Voyageur de Langevin

« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)14 avril 1965 Série No 39 Fiche No 466 Voyageur de Langevin 1.

Parmi les bouleversements que la théorie de la relativité d'Albert Einstein (1905) a causés dans la physique, l'un des plus importants a été la révolution de la notion de temps.

Au temps absolu de la physique classique s'est substitué le temps relatif, insé­ parable de la notion d'espace et variable avec l'observateur.

Cette nouvelle notion est illustrée clairement par l'histoire du voyageur du cosmos imaginée par le physicien français Paul Langevin (1872-1946).

2.

Envisageons le cas d'un voyageur qui quitterait la terre avec une vitesse très proche de la vitesse de la lumière (environ un milliard de km/h.), ce qui en principe n'est pas impossible.

La relativité mène à la conclusion que cet homme ne vieillira presque pas, le temps s'écoulant moins vite pour lui du fait de sa vitesse considérable.

Langevin a calculé que si le voyageur s'éloigne pendant un an avec une vitesse inférieure de 1/20 oooe à celle de la lumière, fait demi-tour et parcourt le trajet inverse, il trouvera à son retour la terre et ses habitants vieillis de deux siècles, alors que son voyage n'aura duré que deux ans de son temps propre.

3.

Ce phénomène n'a pas encore pu être mis en évidence pour un voyageur humain, même avec les grandes vitesses de propulsion que l'on sait atteindre maintenant, car elles sont faibles devant la vitesse de la lumière.

Un voyageur se déplaçant à 1000 km/h.

pendant soixante ans de sa vie ne gagnerait sur ses semblables qu'un millième de seconde.

4.

Cependant, on a vérifié avec certitude que certaines particules élémentaires, les mésons mu, vieillissent beaucoup moins vite à grande vitesse qu'au repos.

Instables, les mésons mu se désintègrent spontanément au bout d'une durée moyenne de 2 milliardièmes de seconde lorsqu'ils sont au repos.

Le trajet que peut parcourir, avant de se désintégrer, une de ces particules voyageant à la vitesse de la lumière peut donc être aisément calculé par une simple multiplication (sans tenir compte de la relativité): il est d'environ 600 mètres.

Or, les mésons mu qui prennent naissance dans la haute atmosphère, sous l'influence du rayonnement cosmique, parcourent à une vitesse très proche de celle de la lumière une distance de plus de dix kilomètres.

Pour eux, le temps s'écoule donc moins vite à grande vitesse qu'au repos, confor­ mément aux prédictions de Langevin.

5.

Déconcertant et surprenant pour notre mode de pensée habituel, ce phénomène de contraction du temps suscite des espoirs pour l'exploration de l'univers par l'homme.

Hors du système solaire, la plus proche étoile est à près de quatre années­ lumière de la terre, et la galaxie la plus voisine de la nôtre, Andromède, à plus de deux millions d'années-lumière.

Mais, selon la relativité, le trajet vers Andromède ne durera que quelques mois s'il s'effectue à une vitesse très proche de la vitesse de la lumière.

Néanmoins, la terre vieillira pendant ce temps de plusieurs millions d'années, et le voyageur aura fait un bond dans l'avenir sans espoir de retour dans le passé.. »