geopolitique des mers et oceans
Publié le 25/06/2023
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«
Schéma © Pascale Nédélec, 2016.
Géopolitique des mers et des océans
[Introduction]
Accroche
« Qui tient la mer tient le commerce du Monde, qui tient le commerce tient la richesse, qui tient la
richesse du Monde tient le Monde lui-même.
», par là, Sir Walter Raleigh, explorateur anglais, montre
l’importance des espaces maritimes pour la puissance des États.
Par leurs ressources, suscitant des intérêts
économiques, et par leur dimension stratégique, suscitant des intérêts politiques et de défense, ils sont au
centre d’enjeux de puissance.
Les mers et océans sont, de ce fait, des objets géopolitiques majeurs, au sens où il est possible d’y
étudier les conflits et luttes d’influences entre acteurs, à différentes échelles.
Si cet ensemble peut être considéré
sous l’appellation « d’espaces maritimes », une distinction est néanmoins possible du point de vue des enjeux
géopolitiques, selon le caractère plus ou moins borné et plus ou moins dominé et divisé entre des souverainetés
nationales, ce qui a un impact sur l’acuité des tensions.
L’inscription de ces tensions politiques dans les espaces
maritimes est flagrante autour de thématiques comme le contrôle des ressources, l’extension des zones
économiques exclusives (ZEE) et le tracé des frontières maritimes notamment.
Il existe donc des relations fortes
entre enjeux politiques et espace, que ce soit dans les mers ou les océans.
Problématique
On peut alors s’interroger sur une territorialisation ou une continentalisation des espaces maritimes, c’està-dire une projection en mer des enjeux géopolitiques terrestres ou, à l’inverse, une géopolitique propre aux
espaces maritimes.
La question est dès lors celle de la projection sur les espaces maritimes des enjeux
géopolitiques, c’est-à-dire à la fois de la traduction de faits politiques dans la gestion et la possession des
mers et de l’instrumentalisation des espaces maritimes dans les conflits politiques.
Annonce du plan
Nous verrons dans une première partie que les espaces maritimes sont au centre d’enjeux de pouvoir
majeurs, avant de considérer les conflits d’appropriation et de contrôle dont ils font l’objet.
Nous terminerons en
analysant la manière dont les espaces maritimes peuvent être instrumentalisés dans la géopolitique mondiale.
[I.
Les espaces maritimes, au centre d’enjeux de pouvoir]
Chapeau introductif
Les mers et océans, parce qu’ils sont des espaces ouverts, dotés de ressources nombreuses et parcourus
de flux de circulation croissants, sont au centre d’enjeux de pouvoir pour les États bordiers en particulier.
Leur contrôle est un enjeu de souveraineté et de sécurité, un enjeu économique, mais aussi un enjeu de
pouvoir pour de nombreux acteurs, étatiques ou non étatiques.
[1.
Un enjeu de souveraineté et de sécurité pour les États]
Pour les États bordiers, c’est-à-dire ceux qui ont un accès direct à la mer, le contrôle des espaces
maritimes revêt un double enjeu géopolitique : dominer son territoire et ses extensions vers l’avant-pays d’une
part, et assurer sa sécurité, notamment grâce à la projection de forces en mer.
La Convention des Nations unies
sur le Droit de la Mer (CNUDM) signée à Montego Bay (Jamaïque) en 1982 définit les statuts actuels des
délimitations maritimes en droit international.
Dans une bande de 12 milles marins à partir du trait de
côte, la mer est « territoriale », c’est- à-dire qu’elle fait partie intégrante du territoire de l’État bordier, et la
souveraineté douanière s’applique dans une bande « contiguë » de 12 milles supplémentaires.
C’est dans ce
premier périmètre que chaque État peut exercer pleinement sa souveraineté politique, douanière et militaire.
C’est aussi cela qui garantit aux États de pouvoir disposer de ports militaires d’attache pour leurs forces navales.
Ainsi, les États-Unis qui possèdent trois fa§ades maritimes, ouvrant aussi bien sur l’Atlantique que sur le
Pacifique et les Caraïbes, possèdent un avantage non négligeable en termes de projection navale.
De ce point
de vue, le fait de disposer d’un accès à la mer est une donnée géostratégique majeure pour la sécurité et la
puissance militaire des États à l’échelle mondiale.
[2.
Un enjeu économique majeur : l’accès aux ressources et au commerce]
L’un des enjeux majeurs du contrôle des espaces maritimes, afin d’asseoir la puissance économique des
États, est le contrôle des ressources et des voies de communication.
