Introduction à la science politique Introduction La science politique : objets, méthodes et problématiques . Les objets : de quoi parle-on quand on fait référence à la science politique ? Un grand professeur de science politique, Jean Leca, il y a une petite dizaine d'années, a dit que l'augmentation de chercheurs politiques a conduit à une diversification de la matière, une dilution. C'est un élargissement des centres intérêts. On peut distinguer 3 manières différentes, 3 positions, pour définir l'objet de la science politique : Le relativisme disciplinaire : cette théorie est défendue par un ancien professeur : Pierre Farre. Pour lui le découpage en disciplines est un découpage contingent. Il varie d'un pays à l'autre ou d'une institution à une autre. Ceci a contribué à une certaine autonomie de la discipline. Ainsi, pour Pierre Farre il n'y a pas un objet précis de recherches concernant la science politique. C'est bien l'idée que la science politique n'est pas la même partout. La question de l'objet est donc en fait une question sans objet. Cette discipline pourrait même se rapprocher des sciences sociales. La discipline de la science politique est donc pour cette théorie pas une discipline figée. Elle n'a aucune définition au sens épistémologique. Une position d'empiriste débridé : on rend acte qu'à un endroit donné à un moment donné, tous actes est politique. Elle considère l'objet de la science politique comme liée à l'air du temps. C'est une manière souple d'envisager la science politique avec par exemple la question du climat dont certains disent que c'est une question politique, un objet de la science politique. Cette théorie cherche donc à regroupe différents thèmes autour de la science politique. Pierre Bourdieu, grand sociologue français, avait tendance a reproché à la science politique, dans les années 1970- 1980, d'avoir une approche somme toute naïve. Ainsi, si en 2010, la question climat était une position politique auparavant elle ne l'était pas. Cependant, on ne contrôle plus son objet de recherche. Enfin, il y a la position qui est de considérer la politique comme une construction sociale. Dans ce cas c'est prendre au sérieux les théories d'Emile Durkheim en 1895. C'est ouvrir un champ d'étude très vaste, savoir s'intéresser dont les agents sociaux constituent à construire la politique comme une construction sociale. C'est ainsi une manière d'introduire des variations dans le temps et dans l'espace. Cette 3ème approche a le mérite de regrouper les questions. Par Michel Offerlé : « Les mécanismes qui sont au principe de la conquête, l'occupation et de la conservation des positions de pouvoirs des nommés politiques dans une société donnée. Et donc des mécanismes qui constamment concourent à politiser, construire politiquement des problèmes sociaux. « . Les méthodes : il n'y a pas de méthodes spécifiques à chacune des disciplines. Le droit est un peu une exception. L'apprentissage du droit nécessite la maitrise d'outils particuliers. La plupart des autres disciplines du point de vue des méthodes sont hybrides. Par exemple la méthode peut avoir recours à la quête des archives, l'analyse statistique, l'étude de textes, la technique des sondages... L'intérêt de cette discipline de la science politique c'est une matière assez vaste notamment par ses outils. Il n'y a pas de méthodes propres à la science politique. Les sciences politiques utilisent le langage courant comme instrument. . Les problématiques : c'est là que se forge l'identité d'une discipline : les problématiques. Elles renvoient à un ensemble de questions que se posent les chercheurs. Ces recherches et les questionnements qui se tendent, constituent l'armature du cours que l'on va faire. Chapitre 1 : L'ordre politique On peut envisager la question de l'ordre politique en étudiant les croyances religieuses. On peut aussi envisager l'ordre politique comme uns super structure (Karl Marx-rapport de forces). Enfin, on peut l'envisager à travers l'étude des institutions, qui contribue à produire et à reproduire un ordre politique. C'est la question de l'Etat comme institution. Dans certains pays l'Etat est une forme d'organisation parmi d'autres. Il faut donc le placer dans son contexte d'émergence. L'idée de l'Etat est une situation singulière aujourd'hui pour beaucoup de personnes. Ainsi, les mots que nous utilisons -pouvoir exécutif législatif Constitution...- tout comme les chercheurs, sont des mots qui forment un véritable langage d'Etat. Ce langage est avant tout juridique, un vocabulaire du droit. Or, ce langage juridique qui est celui des agents de l'Etat et tous ceux qui vivent sous l'égide d'un Etat ne peut pas nous servir à l'étudier alors justement qu'on a du mal à nous en défaire. 1) Naissance de l'Etat moderne . Le 1er aspect de la définition de l'Etat : l'Etat peut être définit comme une construction à la fois sociale et institutionnelle car un Etat a besoin d'institutions. Et ensuite construction sociale car il est formé de groupes sociaux. . Le 2ème aspect de la définition : mais aussi, l'Etat ce sont aussi des individus qui ne sont pas là par hasard, qui vont occupés des positions d'Etat. On peut envisager le caractère sociologique comme la naturalisation progressive de la domination exercé par un groupe social et ou un ensemble de groupes sociales. Cette hypothèse envisage l'Etat non plus comme une institution mais aussi comme un pouvoir. . Le 3ème aspect de la définition : c'est le fait de qualifier l'Etat. Pour Emile Durkheim l'Etat c'est « comme un groupe spécial de fonctionnaires intégrés dans une autorité supérieure régulièrement constituée «. Ici le mot régulièrement renvoie à règle. Dans un Etat il y a en effet des règles (lois, Constitution...). Pour comprendre l'Etat du point de vue de la science politique il faut se demander : Comment l'Etat moderne s'est constitué notamment autour des questions et des règles de droit ? a) Les formes archaïques (1) Les sociétés anciennes Un anthropologue britannique, Helman Roger Service, dans « Les origines des Etats et des civilisations « (1875), distingue 6 formes archaïques de sociétés organisées, 6 foyers de civilisations. 6 foyers de civilisation . 1er foyer de civilisation : la Méso Amérique. Dans la Méso Amérique apparaissent différentes foyers distincts de civilisations 3000 ans av JC dont Teotihuacan. C'est une société qui s'est basé sur une agriculture. Cela semble coïncidait avec un système de contrôle de l'approvisionnement en eau. Il semble qu'un système centralisé de pouvoir existait et qu'il permettait l'établissement de relations commerciales stables entre la cité et la périphérie (échanges marchands). Cela a des effets pacificateurs sur les produits agricoles, maïs... Cela va permettre à ceux qui produisent ces biens de s'enrichir et de se développer. . 