du bac : NATION ET NATIONALITÉ
Publié le 30/01/2019
Extrait du document
Parallèlement à cette construction d’un passé mythique, un travail de codification juridique de plus en plus élaborée de l’appartenance nationale est effectué. Aspect essentiel de la construction nationale, cette législation s’appuie sur des principes différents selon les nations. Deux tendances générales peuvent être dégagées : droit du sol (France, États-Unis et Grande-Bretagne, par exemple) et droit du sang (Allemagne).
La conception française de la nationalité est avant tout politique et territoriale. La naissance sur le sol français a longtemps déterminé l’identité nationale, transformant presque automati
Soni Darijevic - Sipa Press
quement la seconde génération d’immigrés en Français de droit. Dans ce cas, c’est le principe d’assimilation qui prime.
La nationalité allemande, quant à elle, ne dépend pas uniquement du cadre territorial de la nation. C’est une conception plutôt ethno-culturelle, qui privilégie les concepts de peuple, de culture et de langue - voire de « race » - aux moments les plus sombres de l’histoire allemande, sous le IIIe Reich. Selon ce principe sont considérés automatiquement comme allemands les immigrants issus de populations d’origine allemande installées depuis longtemps dans d’autres pays, tels que ceux d’Europe de l’Est ou de l’ex-URSS, alors que les immigrants ou enfants d’immigrants d’origine « étrangère » n’accèdent que très difficilement à la nationalité allemande.
On voit ainsi que la nationalité se partage entre un sentiment très subjectif d’appartenance, relayé au travers de légendes fondatrices par les institutions, et une codification stricte, qui s’exprime par la sacrosainte carte d’identité nationale. Ces deux aspects sont aujourd’hui l’objet de débats.
Crise de l’État-nation
Le réveil des nationalismes dans l’Europe de l’Est, illustré par la guerre dans l’ex-Yougoslavie, la partition de la Tchécoslovaquie ou les risques d’implosion jusqu’ici contenus dans l’ex-URSS, est le signe le plus visible d’une crise de l’État-nation. La plupart de ces pays avaient hérité de frontières issues d’un découpage arbitraire effectué à la fin de la Première Guerre mondiale. En effet, si les nationalités sont approximativement identifiables de l’extérieur, la frontière entre nationalités «étrangères» se distinguent souvent mal de celle qui sépare des populations d’origine diverse mais ayant la même nationalité.
A la fin du xxe siècle, les revendications d’autonomie ne sont plus seulement nationales, elles peuvent être aussi religieuses, ethniques (régio
nales) ou politiques. Ce sont alors d’autres types de «sentiments communautaires» qui s’expriment, et l’inscription dans un État-nation s’avère alors délicate. On a vu l’exemple d’une scission à caractère religieux qui s’est effectuée dans la violence - comme entre l’Inde et le Pakistan.
Mais il ne faudrait pas penser que cette crise de la nation ne s’exprime que dans des conflits meurtriers. La construction européenne provoque elle aussi un certain malaise chez les nations qui la composent, venant du fait que des ensembles plus vastes que les unités politiques sont équivoques, mouvantes, difficiles à conce-
Manifestations d’étudiants au Kosovo, au début de 1998. Région de Serbie massivement peuplée d'Albanais, le Kosovo réclame son indépendance en se fondant sur cette particularité ethnique.
▼ Manifestation à Paris à l’église Saint-Bernard en 1996, pour l’obtention de la nationalité française par des réfugiés africains sans papiers officiels.
Facelly - Sipa
voir concrètement. Là aussi, l’exemple de la France est riche d’enseignements. Le repli d’une certaine frange de l’électorat français vers le Front national, de même que la traditionnelle peur de l’étranger, expriment l’angoisse de voir disparaître le cadre «rassurant» de la nation au profit d’une structure plus large et imprécise.
Les multiples révisions de la constitution de la Ve République nécessaires à l’application de traités supranationaux (Maastricht, Schengen, Amsterdam) ont trait à la notion de frontière -économique ou politique. La plupart du temps, ces traités exigent la redéfinition des droits et des devoirs des étrangers à l’égard de la nation. Par la suite, c’est la définition même du «national» qui est remise en cause, tant il est vrai que ces deux
notions sont deux aspects indissociables de la même question, celle qu’Ernest Renan avait déjà soulevé au xixe siècle: «Qu’est-ce qu’une nation?».
Dans le même ordre d’idée, la nouvelle législation française sur la nationalité et l’immigration -qui revient sur le principe strict, fondateur en ce domaine, du droit du sol, en l’adaptant - n’est pas seulement une concession aux thèses de la fraction la plus à droite de l’électorat français, mais sans doute aussi une tentative de réponse au sentiment de dépossession nationale que les pays de la Communauté européenne ressentent.
Les efforts des politiques nationales des XIXe et xxe siècles ont tendu vers l’objectif suivant : aucun individu ne peut se concevoir sans nationalité, c’est-à-dire en dehors du cadre de l’État-nation (une personne sans nationalité légale est un apatride). C’est sur ce point que les Européens doivent évoluer en oubliant cette première conception de la nationalité au profit d’une conception élargie: la supranationalité.
Repères sur les différentes formes de nationalisme
Le terme de «nationalisme» est très d’ambigu. Historiquement, le nationalisme évoque d’abord les aspirations à l’indépendance d’un peuple colonisé ou occupé par une puissance étrangère: c’est le nationalisme européen du xixe siècle inspiré des
valeurs léguées par la Révolution française. Le nationalisme s’apparente aussi au patriotisme, quand l’amour de la nation résulte du transfert de l’attachement spontané d’une communauté à un territoire ayant une unité politique: c’est le nationalisme des manuels scolaires et des commémorations; mais c’est aussi celui qui s’extériorise dans sa version «chauvine» lors des compétitions sportives ou, plus grave encore, lors des conflits armés.