L’exploitation des richesses contenues dans
le sol et le sous-sol maritime, ainsi que dans la colonne d’eau, est un élément essentiel pour l’économie des pays.
Ces ressources peuvent être halieutiques, mais aussi énergétiques ou minières et leur possession est à l’origine de
conflits de délimitation des ZEE, voire de conflits pour l’accès à la mer.
Mobilisation d’exemples spatialisés pour appuyer l’argumentation
Le cas de la contestation des limites de ZEE entre le Chili et le Pérou en est un bon exemple.
Depuis la
Guerre du Pacifique (1929), la frontière entre les deux pays est contestée.
De plus, la Bolivie, qui a perdu son
accès à la mer en 1904, revendique un accès côtier.
La combinaison de ces deux litiges frontaliers donne lieu
à un double problème de frontières maritimes.
D’une part, la limite de ZEE Chili/Pérou peut être fixée
sur le 18e parallèle, comme le prévoient les traités terrestres, ou sur la ligne d’équidistance, comme proposé
par la Cour internationale de Justice.
Dans la zone intermédiaire se posent des questions de droits de pêche.
D’autre part, le droit international oblige le Chili et le Pérou à accorder un corridor vers les eaux internationales
à la Bolivie, ce qui est accepté par le Chili mais non par le Pérou.
Pour ces trois pays, le conflit d’ordre
territorial porte d’abord sur la possession des ressources halieutiques et la possibilité de commercer par voie de
mer.
[3.
Des enjeux de pouvoir partagés par de nombreux acteurs]
Si les espaces maritimes sont au centre d’enjeux géopolitiques pour les États bordiers, ils sont aussi des
espaces de relative indéfinition des pouvoirs et dont la multiplicité des enjeux implique des acteurs diversifiés
(aussi bien publics que privés) à tous les niveaux.
Ainsi, un même espace maritime peut-être soumis à des
intérêts divergents qui se superposent et participent à la création d’une situation géopolitique complexe.
C’est par exemple le cas dans le golfe de Guinée, riche en pétrole et en ressources halieutiques, et où sont
situés certains des principaux ports africains.
Cela en fait un espace où de multiples intérêts convergent et entrent
en conflit.
En effet, les acteurs étatiques concèdent des droits de pêche à des chalutiers industriels européens, au
détriment des populations littorales locales pour lesquelles les ressources halieutiques vitales diminuent.
Au nom
de leur intérêt économique, ils concèdent également l’exploitation des hydrocarbures off shore à des firmes
transnationales (FTN) comme Total ou BP.
Toutefois, ces mêmes États sont parfois défaillants en termes de
maintien de la sécurité maritime, ce qui, couplé à l’abondance des trafics et ressources, fait du golfe de Guinée
l’un des espaces les plus sujets à la piraterie.
Par ailleurs, des ONG sont également actives dans cet espace, au
nom de la protection de l’environnement ou de la protection des intérêts des populations locales contre les
intérêts économiques des grandes entreprises.
Au total, le golfe de Guinée est donc un espace où les intérêts
multiples induisent une géopolitique complexe à laquelle participent des acteurs de natures très diverses et pas
uniquement des États.
Transition
Ainsi, la géopolitique des mers et des océans s’appuie autant sur des enjeux politiques qu’économiques,
voire symboliques et implique de nombreux acteurs, qui ne sont pas uniquement étatiques.
De ce fait, les
espaces maritimes peuvent être perçus comme des espaces cristallisant un certain nombre de tensions liées au
territoire, mais aussi à l’affrontement entre des intérêts divergents en dehors de l’espace national.
[II.
Les espaces maritimes au centre de conflits]
Les mers et océans, parce qu’ils sont traversés par de nombreux enjeux économiques et politiques, sont
des espaces de conflits, plus ou moins ouverts et plus ou moins violents.
Ces conflits revêtent différentes
modalités, tant dans leurs motivations que dans leurs formes.
[1.
Des conflits pour la possession des espaces maritimes]
Les conflits qui s’expriment dans les espaces maritimes peuvent être ouverts (dans le cas de guerres par
exemple) ou latents (lorsqu’ils ne donnent pas lieu à un affrontement direct).
Dans le cas des îles Paracels et Spratleys en mer de Chine, le conflit est armé, la Chine prenant
possession militaire d’îlots inhabités et y installant des bases afin de marquer....
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