2ème foyer de civilisation : le Pérou. C'est un schéma de développement proche du précédent. Le développement du Pérou repose sur le progrès de l'agriculture irriguée autour d'un pouvoir militaro-religieux. Le développement des cités repose ici sur les surplus agricoles. La technique agricole de l'époque permettait à peine de vivre. L'irrigation a alors permit de produire plus. Le surplus a permit l'échange et le développement des villes. . 3ème foyer de civilisation : la Mésopotamie. Les peuples de Mésopotamie reposaient sur l'agriculture : 5000 av JC. C'est de la d'écriture a pris son essor, qu'ont émergé les premières formes Cette civilisation est moins connue que les autres peuples. D'abord c'était l'agriculture ensuite le développement des cités et enfin le regroupement de plusieurs cités. C'est le schéma de stratification sociale : groupes sociaux. Ces dynasties mésopotamiennes ont eu des durées courtes. L'invention de l'écriture a eu ici un rôle décisif car elle a favorisé le développement du commerce mais également le développement d'une administration. C'est dans cette région qu'apparait le Code d'Hammourabi : c'est en quelque sorte l'ancêtre des code d'aujourd'hui. On peut se poser la question à propos de la civilisation sur le fait de savoir pourquoi elle s'est développé de cette manière, l'écriture par exemple, s'y est développé ? Cela est du notamment à l'invention de l'écriture, l'irrigation agricole, la formation d'une armée permanente. Certains auteurs insistent sur la dimension religieuse du pouvoir, d'autres militaires... On peut dire que le sacré joue un rôle difficile. Il n'y a pas de relations de pouvoir à cette époque qui n'intègre pas cette dimension sacrée. . 4ème foyer de civilisation : l'Egypte. On voit le développement d'une agriculture sur la vallée du Nil. La civilisation égyptienne ne dispose que de très peu d'infrastructures militaires contrairement aux sumériens par exemple. Comme si ces cités n'étaient peu touchées par des attaques et des guerres. Il y a une concentration de pouvoir dans les mains de pharaons, un pouvoir qui concentré le religieux mais également le commerce. On observe également une stratification sociale dans la civilisation égyptienne, notamment d'origine bureaucratique. . 5ème foyer de civilisation : la vallée de l'Indus. Là aussi des cités puissantes ce sont développées entre 2500 et 1500 av JC. Cependant, ici on a 2 cités d'égale importance : Harappa et Mohenjo-Daro. Ces 2 cités contrôlaient un territoire qui s'étendait de l'Océan jusqu'au Mont du Pendjab, une zone assez vaste. On y observe la présence de 2 cités basée autour de l'agriculture. Existe-t-il une forme de pouvoir centralisé comme chez la civilisation mésopotamienne et égyptienne. Il y a un système de 2 capitales pour mieux contrôler la vallée du l'Indus. Une seule capitale aurait eu du mal à contrôler l'ensemble de la vallée de l'Indus. Cette civilisation a décliné car il y a eu des invasions. . 6ème foyer de civilisation : la Chine. Le premier empire chinois remonte à 2000 ans. . Eventuellement un 7ème foyer de civilisation : la civilisation d'uranienne. Elle se trouve au sud de l'Iran actuelle. La question reste posée pour savoir quand est apparue cette civilisation. Quelles sont les raisons de ces apparitions de ces formes anciennes de systèmes organisés de pouvoir ? . 1ère explication : les guerres et les conquêtes. C'est la guerre qui est au principe de développement des Etats. Selon cette théorie les Etats se sont développer là ou les populations guerrières ont réussit à s'imposer à d'autres populations (pécheurs, agriculteurs...). Néanmoins on a des contre- exemples. On a des populations dont le caractère guerrier a été infirmé : les zoulous en Afrique. Cela peut être des formes de guerres pour des territoires. Ou encore des guerres avec des groupes différentes. . 2ème explication : c'est le développement de l'agriculture irriguée et l'intensification des échanges. Quel est le rôle de l'irrigation dans le développement des Etats? Un auteur Karl Wittfogel part de l'idée de Marx sur l'existence d'un mode de production asiatique. Pour lui, l'agriculture intensive basée sur l'irrigation entrainerait le développement sur un pouvoir à caractère destructif. L'irrigation permet de développer un surplus monopolisé par un groupe dirigeant et basé sur une bureaucratie civil et une armée permanente. Son idée est un déterminisme dans lequel il faut que le pouvoir soit despotique. Un auteur français a démontré qu'un pouvoir total exercé sur les paysans était un vide d'esprit ces populations paysannes étaient en mesure de résister, une sorte d'autonomie paysanne. C'est par la suite que le pouvoir moderne s'est étendu à ces communautés paysannes. . 3ème explication : l'apparition de formes centrales de pouvoir est du à la croissance démographique. La première contrainte de la croissance impose d'ajuster la production agricole. L'augmentation de la population aurait été un facteur de changement. Ce sont les contraintes démographiques des formes d'apparitions de pouvoir central. . 4ème explication : l'explication par l'urbanisme. Ceci est du à l'apparition de grandes cités. L'organisation de la cité serait à l'origine d'une stratification sociale. La cité a aussi amené la division du travail, répartition des taches de travail. Ici on a du mal à déterminer ce qui est la cause de quoi. Si la révolution est la cause ou la conséquence de l'apparition de pouvoir central. . 5ème explication : le commerce urbain, qui est source de conflits. (2) Existe-t-il des sociétés sans Etat ? Les sociétés dont il est question sont les sociétés anciennes. Elles sont parfois représentées comme des sociétés dépourvues de pouvoir centralisé. Ces sociétés segmentaires ont été très largement étudiées par les anthropologues français et anglais. Tout d'abord, dans ces sociétés anciennes, il n'y a pas de pouvoir centralisé durable reposant sur des institutions, il n'y a pas de relation de domination. L'anthropologue Lucie Maire distingue 3 formes de gouvernement au sein de ses sociétés segmentaires. 3 formes de gouvernements selon Lucie Marie . 1ère forme de gouvernement : le gouvernement minimal, au sein de communautés peu nombreuses et où les détenteurs de l'autorité exercent leur pouvoir à un niveau de faible d'intensité. . 