Le nationalisme définit aussi l’idéologie qui donne en politique la priorité aux valeurs nationales. Souvent autoritaire et antidémocratique, ce nationalisme est revendiqué par toutes les organisations d’extrême-droite dans le monde, à l’image du Front national en France.
«
Nation
et nationalité
et de "frontière"; finalement, sur la question diffi
cile de la prééminance du pouvoir séc_ulier sur le
cl�rgé- ou vice versa -l'alliance de l'Eglise et de
l'Etat Oe pape et le roi) qui apparaît au XVI• siècle
en Angleterre avec l'anglicanisme, créé en réac
tion contre le pouvoir papal.
Néanmoins, pen
dant très longtemps, le fondement de l'Etat,
c'était le monarque et non le peuple.
Cette
conception séculaire d'un roi détenant son pou
voir directement des mains de Dieu va provoquer
au Siècle des lumières, (XVIn• siècle) une réflexion
approfondie, des débats et des controverses d_e la
part des philosophes autour du pouvoir, de l'Etat,
du peuple etc.
Dès la fin du XVII• siècle, en Angle
terre, le rôle grandissant du Parlement va finir par
imposer l'idée de souveraineté partagée entre le
peuple et le roi.
En France, c'est beaucoup plus
tard, pendant la Révolution, que la notion de
peuple souverain incarné dans la nation va se �
concrétiser; cela se fera de manière beaucoup �
plus brutale puisque cela passera par la mise à üï
mort du roi en 1793.
Nationalité et nation
Le cheminement décrit ci-dessus n'aboutit pas
obligatoirement à la constitution d'une nation.
Inversement, ce n'est pas non plus l'unique voie
pour accéder.
Ainsi d'autres formes d'unités poli
tiques de l'époque médiévale ont suivi ce même
parcours sans pour autant devenir par la suite
des nations: des petites entités politiques s'inté
greront dans des ensembles plus vastes (les
t:_oyaumes de Sicile ou de Bourgogne au Moyen
Age, qui aujourd'hui sont de simples régions de
l'Italie et de la France) ou des empires qui fini
ront par se dissoudre dans des nations distinctes
(Les Empires austra:hongrois ou ottoman qui ont
éclaté en plusieurs Etats-nations).
Il faut en effet rejeter l'idée d'une évolution
naturelle des sociétés humaines vers la forme ins
titutionnelle de la nation.
Si celle-ci va finalement
s'imposer devant d'autres types d'organisations,
tels que les empires ou les réseaux politicocom
merciaux centrés sur une ou plusieurs villes
Grâce à Giuseppe Garibaldi (1807-1882),
Ici à la tête de ses combattants, la nation �
italienne naquit en 1865.
jusque-là, la péninsule
n'était qu'une mosaïque d'Etats, sans conscience
de leur communauté d'histoire ou d'intérêts.
.......
Le 14 juillet
1789, le peuple
de Paris s'empare
de la prison de la
Bast ille, incarnation
du pouvoir totalitaire
du prince.
De cet
événement, resté
en France le symbole
de la liberté nationale
reprise aux mains
du tyran, découlera
toute la Révolution
Française.
' Retrait de l'armée
Israélienne
d'Hébron.
Au Proche
Orient, le problème
de la nationalité est
d'autant plus brûlant
qu'il se superpose
à des questions
d'appartenance
religieuse.
(Venise
ou les principautés allemandes, par
exemple), c'est sous l'influence du fameux prin
cipe des nationalités, qui fut à la fois colporté à
travers l'Europe par les idées révolutionnaires
françaises et plébiscité par les classes bour
geoises des États traditionnels, désireuses de
retrouver dans le domaine politique la puissance
et le pouvoir qu'elles avaient déjà réussi à
conquérir dans le domaine de l'économie.
Quand on parle de nationalité, l'un des pre
miers principes à retenir est le droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes.
Le groupe de personnes,
caractérisé par son style de vie, sa culture, par la
conscience d'être unique et la volonté de préser
ver ses différences, s'érige alors en "nationalité"
et se donne pour cadre l'É tat-nation.
La nation
constitue alors un territoire délimité par des fron
tières, politiquement homogène, au sein duquel
vivent des individus qui partagent des intérêts
communs.
Incarnant une sorte d'unité politique
idéale, elle offre alors trois caractéristiques princi
pales: P!emièrement, la participation des gouver
nés à l'Etat sous la double forme de la conscrip
tion et du suffrage universel; deuxièmement, la
coïncidence d'une volonté politique avec une
communauté de culture; troisièmement, l'indé
pendance pleine et entière de l'É tat-nation vis-à
vis de l'extérieur.
C'est sous cette forme plus ou
moins accomplie que la nation va s'imposer aux
quatre coins du globe, comme organisation
sociale et politique.
La (( nationalisation )) du monde
Au XIX" siècle, au nom du princpe des nationali
tfts - à chaque nationalité un Etat et, à chaque
Etat, une seule nationalité, si possible -vont se
développer les luttes "nationales" pour l'unité de
l'Allemagne et de l'Italie, les luttes de« libération"
de la Grèce, de la Roumanie, de la Serbie et de la
Bulgarie de la domination turque, le combat
mené par les Polonais pour le rétablissement de
leur État, la sécession des pays sud-américains
(colonies espagnojes ou portugaises), après celle
au xvm• siècle des Etats-Unis (colonie anglaise).
C'est encore en son nom, du moins officielle
ment, que vont être créées après la Première
Guerre mondiale, de "nouveaux» États, comme.
»
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