BLUM Léon

« montré que la Nature et les Dieux délirent aussi bien que les hommes.

» ( Ethique , appendice livre I) A l'issue de cette première partie, il semble bien que toute illusion doive être systématiquement combattue en tant qu'elle est porteuse d'erreurs.

Cependant encore faut-il avoir conscience, savoir, que cette illusion est uneerreur.

Or dans certains cas, c'est indécidable.

Dans ce cas l'affirmation condamnant toute illusion reste-t-ellevalable ? Deuxième partie : Toute illusion est-elle nécessairement condamnable ? L'hypothèse analysée dans cette partie confère à l'illusion une fécondité pratique et une pertinence dans le domaine de l'indémontrable. Identifier l'illusion à l'erreur peut s'avérer trompeur dans la mesure où est évacué leur caractère successif. L'homme en proie à l'illusion n'est pas conscient de son erreur, cette prise de conscience n'a lieu que dans undeuxième temps, soit par autrui, soit par son propre entendement.

En ce sens l'illusion est première et l'erreurseconde.

L'identification entre illusion et erreur est le résultat d'un jugement, d'autrui ou de soi-même.

Or si ce quiest à l'origine de la condamnation de l'illusion est un jugement, il faut s'assurer de son bien fondé.

En effet, lejugement d'autrui qui critique ma manière de penser en me disant « tu te fais des illusions », n'est pasnécessairement exempt d'erreurs. La croyance, selon laquelle l'individu peut influer sur le cours du monde, est jugée selon certains comme étant déraisonnable ou fondée sur une illusion.

Pourtant les actions des grands hommes ont ceci de caractéristiquequ'elles reposent bien souvent sur cette croyance.

Entre le rêve d'un homme et la réalité il peut certes il y avoir unfossé infranchissable, mais ce n'est pas une nécessité.

Se faire des illusions peut inciter l'homme à se dépasser, cequi peut le conduire à réaliser ses désirs.

La part d'irrationnel dans l'action humaine laisse une place à l'illusion.

D'unecertaine manière c'est ce qu'affirmait Hegel : « rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion ».

( La Raison dans l'histoire ) Le jugement d'autrui sur la limitation de la portée de nos actes peut être erroné.

En effet, l'expression de la raison universelle qui réside dans l'action des grands hommes, n'est pas nécessairement perçue partous, certains contesteront cette relation entre le singulier et l'universel, la jugeront illusoire. La relation entre l'illusion et l'action a été éclairée par la passion, elle peut l'être aussi par le désir.

La part du désir dans l'illusion s'avère particulièrement importante.

« Nous appelons illusion une croyance quand, dans lamotivation de celle-ci, la réalisation d'un désir est prévalente, et nous ne tenons pas compte, ce faisant, desrapports de cette croyance à la réalité, tout comme l'illusion elle-même renonce à être confirmée par le réel.

»(Freud, L'Avenir d'une illusion ) Il est question ici d'illusion religieuse.

Or dans la mesure où le domaine religieux est celui de la croyance et non de la vérité, l'existence, tout comme l'inexistence, de Dieu étant indémontrable, lacondamnation de l'illusion fondée sur son identification à l'erreur n'est pas fondée, puisque ni le vrai ni le faux nepeuvent être affirmés, simplement le possible. Cette deuxième partie a permis de valoriser l'illusion et de montrer dans quelle mesure elle n'était pas nécessairement déraisonnable.

Si toute illusion ne doit pas être combattue, il n'en reste pas point moins que toutesles illusions ne peuvent pas être valorisées. Troisième partie : Comment peut-on juger l'illusion ? L'hypothèse traitée dans cette partie met en évidence l'importance d'une critique des illusions, certaines seulement pouvant avoir une fécondité pratique. Si l'attitude sceptique, consistant à réagir à la possibilité de l'illusion par la suspension de jugement, est critiquable, pour autant l'attitude opposée valorisant tout type d'illusions est tout aussi discutable.

Notre penséepeut se fourvoyer dans des illusions de la conscience telles que l'idéologie.

« L'idéologie est un processus que le soi-. »