2ème forme de gouvernement : le gouvernement diffue. L'ensemble des individus mâles adultes composant cette forme de gouvernement correspond à une collectivité où le pouvoir est détenu par un ou plusieurs individus qui disposent d'une autorité supérieure. En Nouvelle-Guinée c'est le cas des Bigmets. . 3ème forme de gouvernement : le gouvernement étatique. Il se caractérise par une forme de centralisation des relations du pouvoir et le développement de petites bureaucraties qui vont se spécialiser au service des organisations centrales. Cette différenciation est rarement permanente. Le schéma le plus commun est la seconde forme de gouvernement énuméré. Il y a des exceptions dans la formation de ce type de sociétés, de royaumes, avec un phénomène de dynastie. Mais cette autorité ne s'exerce pas de manière permanente. Dans ces sociétés là, il y a bien des rois, des chefs, mais qui vont exercer leur autorité à des moments précis (fêtes, sorcellerie...). Les relations de pouvoir sont des choses qui ne sont pas toujours appréhendé de façon positive. Les sociétés amérindiennes ont par exemple été étudiées par un anthropologue français, Pierre Claste. Il va montrer que les chefs doivent toujours y prouver que l'autorité qu'ils exercent soit de manière favorable à la communauté. Ces chefs ne sont pas des despotes. Leur autorité ils peuvent l'exercer n'importe comment mais elle doit être favorable à la communauté. Ces formes d'autorité ont été constaté par Jean William Lapierre qui a contesté les conclusions de Pierre Claste car il critique notamment la thèse de Claste, en disant que même si dans ces sociétés les chefs sont obligés d'exercer leur pouvoir de manière favorable à la communauté entière, il y a quand même un rapport d'autorité qui s'établit entre ces chefs et le reste de la communauté. Pour Lapierre, il y a des relations permanentes de pouvoir, les hommes sur les femmes ou les adultes sur les enfants : il y a une forme de pouvoir hiérarchique. Nous sommes là dans des cas où on ne peut pas parler d'Etat au sens moderne du terme. Cela dit il faut essayer de comprendre les logiques. Pour ce faire il faut prendre en compte les rapports entre ses sociétés archaïques. La plupart de ces sociétés entretenaient un rapport avec le cadre extérieur, que ce soit pendant les guerres, avec le commerce... Ceci peut déboucher sur des regroupements au niveau territorial qui peuvent conduire à des sociétés plus hiérarchisées. C'est là, la logique de la formation des Empires : on parle d'Empire dans lequel les sociétés sont regroupées. Le regroupement se fait généralement au profit d'une société plus riche, d'une symbolique plus importante. Frederick Bailey analyse ce schéma des Empires en distinguant des structures emboités et des structures emboîtantes. La structure emboitante c'est celle qui va être à l'origine de la formation de l'Empire par agrégation, par la réunion de différentes structures emboités, par exemple à travers l'usage de la force. Les structures emboîtantes vont détenir des fonctions d'autorité (guerrières, sorciers...) alors que dans les structures emboités, à l'inverse, il y a une succession réglé, une transmission de fonctions. On est là dans ce que Max Weber appelle « la domination naturelle «. Effectivement, les sociétés sans Etat furent nombreuses mais au fil du temps elles ont donné naissance à des structures plus importantes qui ont amené une division des rôles et l'apparition d'institutions centralisés. b) La formation des Etats modernes ? (3) La sociologie historique C'est une appellation qui sert à identifier un certain nombre de travaux, issus de la politique comparée, dont ceux de Max Weber et de Karl Marx. Max Weber Max Weber (1864-1920) est considéré comme un père fondateur de la sociologie moderne. C'est un sociologue allemand de la fin du 19ème-début 20ème. Dans de nombreux écrits, il a exposé une théorie expliquant l'apparition des Etats par un moyen de violence. Pour Max Weber « nous entendons par Etat, une entreprise politique de caractères institutionnels, lorsque, et tant que sa direction administrative revendique avec succès, dans l'application des règlements, le monopole de la contrainte physique légitime", Economie et Société (1922). Ici, ce n'est pas l'Etat au sens institutionnel qui mis en avant mais c'est un plutôt un rapport de domination. Les autres définitions que donnent les juristes c'est la qualification de communauté humaine. Weber insiste d'une part sur la notion de violence et d'autre part sur la notion de légitimité. Pourquoi est-ce que des individus, des groupes, vont-ils à un moment donné accepter l'autorité ? Contrairement aux formes traditionnelles de domination, celles qu'exercent l'Etat est une domination qui repose sur la légalité, sur la loi, c'est-à- dire sur des règles écrites. L'Etat est une autorité qui s'impose en vertu de la légalité. Les individus qui composent l'Etat vont obéir aux agents de l'Etat parce qu'ils obéissent aux lois y compris quand ces derniers exercent une violence. La contrepartie nécessaire à cette domination est qu'il existe une croyance au sein de la population c'est « la croyance validité d'un statut légal et d'une compétence positive fondée sur des règles établies rationnellement «, Max Weber. Il ne suffit donc pas qu'il y est des lois. On parle donc de domination rationnelle légale. Attention : un Etat ne peut reposer uniquement au bénéfice du chef de l'Etat. L'Etat repose sur « l'autorité rationnelle légale «. L'Etat moderne au sens de Weber, c'est celui qui exerce une domination rationnelle légale. L'Etat moderne suppose un monopole car s'il y a une concurrence au sens de l'Etat et des groupements qui s'opposent à ce monopole, alors cela ne fonctionne pas. La formation de l'Etat moderne a donc coïncidait avec un mouvement d'expropriation de groupements privés (ex : Eglise). Il ne faut pas limiter cela aux forces de police militaires. Ce n'est pas ca que veut dire Weber. Ce monopole s'exerce sur l'ensemble de moyens de l'Etat : les impôts, les enseignants... Ce monopole ne repose pas que sur des forces armées. Les bureaucraties forment ainsi une des qualités de l'Etat. Karl Marx Karl Marx (1818-1883) est un philosophe et théoricien allemand du 19ème siècle. Sa thèse est plus compliquée car ses écrits contiennent une théorie de l'Etat qui n'est pas explicité de manière complète. Il y a en fait plusieurs théories de Karl Marx. Ces écrits ont pour certains été découverts tardivement. Théories de Karl Marx . Dans sa 1ère version, c'est à dire dans ses premiers textes sur l'Etat, la domination de l'Etat est celle exercée par une classe sur une autre. Marx dit que « l'Etat n'est pas autre chose que la forme d'organisation que les bourgeois se donnent par nécessité, pour garantir réciproquement leur propriété et leurs intérêts tant à l'extérieur qu'a l'intérieur «. Ca thèse est assez facile a comprendre. Par la suite, Marx et Engels vont proposer quelque chose d'encore plus instrumental. Dans un texte, qui date de peu après la Commune de Paris, on note que l'Etat n'est plus seulement « une forme d'organisation « mais « un outil au service de la classe dominante et qui va lui servir à exploiter la classe ouvrière «. L'Etat se situe dans une logique de rapports de force entre bourgeois et ouvriers. . Dans la 2ème version, l'Etat est comme un instrument, comme un outil. L'Etat est quelque chose qui perd son caractère institutionnel pour n'être qu'un moyen parmi d'autres pour la classe bourgeoise de dominer la classe ouvrière. Marx va même dire que la classe bourgeoise devait amener la destruction de l'Etat. Marx avait une conscience des dangers de l'Etat et de l'ensemble de ses fonctionnaires. C'est plutôt cette 2ème version qui s'est imposée comme la théorie de Marx. Immanuel Wallerstein Théorie de Wallerstein Parmi ceux qui travaillent sur les travaux de Marx, il y a l'historien et sociologue américain Immanuel Wallerstein. Il travaille aux Etats-Unis et s'inspire de Karl Marx et de Max Weber ainsi que de l'Ecole française des Annales. Dans un livre paru il y a quelques années, « le système du monde du 15ème siècle à nos jours «, Wallerstein propose une théorie, celle de « l'économie-monde « : il nous parle de la formation des Etats modernes à travers les transformations économiques, le développement des échanges et la transformation des modes de gouvernement. Le point de départ de la formation des Etats modernes, c'est pour lui le 15ème siècle. Selon lui, auparavant, le monde était divisé en grands Empires. Au milieu du 15ème siècle, se met en place une économie-monde d'abord dans l'Europe du nord- ouest qui s'est ensuite étendue à l'ensemble de la planète suivant le mouvement de colonisation des pays européens. Il s'agit d'une importante zone géographique qui impose une division du travail. Cette dernière repose sur le développement des échanges des produits de base mais aussi des flux de travail et de capital. Wallerstein dit que les échanges marchands ont toujours eu lieu. Pour autant ces échanges étaient limités à un certain nombre de produits. On observe ainsi un développement des échanges de biens et des flux de travail (esclavage) et de capital. L'économie-monde c'est l'apparition d'une économie capitaliste qui ne se réduit pas aux échanges marchands mais aussi autour du capital et du travail. Cette économie a pris son envol en Angleterre, mais aussi dans la Vallée du Rhin. Il y a donc un centre et des périphéries qui vont produire des matières premières. La vente de biens manufacturés va enrichir le centre et appauvrir les zones périphériques car les échanges marchands sont inégaux, ces derniers se produisant principalement au centre. Au niveau politique, Wallerstein observe qu'il y a une coïncidence entre le développement capitaliste et l'Etat centralisé. C'est au centre de ces régions qu'apparaissent les premiers Etats Modernes. Apparaissent également les Etats centralisés avec de puissantes bureaucraties, des flottes de guerre, des bateaux armés pour protéger les navires marchands. Cela conduit à développer et s'organiser autour d'une fiscalité. C'est un processus qui repose sur des transformations d'ordre économiques et institutionnelles. Dans les pays périphériques, il note que les Etats proches du Centre (Prusse, Russie) vont s'accroitre les systèmes féodaux antérieurs. L'économie-monde c'est en d'autres termes l'Etat moderne au centre et l'accentuation des systèmes féodaux dans les pays périphériques. A partir du 15ème siècle, on a selon Wallerstein la formation de 2 types d'Etats : au centre l'Angleterre, la France et les provinces unis, c'est à dire les Etats puissants et à la périphérie du centre il y a des Etats qui connaissent une aggravation de leur système féodale. Ce qui les différencie ce n'est pas leur puissance militaire mais principalement les ressources fiscales et monétaires. Le commerce, l'industrie procurent des ressources fiscales aux Etats du centre plus importantes que les Etats périphériques. Pour Wallerstein le développement de l'Etat est favorisé quand le commerce de l'Etat permet de prélever le plus d'impôts. Critiques sur la théorie de Wallerstein . 1ère critique : la place d'un pays dans le système des échanges commerciaux et puis le processus de construction d'un Etat. . 2ème critique : les provinces unies étaient un pays riche notamment basé sur l'économie portuaire. Ces entreprises marchandes étaient privées et n'ont donc pas permis la naissance d'un Etat moderne. En Espagne, on avait un Etat centralisé et assez proche de l'Etat anglais alors que l'Etat moderne espagnol n'était pas basé sur l'industrie. Berry Anderson Berry Anderson est un historien, un spécialiste du Moyen Age. Fort logiquement, il va essayer de voir si la chronologie de Wallerstein est claire. Ainsi, dans son ouvrage, il propose une chronologie de la genèse de l'Etat moderne qui remonte au 13ème siècle, période qu'il qualifie comme la période au cours de laquelle le système féodal entre en crise. C'est cette crise qui va expliquer, selon lui, la genèse des Etats modernes. Arguments d'Anderson . 1er argument : la crise du système féodal est due au développement des villes notamment sur les axes commerciaux. . 2ème argument : ensuite, c'est paradoxalement la montée en puissance de certains grands systèmes féodaux. Cette hégémonie est renforcée par les croisades mais surtout cela va renforcer les liens entre les souverains, les rois, et ces grands féodaux. C'est une période de transformations. Cette crise du système féodale va laisser la possibilité au Roi de France d'accroître son pouvoir en s'appuyant sur des bureaucraties basées autour de légistes. Ils vont théoriser la souveraineté aux dépens des féodaux. La relation c'est les Rois France et les grands féodaux. Les fondements de la souveraineté royale vont être le fait de ces légistes. Cela se fait, comme le dit Stragier, on parle de découverte du droit romain. On est dans une période de transformations où un certain nombre de groupes sociaux vont se regroupés autour de groupements et former des une classe sociale, c'est le cas de la Bourgeoisie de robe. C'est une crise liée à une transformation que l'on retrouve dans tous les pays où le système féodal s'était imposé sur les bases de l'Empire romain. Pour Anderson, en Espagne par exemple, l'Aristocratie féodale va conduire à renforcer son pouvoir alors même que la Bourgeoisie commerçante (armes, flottes...) s'enrichit. Cet enrichissement en Espagne ne se traduit pas par un renforcement de son pouvoir politique. En Angleterre, ce sont les Tudors qui incarnent l'Aristocratie. Cet Aristocratie va échouer devant l'émergence de la Bourgeoisie. Le parlementarisme est considéré par Anderson comme une voie possible de sortie du féodalisme. En France, il y a à cette époque un renforcement de l'Aristocratie féodale. D'une part, par rapport aux autres auteurs cités précédemment, Anderson situe la genèse de l'Etat moderne au 13ème siècle et d'autre part, il voit dans la coalition des différents groupes sociaux la clé de compréhension des différents systèmes. Barrington Moore Barrington Moore (1913-2005) est un sociologue américain de politique comparée. C'est dans son ouvrage de 1966, intitulé « Les origines sociales de la dictature et de la Démocratie «, qu'il se pose la question de savoir et de voir les liens qu'il y a entre le processus de formation des Etats et de l'autre les épisodes révolutionnaires. Son livre est une étude des voies révolutionnaires. Ce qui va différencier les Etats selon Moore c'est que ce sont les épisodes révolutionnaires qui commencent au 17ème siècle. Ces différentes révolutions, ils les agrègent dans un modèle de 3 voies révolutionnaires : 3 voies de révolutions . 1ère voie révolutionnaire : le capitalisme révolutionnaire. Elle se caractérise une révolution par le haut. Ce sont des changements qui affectent d'abord les élites puis l'ensemble de la population. Pour lui, le capitalisme révolutionnaire c'est le produit d'une alliance entre les élites féodales et la bourgeoisie naissante. . 2ème voie révolutionnaire : la voie de révolutionnaires bourgeoise. Pour Anderson l'exemple de cette voie c'est la révolution française. L'Aristocratie se voit supplanter par le Bourgeoisie montante. . 3ème voie révolutionnaire : c'est la voie communiste. Il la qualifie de coalition entre le monde paysan, les ouvriers et les classes supérieures. Ces 3 voies révolutions ont des conséquences sur les types d'Etats produits par les épisodes révolutionnaires : . Dans le 1er cas, on a le maintien des institutions antérieures. . Dans le 2ème cas, l'Etat moderne naît pour Moore de la Bourgeoisie. Chez Moore c'est d'abord les révolutions qu'il cherche à expliquer. Pour Moore l'Etat moderne est naît de l'ascension de la classe bourgeoise. Jack Goldstone Théorie de l'apparition de l'Etat moderne selon Goldstone Jack Goldstone est un spécialiste de l'étude des révolutions. . Le 1er aspect de sa théorie : pour lui, les transformations de l'Etat vont conduire, avec les épisodes révolutionnaires, à des conséquences. Lui explique l'apparition de l'Etat moderne par les transformations démographiques entre 1500 et 1850. Cette période est pour lui une période qu'il qualifie d' « agrarien-bureaucratique «. Ces Etats, en Europe, en Chine ou au Moyen Orient, ont conduit à des crises liées à l'augmentation de la population. Sur ce point il se rapproche de la conception de Thomas Malthus. Ces Etats vont cherchaient à développer des biens matériels. Dans tous les cas cela induit des augmentations des dépenses de l'Etat. . Le 2ème aspect de sa théorie : cette augmentation de la population provoque des phénomènes migratoires, par exemple un exode rural. Ce phénomène a aussi des conséquences politiques car des populations vont être en quête de subsistance. Ces aspects démographiques donnent naissance à des groupes d'individus assez pauvres et sont disposés à s'engager dans des groupes de révoltes qui peuvent déstabiliser l'Etat. Donc les conflits vont aboutir à toute une série de transformations au niveau institutionnel. Cependant, en Europe cela ne va pas être le cas. Pour Goldstone il n'y a qu'en Europe que cette crise va conduire à des formes institutionnelles plus (à compléter)... Tout d'abord cela conduit à une tolérance religieuse. Ensuite c'est le développement du capitalisme. Pour lui lorsqu'il n'y a pas de tolérance et de libertés, on observe, comme par exemple en Espagne et dans l'Empire ottoman, que les individus ont du mal développer leurs idées en raison d'une perte de libertés. Pour Goldstone, l'émergence d'un Etat moderne à caractère démographique est liée au développement des libertés publiques et du capitalisme. A la base il souhaite se démarquer d'Anderson ou de Wallerstein parce qu'il considère que ces auteurs insistent trop sur les considérations économiques. La démarche de Goldstone pose quelques problèmes car quand on observe l'évolution des Etats la part démographique n'a pas partout la même conséquence partout. Dans certains Etats, les famines n'empêchent pas de nourrir la population. La variable démographique ne peut pas être considérée comme une composante qui produit toujours le même effet. La démographie produit des effets que si les élites au pouvoir ont conscience des difficultés d'approvisionnement de la population en eau, en nourritures... Comment tenir compte, dans le modèle de Goldstone, des rentes d'argent, des ressources de l'Etat ? Certains Etats, comme le Portugal, ont des problèmes de ressources. La question c'est de savoir que la démographie est un facteur qui explique l'émergence des Etats modernes même si la dimension pastorale est à prendre en compte. Les souverains avaient le souci d'amener des institutions qui ont elle-même renforcées l'Etat. Toutes ces questions sont complexes. Ainsi on ne peut pas tout expliquer qu'en un seul facteur. Il y une pluralité des facteurs qui ont amené le développement des Etats modernes. (4) La « dynamique de l'Occident « et la genèse d'une bureaucratie d'Etat Norbert Elias Norbert Elias (1887-1990) est un écrivain et sociologue allemand, élève de Max Weber. Il était juif. Il est l'auteur d'un ouvrage majeur de sociologie historique, « Sur le processus de civilisation « paru, en France, en deux volumes, « La Civilisation des m?urs « et « La Dynamique de l'Occident «. L'Intérêt de l'analyse de la théorie de Norbert Elias c'est qu'il a cet avantage de ce qu'il appelle la sociogenèse de l'Etat moderne. Il y a également un 2ème niveau qui est l'analyse des phénomènes psychologiques. Le projet d'Elias c'est d'étudier à la fois les structures sociales et les structures mentales. Le processus de genèse et de formation des Etats modernes pour Norbert Elias est inséparable d'une transformation qui est « la civilisation des m?urs «. Il voit cela à travers la « loi du monopole « et l'évolution des m?urs. Le point de départ de son analyse c'est la France. Le royaume était divisé entre de multiples unités de domination. Au sein de ces unités, il y a le royaume de France. Ce domaine va s'étendre jusqu'à acquérir un certain monopole sur l'ensemble du territoire. Elias appelle cela la « loi du monopole « qu'il traduit de cette manière : « quand une unité sociale d'une certaine étendue un grand nombre d'unités sociales plus petites (territoires féodaux) qui par leur interdépendance forment la grande unité, disposent d'une force sociale à peu près égale et peuvent de ce fait librement sans être gêner par un monopole existant, rivaliser pour la conquête des champs sociales, en premier lieu des moyens de subsistance..., la probabilité est forte que les uns sortent vainqueurs et les autres vaincus de ce combat et que les chances finissent par tomber dans le... «. On va avoir une compétition dans la durée entre ces monopoles et la probabilité c'est qu'une unité prenne le pouvoir sur l'autre. Ce monopole est double : il est fiscal et unitaire. On observe une monopolisation progressive d'une unité qui va supplanter les autres. Ce processus, Norbert Elias le réalise en 4 phases sur le modèle français : 4 phases du processus . 1ère phase : c'est une phase d'initiative privée qui correspond à la période féodale. . 2ème phase : c'est une phase dite d'« apanage «. C'est le Seigneur central (dans l'exemple d'Elias, le roi de France) qui contrôle l'unité de domination la plus puissante. Il dispose des ressources supérieures à ses voisins séparés. Les plus petits Etats féodaux vont rechercher l'aide des plus forts. L'unité de domination centrale va absorber une série de petits territoires. . 3ème phase : c'est la phase de mise en place d'un monopole royal. En France, on observe cette phase à la fin du 15ème - début 16ème. . 4ème phase : c'est la phase de formation des Etats modernes. L'Etat, au sens moderne du terme, apparaît qu'à la fin de ce processus, c'est la 4ème phase. Les 2 phénomènes sont liés. Le processus de civilisation ne peut exister que si le monopole est en voie d'instauration. Le monopole va se renforcer quand le processus de civilisation des m?urs se déroule bien. Dans un premier temps le contrôle se fait sous la forme d'une interdiction (ne pas jeter des déchets dans la rue) puis cette interdiction est intériorisée. La stabilité des contraintes psychiques, pour Elias, se caractérise par un homme civilisé qui n'est pas concevable sans la contrainte physique. Elias ajoute une dimension psychique assez intéressante. Chez Weber, la légitimité de l'Etat renvoyait à la dimension de rationalité et de légalité. Chez Elias, cela passe plutôt par l'acceptation du monopole de la contrainte. La « curialisation des guerriers « c'est l'acte par lequel en France l'Aristocratie féodale, guerrière, va devenir une noblesse de Cour qui va porter des armes. Une interdiction va contraindre les nobles à ne plus porter d'armes. Le roi va donc empêcher les nobles de se battre entre eux. Ce processus de « curialisation des guerriers « est un des moments forts du processus de civilisation et de l'extension du monopole royal. Pour Elias, la Cour (il prend l'exemple de Versailles) c'est le lieu organisé de cette forme monopolisé de la compétition et du coup cette « curialisation des guerriers « va permettre la montée en puissance de la bourgeoisie. Cette théorie propose en plus donc une estimation de l'Etat moderne en ce qu'il est composé et évolue de différents groupes sociaux. A l'époque seule la noblesse pouvait rivaliser avec le pouvoir royal. Ce monopole royal est quelque chose qui doit être analysé socialement et psychologique. Bilan de ces travaux sociologiques et historiques Il y a d'abord une diversité des situations nationales. Le processus de civilisation d'Elias pour la France existe dans les pays voisins mais dans des formes différentes. Aujourd'hui, les travaux les plus récents sont souvent à caractère collectif. Les progrès en termes de connaissances reposent sur des grandes enquêtes collectives. Un des points faibles des travaux de Wallerstein, Elias, Anderson c'est qu'ils ne pouvaient s'appuyer que sur quelques exemples. Elias comparait par exemple la France à l'Allemagne. Un des problèmes de la sociologie historique c'est de mettre en ?uvre des enquêtes à caractère politique. Pierre Bourdieu Beaucoup de chercheurs, dont Pierre Bourdieu (1930-2002) qui est un sociologue français, ont travaillé sur la genèse de l'Etat moderne en retenant que l'Etat moderne est né après le Moyen Age : « Comme un Etat dont la puissance matérielle repose sur une fiscalité publique acceptée par la société politique et dont tous les sujets sont concernés «. Ainsi, les Etats mettent en place vers 1250-1350, en Europe occidentale, des Etats de guerre, Etat dont les structures sont liées en conflits aux structures de leurs voisins : c'est le cas en France, en Angleterre ou encore au Portugal. Jean Philippe Genet et ses chercheurs affirment donc la genèse de l'Etat moderne à la fin de l'époque du Moyen Age. Ces travaux confirment cette hypothèse que l'Etat moderne apparaît à la fin du 13ème-début 14ème siècle en Europe. L'apparition de l'Etat moderne a été possible que parce que l'aristocratie guerrière s'est ralliée aux institutions monarchiques et royales (en France, les capétiens). Ensuite, parce que les marchands, dont l'activité liée au développement des villes, avaient intérêt à limiter les prélèvements fiscaux sur les activités fiscales. L'ensemble de ces travaux a été repris par Pierre Bourdieu. Dans un article essentiel portant sur la question de l'Etat - « De la maison du roi à la maison de l'Etat - Un modèle de la genèse du monde bureaucratique « - Bourdieu dit que la dynastie est le modèle qui a régné avant l'Etat moderne. C'était l'idée que la représentation de l'Etat moderne est caractérisée par la maison du roi. Les rois étaient avant tout attaché à perpétuer leurs dynasties et attacher également à étendre leur domaine, à augmenter leurs « chances de puissance « (Elias). Les rois, par rapport aux seigneurs féodaux, disposaient de ressources matérielles, militaires, en plus des ressources fiscales. Enfin, le roi de France est le seul souverain reconnu par l'Eglise catholique de Rome. C'est ce qui a fait la différence. Ce capital symbolique autour de cette souveraineté n'aurait pas suffit à faire l' « Etat moderne « sans les bureaucraties spécialisées. La loyauté des serviteurs vis-à-vis d'institutions impersonnelles expliquent la montée en puissance de l'Etat. Ce qui distingue l'Etat moderne de l'Etat dynastique c'est le mode de reproduction des élites qui le composent. Là, on a des transformations qui affectent l'Etat bureaucratique. L'Etat moderne se caractérise par un mode de reproduction basé sur la compétence civile ou militaire. Le roi va employer des gens en fonction de leurs compétences et non sur leur rang au niveau de la famille dynastique royale. Ceci explique l'émergence de l'Etat moderne « le passage de l'Etat dynastique à l'Etat bureaucratique est inséparable du mouvement par lequel la nouvelle noblesse, la noblesse de robe, chasse la nouvelle noblesse, la noblesse de sang «. La promotion de la noblesse de robe se fait autour de la compétence alors que la noblesse de sang était liée à des transmissions. Cela suppose ainsi qu'il y ait des positions d'Etat qui étaient vendus par la couronne à leurs titulaires. Donc, ces fonctions rapportaient de l'argent à l'Etat et permettaient ensuite, à leur acquéreur, d'avoir des fonctions de prestige. Ce processus de bureaucratisation, qui transforme la maison du roi en Etat moderne reposant sur une division du travail entre différents sous-groupes de fonctionnaires, va donner naissance à la noblesse de robe (ou « noblesse d'Etat «) et va faire valoir « des règles impersonnelles d'administration « (Weber). C'est aussi l'apparition de systèmes juridiques qui reposent sur des règles impersonnelles. Cela donne naissance à un champ bureaucratique, qui met en jeu des postes et une série de titres et d'honneurs, par exemple des terres, des rentes, des pensions. L'Etat moderne n'est pas donné de manière définitive. C'est un champ de lutte avec une dynamique de croissance qui repose qui des individus qui aspirent à ces fonctions d'Etat, des positions intéressantes à plus d'un titre. C'est comme cela que les rois de France, ceux d'Angleterre ou encore d'Espagne, ont pu attirés dans leur univers démocratique, toute une série de gens qui se sont ralliés au royaume de France, en espérant en retour des profits. Ils ont finis par constituer une bureaucratie de plus en plus importante. C'est avec cela qu'est apparu l'Etat moderne. La genèse de l'Etat moderne, selon tous ces historiens, est avant tout considérée comme européenne et remise en cause d'un point de vue logique et en s'appuyant sur des travaux récents. (5) Vers un renversement de perspective ? Le problème des travaux qui insistent sur l'Europe comme foyer de naissance de l'Etat moderne, c'est que cette perspective est surtout euro-centrée et oubli ce qui se passe, à l'époque, dans les autres régions du monde. Contre cette tendance à réduire la genèse de l'Etat moderne à l'Europe, toute une série de travaux vont montrer que des processus comparables ont existé. Les travaux les plus récents tendent à montrer que les civilisations orientales ont continué a évolué et ont proposé des modèles institutionnels digne d'intérêt. John Hobson L'historien John M. Hobson, dans "The Eastern Origins of Western Civilisation" (Les origines orientales de la civilisation occidentale (2004), montre que dans la partie orientale du monde, en Asie, au Moyen- Orient, existent à partir du 7ème siècle quelques modèles comparable avec l'économie monde par exemple. Hobson parle de la dynastie chinoise des Tang et les Abbassides du Moyen Orient au 7ème siècle. Dans ces différentes régions on a des réseaux économiques qui relient la Chine à la méditerranée. Ce réseau commercial va s'appuyer sur la diffusion de l'islam dans la mesure où les 1èrs siècles de l'apparition de l'islam sont liés à ces réseaux. Il y a un véritable droit commercial, on observe qu'il y a une densité des relations commerciales. C'est dans cette région du monde qu'est apparu le capitalisme pour Hobson. Pour certains auteurs, cette économie- monde beaucoup plus ancienne qui se développe du 13ème au 16ème siècle s'appuie sur plusieurs sous-systèmes reliés entre eux. Ce qui différencie cette économie-monde orientale c'est qu'elle est composée de plusieurs sous- systèmes sans périphéries, le cas par exemple de l'Europe. C'est une route qui reliait Constantinople à l'Asie centrale ou encore à une route qui allait de l'Egypte à l'Océan indien. Cette zone avait des rapports étroits avec la chine orientale. Certains travaux ont alors reconsidérés la grandeur de l'impérialisme chinois. L'importance de la Chine sur l'Europe a été constante jusqu'au 19ème siècle. Les spécialistes nous disent qu'une véritable révolution industrielle se produit à partir du 10ème siècle (dynastie des Songs), basée sur la sidérurgie et la métallurgie. Cette révolution industrielle se produit 6 siècles avant la révolution industrielle en Grand Bretagne. Cette révolution industrielle en Chine est restée ancrée à un niveau faible car au 15ème, en 1434 plus exactement, elle s'est accompagnée d'une restriction avec les échanges extérieurs. Les empereurs chinois de la dynastie Ming considéraient les pays extérieurs comme des vassaux, des gens qui leur devaient des rentes. Ce sentiment de supériorité allait de paire avec des relations commerciales assez limités. Cela n'a pourtant pas empêché une croissance industrielle considérable. On avait à faire à la base à un pays très industrialisé. Il faut en la matière être prudent car pendant longtemps toute une série de gens ont considérés que la Chine était un pays despotique. L'Europe a réussit au 19ème à s'imposer sur la scène internationale sur la base de sa puissance militaire mais aussi sur son importante puissance impériale. Néanmoins cette hégémonie occidentale des 2 derniers siècles a produit des effets considérables à l'échelle de la planète. c) L'universalisation de l'ordre étatique (6) Ordre national et ordre international La formation des Etats modernes s'est traduite par l'imposition de lignes de partages ; qui progressivement vont prendre la forme de frontières qui vont délimité des territoires, ces territoires étant le lieu ou s'exerçait le monopole fiscal et militaire. Allies dit que ces frontières linéaires n'ont pas toujours existé. Au fur et à mesure du développement, des Etats modernes ont émergé des frontières linéaires. Désormais les unités de domination se succèdent mais ne se superposent pas. Elles ne sont plus séparées par des zones intermédiaires. Le travail d'aboutissement des frontières est inséparable de l'apparition du pouvoir monarchique. Les frontières constituent un élément du pouvoir hiérarchique. Le développement des frontières entre Etats va donner naissance à des instruments, passeports par exemple, mais aussi des institutions spécialisées dans la délimitation des frontières : les douanes. Ce lien très fort entre le processus de construction étatique et le territoire va être traduit dans la cartographie entre ce qui unit le pouvoir d'Etat et ses frontières. Le territoire est ainsi projeté et représenté sous forme de cartes. Cette représentation mentale de l'Etat est une représentation arbitraire et assez naissante. Auparavant, la France était non pas une projection de cartes mais des symboles liées à la dynastie royale. Le passage de l'Etat dynastique à l'Etat moderne, de nouvelles représentations vont s'imposer comme les territoires cartographiés. Les cartes qui servent à s'orienter sont d'un usage très ancien. La carte ne va par la suite plus être qu'un outil mais le symbole de l'Etat. Ces cartes vont devenir d'un usage important par exemple au 19ème. La géographie devient obligatoire en primaire en 1857. C'est un symbole puissant mais il est d'un usage important. La carte servait alors de symboliser la France : l'hexagone. Cette manière de modifier les contours des frontières de la France apparaît à la même époque. De plus, le territoire est un des 4 éléments constitutifs de la définition juridique de l'Etat. Cette définition est assez récente. Ce qui est intéressant c'est de la considérer comme le produit de la construction du processus de l'Etat. L'Etat territorialisé est une invention du 18ème siècle et c'est la base du droit international public. Ce qu'il faut savoir c'est que le droit international public est inséparable du processus de l'Etat moderne. La vision du monde reliée au droit international public est une vision divisée entre Etats et seulement entre Etats. Cette vision va recevoir l'appui de tous ceux qui souhaitent l'extinction du processus de colonisation. Le droit international public, qui s'articule autour de la notion de souveraineté, est en fait un droit des Etats. Ce droit international n'a jamais réussit à supplanter le droit des Etats malgré l'émergence d'institutions sur le plan international au 20ème siècle, à l'image de la SDN ou l'ONU. (7) Mondialisation et « crise de l'Etat « Il faut en venir quelques décennies en arrière. Le modèle occidental de l'Etat moderne s'est généralisé dans le monde à travers un modèle d'exportation. Par exemple le code civil français a été décliné en de nombreuses versions en Afrique noire et en Afrique du Nord notamment. Ce transfert s'est fait d'abord pendant la période coloniale : l'objectif était de transposer sur place le cadre institutionnel nécessaire à l'exploitation de l'Etat et le maintient de l'ordre. Lorsque tous ces territoires sont alors devenus indépendants il n'y a pas eu de ruptures totales avec la métropole, exception dans le cas de l'Indochine. Ces nouvelles élites ont plus souvent importés des modèles qu'elles connaissaient. Selon Bertrand Badie, cette exportation doit être étudiée dans une perspective stratégique. Ces nouveaux pays ont construit tout un ensemble institutionnel qui renvoie également à des logiques d'intérêts. Durant ces quelques années va se former une bourgeoisie d'Etat, un petit groupe de personnes va monopoliser des positions déléguées par les pays colonisateurs ou crées simplement par eux-mêmes. Cependant, on ne peut pas transformer un territoire aussi facilement. Cette dépendance vis-à-vis des importations est d'autant plus grande, que ces Etats ne disposaient pas d'un monopole fiscal qui permettait de remplir les caisses de l'Etat. Il faut surtout que l'impôt soit accepté par la population. La faiblesse des ressources fiscales a conduit soit à emprunter, pour ces pays, soit trouver des ressources au niveau des flux de marchandises, des droits de douane élevés. Le problème c'est que les flux commerciaux d'importances vont favoriser les pots-de-vin. La richesse la plus facile à prélever était celle des flux commerciaux. Tout ceci va favoriser le développement d'une bourgeoisie à caractère prédateur, dont les ressources ne sont pas liées à une activité de production, mais, à une activité de ressources prélevées sur les flux commerciaux. Ainsi, ces pays sont d'abord caractérisés par leurs flux commerciaux et leur caractère politique. Cette dépendance qui, dans un premier temps était surtout vis-à-vis des Etats coloniaux, s'est ensuite formé une dépendance vis-à-vis des institutions internationales. Tout ceci forme un système qui s'est aggravé et dégradé ou au fil du temps, parce que pendant la guerre froide, les anciennes métropoles et les super puissances comme l'URSS et les Etats-Unis avaient des intérêts stratégiques partout dans le monde qui pouvaient les aider militairement et monétairement. La fin de la compétition entre les deux blocs a conduit le retrait de certains pays. La situation s'est dégradée pendant les années 1990 et au 21ème siècle. Ces pays ont un développement économique avec leur capacité à exporter et non pas vraiment développer le secteur industriel. Cela a créé une dépendance avec l'extérieur. Cette situation de dépendance a eu de conséquences sur les structures politiques internes. Ainsi, la Cote d'Ivoire est une ancienne colonie française indépendante en 1960. Avant cette date, l'économie y était avant tout une économie de plantations (café...) qui a été petit a petit remplacé par une agriculture. La situation économique mondiale a fait que les cours du café ont augmentés pendant les années 1970 ce qui distinguait la Côte d'Ivoire de ses voisins. Ces flux d'exportations ont permit aux partis politiques au pouvoir de gérer une clientèle importante. Dans les années 1990, ce pays a connu des difficultés à cause de la baisse des prix des matières premières. Le café, à cette époque, a connu une baisse des ressources. Les partis politiques au pouvoir avaient donc moins d'argent a distribué. Pour se maintenir au pouvoir ils ont décidé de mettre en avant les clivages à caractère ethnique en stigmatisant une population étrangère pour se faire réélire. C'est un bon exemple rencontré par les pays du Sud. On a eu tendance a considéré que ces Etats étaient identiques dans leur de fonctionnement (France ou Angleterre). Haïti en est l'exemple parfait. On peut ne parler d'Etat dans ce pays car ils ont échoué à monopoliser les ressources fiscales et militaires nécessaires à la constitution de leur Etat. Le monopole fiscal y est surtout incomplet. Sur le plan militaire cela se traduit par des liens de dépendance vis-à-vis d'un pays plus puissant. Le problème qui se pose alors c'est que les logiques internes d'aides aux positions de l'Etat vont renforcer les lie...